2006 Campagne de promotion de la lecture dans les bibliothèques du réseau Lire en Afrique « Moi, je lis »

mardi 7 mars 2023
par  LEA

En 2006, pour attirer plus de lectrices et lecteurs vers les bibliothèques du réseau, Lire en Afrique entame une campagne d’envergure, sur le slogan "Moi, je lis" identifiée par un logo figurant une petite fille en train de lire.

Lire en Afrique s’est spécialisée dans la conception des dotations adaptées aux bibliothèques de proximité qu’elle met en place au Sénégal. Les collections initiales sont conséquentes puisqu’elles comptent entre 2000 et 3000 ouvrages couvrant les besoins de lecture loisirs et de lecture utile, du préscolaire à l’âge adulte. Toutefois, la question du renouvellement de ces collections de démarrage se pose. Les livres s’usent, surtout les plus appréciés, l’intérêt des lecteurs et lectrices pour leur bibliothèque s’émousse et doit être aiguisé par l’arrivée de nouveautés.

Très vite, il est apparu que ni l’État sénégalais, au travers de sa Direction du Livre et de la Lecture, ni les collectivités territoriales ne prendraient en charge ce renouvellement, pas plus qu’elles n’avaient participé aux collections initiales, gracieusement pourvues par Lire en Afrique. Quant au budget des bibliothèques elles-mêmes, la modicité des cotisations imposée par la volonté de n’écarter personne de l’accès aux livres, ne saurait générer de sommes suffisantes pour l’achat de livres. Aussi Lire en Afrique, en est-elle arrivée à l’idée de dotations thématiques qui viendraient compléter régulièrement les fonds des bibliothèques, non pas de façon banalisée et anonyme, mais valorisée par le biais de la thématique mise en avant, et par le dispositif de remise aux bibliothèques qu’il s’agisse d’une cérémonie ou d’un séminaire de mise en main.

GENÈSE DU PROJET

Lire en Afrique est toujours à la recherche de fonds externes pour pouvoir acheter des livres neufs et ainsi améliorer la composition des fonds documentaires des bibliothèques du réseau, en choisissant les livres qui conviennent aux lecteurs sur les catalogues des éditeurs. En effet, le fonds d’une bibliothèque ne peut pas être seulement constitué de dons, généralement disparates et comportant essentiellement des romans français. Des livres choisis, qui tiennent compte des spécificités du lectorat sont indispensables.

Jusqu’à ce projet, les collections des bibliothèques sont constituées à partir de :

  • Livres collectés en France chez les bibliothèques municipales et départementales, en sélectionnant les titres qui conviennent parmi leur pilonnage. Livres jeunesse essentiellement, littérature classique française, documentaires et usuels ;
  • Livres neufs fournis par l’association ADIFLOR, issus de ses stocks mais insuffisants pour couvrir tout le spectre des besoins de lecture au Sénégal ;
  • Romans du programme des lycées et collèges achetés grâce à une subvention de 800 €, attribuée chaque année depuis 2002 par la bibliothèque du CE de LCL ;

Ces livres depuis les années 2000, sont transportées par fret international, à raison d’un conteneur (35 000 livres) par an, et, depuis 2004, par le biais de l’association ADIFLOR, financée à cet effet par la région Ile de France.

Au-delà de la mise à disposition de livres qui répondent aux stricts besoins liés aux exigences scolaires et aux loisirs, notre ambition est de favoriser l’accès à la culture pour le plus grand nombre, via des œuvres littéraires et scientifiques. Au Sénégal, l’accès à la culture littéraire et scientifique ne peut se faire qu’à travers les livres de langue française pour autant que ces derniers soient accessibles et gratuits, donc par le biais des bibliothèques. Les premiers utilisateurs des bibliothèques sont les élèves qui y viennent avant tout pour leurs besoins scolaires. Même s’il est indispensable d’y répondre, il faut, en plus, proposer d’autres types de livres pour un passage progressif de la lecture utile à la lecture plaisir. D’autre part, nous souhaitons diversifier les publics, du préscolaire aux adultes, donner envie de lire à ceux qui n’ont pas encore franchi la porte des bibliothèques et proposer des animations autour du livre.

Nous nous sommes ouvertes à Brigitte Field, chargée de mission à la Région Ile de France, de notre besoin de livres neufs et choisis en fonction des besoins des jeunes lecteurs sénégalais. Sa réponse est constante : elle ne peut pas nous accorder de subvention directement car l’association Lire en Afrique n’est pas connue, ne dispose pas de personnalité de premier plan dans son conseil d’administration et ne bénéficie d’aucun soutien politique.

En 2005, elle nous informe que le secteur francophonie du conseil régional Ile De France a ouvert un appel à projets, dans la perspective de l’année 2006 qui sera dédiée à la francophonie. Elle nous encourage à déposer un projet. Pour mettre toutes les chances de notre côté, elle nous conseille de nous associer à des associations déjà financées par le Conseil Régional d’ile de France comme ADIFLOR et "À fond la science".

Le contexte est favorable, l’année 2006 est l’année de la francophonie, mais aussi l’année du centenaire de la naissance de Léopold Sedar Senghor. Nous souhaitons saisir cette opportunité et profiter de son retentissement médiatique pour diriger l’attention du public vers les bibliothèques, vecteurs majeurs d’accès à la culture mondiale par le biais du livre.

ADIFLOR se déclare partante pour un projet commun, en laissant à Lire en Afrique le soin de formuler le projet. Marie Girod, présidente de « À fond la science » émet tout de suite des idées. Son association a pour objectif de populariser la science auprès d’ un large public en proposant des ateliers d’expérimentation scientifique aux écoles, aux bibliothèques et aux populations lors des fêtes de la science. Ses manifestations s’appuient sur une exposition, des livres documentaires pour la jeunesse et des expérimentations scientifiques, réalisées par une équipe de professionnels. Elle est tout à fait intéressée pour conduire une opération similaire au Sénégal. Nous nous rencontrons à plusieurs reprises et le projet prend forme.
La science sera donc l’un des thèmes de l’opération. Il permettra d’associer Science et langue française sous un angle original. Nous avons choisi aussi ce thème parce que les questions que posent aujourd’hui la science constituent une voie royale vers la lecture comme l’a démontré, à maintes reprises, son association. C’est surtout, un problème récurrent au Sénégal qui manque cruellement de scientifiques et d’élèves dans ces filières.

Le titre du projet soumis au Conseil Régional Ile de France sera donc : « Le français pour l’accès à la culture littéraire et scientifique au Sénégal, en 2006, année de la francophonie et centième anniversaire de la naissance de Léopold Sédar Senghor ».

Il est convenu que le projet sera déposé conjointement par ADIFLOR, À fond la science et Lire en Afrique, au secteur francophonie du Conseil Régional Ile de France.
Ce projet est sélectionné, et bénéficie d’un co-financement de la part de la région Ile de France. Dans les attendus du comité de sélection, nous sommes surprises de découvrir que ce qui a beaucoup pesé en notre faveur, parmi tous les dossiers reçus, c’est l’idée de considérer la science comme un aspect de la francophonie. Le jury a été surpris, il n’y avait pas pensé.
A l’annonce de l’accord de la subvention, nous nous mettons immédiatement au travail.

PRÉPARATION ET CONCEPTION DE LA CAMPAGNE- 2006

Un objectif : enrichir les fonds des bibliothèques pour augmenter la fréquentation des bibliothèques :
Le projet consiste, à remettre une dotation de 600 livres à 20 bibliothèques du réseau Lire en Afrique. Il va permettre d’enrichir de façon ciblée et pertinente les fonds actuels de ces 20 bibliothèques en région de Dakar, fréquentées à 90% par des lecteurs du monde scolaire. Comme toute nouveauté, cette dotation devrait aussi stimuler l’intérêt des lecteurs pour leur bibliothèque et en augmenter la fréquentation. Elle est composée de 4 fonds bien distincts :
• 120 titres de documentaires scientifiques en accompagnement de l’initiative « Jouer la science », un stage d’une semaine à Yoff, destiné à former les bibliothécaires et dont l’objectif est de permettre l’acquisition de savoirs faire pour animer des activités scientifiques dans la bibliothèque ;
• 170 titres de littérature sénégalaise et africaine balayant toute l’histoire de la littérature africaine, accompagnés d’une brochure présentant chaque ouvrage en le replaçant dans une perspective historique ;
• 120 ouvrages de littérature jeunesse publiés chez les éditeurs africains accompagnés d’une brochure de présentation des ouvrages ;
• 200 ouvrages d’aide au cursus scolaire de l’élève de l’enseignement moyen composant ce qu’on appelle la panoplie de l’élève (usuels, manuels scolaires, annales, romans du programme).

La sélection des ouvrages, un enjeu important :
Le projet adopté a ramené de 50 à 20 le nombre de bibliothèques concernées. Elles recevront chacune ces 600 ouvrages. Ce sont donc 12 000 livres qu’il faut acquérir pour nourrir les 4 thématiques choisies :

  • La littérature africaine
    A Paris, Éliane se plonge dans la lecture des ouvrages sur la littérature africaine, encyclopédies, revues, ouvrages critiques de la littérature francophone d’Afrique Noire. Elle décide de composer un panorama d’auteurs et d’œuvres de la période post-coloniale, en privilégiant les auteurs classiques et plus contemporains. Elle fait appel au bibliothécaire de Matam, professeur de français, Abdel Kader Diatta, qui prépare un concours afin de devenir professeur de littérature à l’université. Il est donc très au fait de ce que l’on enseigne au Sénégal, et des auteurs qui y sont privilégiés. Ce travail aboutit à une liste de 200 titres qui sont commandés chez leurs éditeurs ou diffuseurs.
    Dans les conversations que nous avons régulièrement avec les bibliothécaires et les lecteurs, l’expression « littérature africaine » revient souvent dans leur propos. Ils lisent et ils réclament des ouvrages de littérature africaine. Mais, en réalité, cette expression recouvre uniquement les quelques œuvres littéraires inscrites au programme des collèges et lycées. Ils ignorent, le plus souvent, les autres auteurs, les autres livres. C’est l’occasion de combler cette lacune.
  • La littérature jeunesse des éditeurs africains
    Nous connaissons déjà assez bien ces ouvrages. Nous sommes des habituées des librairies de Dakar et entretenons d’excellentes relation avec l’éditeur NEAS à Dakar. Nous rencontrons régulièrement les éditeurs au salon du livre de Dakar, qui se tient chaque 2 ans au mois de décembre, et, nous connaissons leur représentant ou directeur. Nous apprécions particulièrement les ouvrages de Ruisseaux d’Afrique du Benin et de NEI/CEDA de Cote d’Ivoire, leurs ouvrages nous semblent bien adaptés pour les jeunes lecteurs du Sénégal. Eliane consulte les spécialistes du domaine. L’association « la joie par les livres » met à sa disposition tous les articles critiques, proposés dans leur revue « Takam Tikou » et lui donne accès, en consultation, à tous les ouvrages en dépôt dans leur centre de documentation. Elle dresse la liste des 120 titres et passe commande aux éditeurs. Ces livres nous seront livrés directement au Sénégal.
    Cette dotation est l’occasion, pour nous, de doter enfin les bibliothèques Lire en Afrique d’un fonds de littérature africaine, allant bien au-delà des œuvres inscrites au programme des collèges et lycées. Nous proposons aux lecteurs, un panorama de la littérature africaine, composé d’écrivains africains francophones ou non, sénégalais et d’autres pays, écrivains contemporains et plus classiques, balayant ainsi l’histoire de la littérature africaine, destinés à des milliers de lecteurs jusqu’alors privés de cette partie de leur culture.
  • Les ouvrages scientifiques
    Eliane utilise la revue critique publiée par « A fond la science » qui présente les ouvrages en les classant par domaines scientifiques. Elle s’appuie aussi sur le programme de SVT des collèges et lycées publiés par l’Education Nationale du Sénégal. En croisant le programme et la revue critique, elle aboutit à une liste de 120 titres.
    Pour valoriser ces beaux documentaires traitant de domaines scientifiques sous différents angles : ouvrages illustrés de vulgarisation scientifique pour la jeunesse, livres plus pointus pour un public averti, "beaux livres", encyclopédies scientifiques jeunesse, romans de la science, l’idée est de les associer à une exposition, à des conférences.
  • La panoplie de l’élève
    Pour la panoplie de l’élève, l’étude du programme de français et de philosophie publié par l’Éducation Nationale sénégalaise, complétée des catalogues des éditeurs français et africains déterminent la liste des ouvrages indispensables au cursus scolaire : œuvres du programme de français et de philosophie, usuels (encyclopédies, dictionnaires, grammaire), annales et un panel de manuels et d’outils pédagogiques.

C’est la première fois que nous disposons d’un budget d’achat. Il s’agit de l’utiliser au mieux pour obtenir le maximum de livres. La sélection tient donc compte des contenus, mais également du prix des ouvrages et des possibilités d’obtenir des rabais. Chaque livre étant à commander au minimum en 20 exemplaires, nous nous adressons directement aux éditeurs, et obtenons, en général, une remise de 30 % sur le prix catalogue, parfois plus.

Les bibliothécaires et les lecteurs au centre du projet

Dans les discussions avec nos partenaires, nous refusons toutes les dépenses de réception qui sont généralement consacrées à regrouper à Dakar des décideurs et "spécialistes" autour de cocktails. Ces opérations sont consommatrices de budget et n’apportent rien à l’objectif poursuivi. Mais ADIFLOR y tient, elle tient à ce qu’une réception officielle accueille ses dons de livres. A la demande du président d’ADIFLOR, le sénateur Duvernois, l’ambassade de France au Sénégal est impliquée. C’est donc elle qui prendra en charge la communication institutionnelle. Notre souci à nous, Lire en Afrique, n’a jamais été la communication externe, qui demande beaucoup de moyens, pour une efficacité toute relative, et qui s’est toujours traduit pour nous, par un accroissement des sollicitations et jamais par un accroissement des ressources.
Nous préférons orienter ce budget vers la communication en direction des lecteurs pour aider les bibliothécaires dans leur mission, en leur procurant les supports de communication nécessaire à la déclinaison de la campagne au niveau local.

Une identité visuelle pour la campagne de promotion de la lecture "Moi, je Lis", comme déclinaison concrète sur le terrain du projet initial

Pour que l’opération soit marquante, que ces livres ne passent pas inaperçus, il faut trouver une formule qui caractérise cette dotation ainsi qu’une identité visuelle qui l’illustre. Lire en Afrique propose le slogan « Moi, je lis », une trouvaille d‘Eliane. Pour lui associer une image, ADIFLOR s’adresse à un graphiste, avec qui, elle a l’habitude de travailler. Lire en Afrique contacte un artiste sénégalais, Daouda N’Diaye, impliqué dans le réseau des bibliothèques Lire en Afrique, depuis 1997, et qui, a déjà conçu le logo de l’association. Le choix s’est très vite porté sur sa proposition, une petite fille en train de lire, facilement identifiable comme sénégalaise et qui affirme « Moi, je lis ». Cette idée nous a immédiatement enthousiasmées. Par la suite de nombreuses bibliothèques ont recruté des peintres locaux pour reproduire cette image sur les murs de leur bibliothèque. Le message est explicite.

Les supports de la campagne
Nous cherchons des idées de supports de communication. Au Sénégal, chaque manifestation est marquée par la distribution de tee-shirts au slogan de l’organisateur, des banderoles sur la voie publique annoncent l’événement. Nous ferons faire des tee-shirts à distribuer lors de la cérémonie de remise officielle, et à remettre à chaque bibliothèque pour distribution à ses lecteurs.
Nous cherchons une autre idée, ayant un lien direct avec la lecture et qui puisse toucher un plus grand nombre de lecteurs, dans chaque bibliothèque. Nous pensons aux stylos qui, en outre, seront très utiles aux élèves. Il y a toujours pénurie de stylos au Sénégal. Nous commandons 10 000 stylos que les bibliothèques distribueront aux lecteurs lors des adhésions : 500 lecteurs pour 20 bibliothèques nous conduit à commander 10 000 stylos, portant le logo « Moi je lis ».

la déclinaison de l’identifiant visuel "Moi, je lis"

Nous pensons aussi donner une identité visuelle à toutes les bibliothèques. Lire en Afrique, fait déjà fabriquer des panneaux identiques indiquant : Bibliothèque Lire en Afrique, à suspendre à l’entrée de la bibliothèque. Pourquoi ne pas compléter avec des rideaux et nappes d’un même tissu. IL s’agit d’une pratique courante au Sénégal, lors des mariages, les tenues des demoiselles d’honneur sont taillées dans le même pagne, dans les meetings politiques, le comité de soutien est habillé du même tissu, il en est de même des manifestations religieuses. A Yoff, un nouveau magasin de tissu s’est installé. Le directeur nous reçoit. Il possède une usine d’impression textile à l’entrée de Rufisque la « Socotex ». Il accepte de réaliser un tirage original, au logo « Moi, je lis », pour un minimum de 3000 yards. C’est jouable, avec 3000 yards, à raison de 100 yards par bibliothèque, même les bibliothèques qui ne sont pas incluses dans le projet pourront bénéficier de cet identifiant.
Nous faisons également fabriquer des étiquettes autocollantes du logo « Moi, je lis » qui seront apposées sur la couverture de chacun des 12 000 livres à distribuer, ce qui permettra de distinguer la nouvelle dotation des collections initiales.

Des sous verres représentant le logo "Moi je lis" pour chaque bibliothèque
Une des spécialités des artistes sénégalais, ce sont les peintures sous verre. Nous demandons à un artiste sénégalais, Ibou N’Diaye, dont l’atelier jouxte la bibliothèque de Ouakam, de bien vouloir réaliser une trentaine de peinture sous verre, reproduisant le logo « Moi je lis ». Ce sous verre sera distribué à chaque bibliothèque.
De plus, afin que chaque bibliothèque se sente appartenir à un vaste réseau, des cartes de Sénégal avec positionnement de chaque bibliothèque sont fabriquées par Marie Josèphe et éditées pour être affichées à l’intérieur des bibliothèques
En voyage au Bénin, à la même période, nous faisons fabriquer par les artisans d’Abomey des tentures au logo « Moi je lis » destinées à être déployées lors des manifestations que Lire en Afrique organise telle les séminaires et les stages de formation.

Les supports en appui aux bibliothécaires.
Que les bibliothécaires aient été formés à l’EBAD, (Ecole de formation des Bibliothécaires et Archiviste du Sénégal) où qu’ils soient issus du terrain, élèves, retraités, agriculteurs… la connaissance des livres reste leur point faible. Certains d’entre eux n’ont jamais fréquenté une bibliothèque avant de devoir en assumer la gestion. Rares sont ceux qui ont lu ou qui lisent autre chose que ce que leur scolarité leur a rendu obligatoire. Ils ont tout au plus une idée des auteurs de la littérature classique française, enseignée dans le secondaire et des auteurs africains inscrits à leur programme. La littérature jeunesse, les documentaires scientifiques, leur sont totalement étranger. Mais comment les connaîtraient ils ? Autour d’eux il n’y a pas de livres, pas de bibliothèque, pas de librairie, il n’y a pas d’émission littéraire dans les médias.

Les brochures de présentation des thèmes de la collection
La formation des nouveaux bibliothécaires, dispensée lors de la création de chaque bibliothèque, fait une large place à la connaissance des livres des collections qui leur sont attribuées : distinguer les livres selon leur nature, identifier les publics auxquels ils sont destinés, organiser leur classement pour en faciliter l’accès. Aussi, pour cette nouvelle dotation de 600 livres, devons-nous recourir à un stratagème pour familiariser rapidement les bibliothécaires à leur contenu. L’une d’entre elle consiste à associer, à chaque thème de la dotation, une brochure décrivant synthétiquement le contenu de chaque livre. Grâce à ce support, les bibliothécaires peuvent prendre connaissance très rapidement du contenu de leur dotation et être à même d’en parler. Cette brochure peut aussi être partagée avec d’autres médiateurs de la lecture, enseignants, chefs d’établissement et même lecteurs et lectrices.

Pour la brochure littérature africaine, par exemple, Eliane crée un document de 24 pages présentant chacun des titres sélectionnés, en le situant dans l’histoire de la littérature africaine post-coloniale. Ce document distribué, en plusieurs exemplaires, dans chaque bibliothèque est très apprécié des élèves et même convoitée par les professeurs de français qui y trouvent, la synthèse qu’ils recherchent.
Eliane réalise ainsi 21 brochures en 600 exemplaires. Nous achetons une imprimante laser dont le prix correspond à l’édition d’une seule brochure, selon le devis proposé par une imprimerie. Eliane transforme son petit appartement parisien en imprimerie avec des milliers de feuillets à imprimer puis assembler.
Pour présenter ces brochures et éviter qu’elles ne soient éparpillées et finissent par disparaître, Eliane fabrique des coffrets en carton qu’elle recouvre du tissu au logo de l’opération.
Chaque coffret contient 2 jeux de brochures. Un jeu est destiné à la consultation en bibliothèque, l’autre jeux doit servir à la promotion de la bibliothèque, lorsque les bibliothécaires rendent visite aux établissements scolaires, situés à proximité de la bibliothèque, ils présentent ces brochures pour inciter les enseignants à visiter la bibliothèque et y envoyer leurs élèves.

Un événement pour marquer le démarrage de l’opération
Une cérémonie officielle de remise organisée à Joal marque cette distribution. Elle rassemble des officiels, représentants de l’ambassade de France à Dakar, de notre partenaire ADIFLOR, mais surtout une délégation de bibliothécaires de chaque site bénéficiaire. Ce sont eux qui seront à l’honneur dans cette journée car la vie des bibliothèques repose sur leurs épaules.

Une dynamique pour orchestrer la campagne sur la durée
Il reste à trouver les idées pour dynamiser cette opération et encourager les bibliothécaires dans leur campagne de promotion de la lecture. L’idée sur laquelle nous nous accordons c’est d’organiser, au bout d’un an, un concours pour distinguer la bibliothèque qui obtiendra les meilleurs résultats de fréquentation et un prix récompensera les initiatives les plus innovantes. Les bibliothèques disposent déjà de tous les outils pour mesurer de façon détaillée cette fréquentation, combien de lecteurs et lectrices, de quel niveau etc., quels livres empruntés…. II leur sera facile de mesurer statistiquement l’impact de cette nouvelle dotation.
Dès le lancement de la campagne, les bibliothécaires sont informés qu’ils seront conviés à un séminaire d’évaluation au bout d’un an de campagne « Moi, je lis ». On y mesurera l’évolution de la fréquentation, la réception des ouvrages par les lecteurs, l’impact sur le milieu. C’est au cours de ce séminaire et au vu des résultats des bibliothèques que seront décernés les prix destinés à récompenser les meilleures campagnes.

Action spéciale : développer l’intérêt pour la dotation science avec des animations en bibliothèque
Cette campagne, puisqu’elle doit donner un souffle nouveau aux bibliothèques est une occasion rêvée pour tenter d’enrichir la pratique des bibliothécaires en abordant l’animation jeunesse en bibliothèque. Une première tentative avait été faite pour former les bibliothécaires à l’animation jeunesse en 2003. Bien qu’assidus, intéressés, concentrés lors de cette formation dispensée par Marie Girod dans les locaux du centre culturel de Ouakam, très rares furent ceux qui la mirent en pratique de retour dans leur bibliothèque.
Avec la campagne « Moi, je lis », nous tenons l’occasion de réitérer cette initiative avec plus de chance de réussite puisqu’elle sera insérée dans une campagne de promotion. Une formation est prévue : dispensée aux bibliothécaires sur le thème de « Jouer la science  », animée par un scientifique de l’association « A fond la science ». Elle comprend une exposition sur 8 thématiques scientifiques et tous les outils permettant de mettre en pratique ces animations en bibliothèque.

REMISE DES LIVRES EN OCTOBRE 2006 ET LANCEMENT DE LA CAMPAGNE

Une organisation tripartite pour mettre en œuvre le projet
Pour réussir ce projet, il faut déployer toute une logistique et répartir les missions entre les 3 associations :
• Pour ADIFLOR la logistique d’expédition des livres de la France vers le Sénégal,
• Pour A fond la science, la conception et l’animation du stage de formation des bibliothécaires à l’animation en bibliothèque autour de la science. La réalisation de l’exposition sciences. Cette formation de formateurs a pour but de les entraîner à réaliser les expérimentations dans leur bibliothèque, les expériences doivent être facilement reproductibles. Aussi toutes les expériences sont-elles à réaliser avec des objets du quotidien.
• Pour Lire en Afrique, la coordination du projet, la sélection et l’acquisition des ouvrages, la logistique d’acheminement au Sénégal, la préparation des dotations, l’organisation de la manifestation à Joal et tous les aspects de la communication sur le projet.

L’étape cruciale de réception et traitement du conteneur, à Joal, la préparation des dotations et des supports de communication.

La manifestation de remise des livres est prévue en octobre 2006 à Joal. La date est choisie pour coïncider avec le centième anniversaire de la naissance de Léopold Sédar Senghor à Joal, ce qui donne une aura particulière à la manifestation.
Éliane part en septembre à Joal, Sénégal, pour réceptionner les livres et préparer les dotations, dans le nouveau local mis à disposition par le collège de la Petite Cote et qu’elle a fait rénover en mai de la même année.
Alioune Gueye, bibliothécaire à la BOSY à Yoff, et coordinateur du réseau Lire en Afrique, arrive également à Joal pour l’assister.
Le container est déjà arrivé et les cartons ont été déposés en vrac dans le local. Difficile d’y accéder, il faut escalader le tas de cartons qui bloquent la porte d’entrée. Après plusieurs jours passés à identifier les cartons et à les ranger, le travail s’organise : vider les cartons, trier les livres, y apposer un tampon et y coller le logo de l’opération, créer vingt dotations identiques. Alioune se prend au jeu et chronomètre son travail, tant de livres préparés en une heure, il essaie de battre ses propres records de vitesse.

Nous avons trouvé un hébergement chez un habitant de Joal, dans un quartier situé vers le port. Il a beaucoup plu ces derniers temps et l’eau ne s’évacue pas, elle stagne dans les rues et est devenue verte. Pour arriver à notre hébergement, il faut patauger, pas d’autre solution. De notre fenêtre, nous apercevons les maisons alentour, il y a de l’eau à l’intérieur des habitations. Comment ces personnes peuvent elles vivre ainsi, dans l’eau, pendant des semaines. Il fait très chaud et il y a beaucoup de moustiques. Le midi, nous prenons nos repas à l’auberge du Thiouraye, tenue par une jeune femme sympathique, Rama Baldé. Mariée très jeune, par son père a l’un de ses amis en Guinée, elle est revenue au Sénégal et y a pris un nouveau mari, qu’elle s’est choisi, mais, nous dit elle « mari imposé ou mari choisi » c’est finalement la même chose elle se retrouve, seule, à 30 ans, avec 5 enfants à élever.
Le travail avance bien et c’est bientôt ramadan. Eliane conseille à Alioune de retourner à Yoff, il ne peut pas travailler toute la journée dans cette fournaise, sans manger ni boire. Pendant le ramadan, le rythme de travail de ceux qui jeûnent doit se ralentir.

A Joal, les festivités se préparent

A la mairie de Joal, un collectif se réunit périodiquement autour du premier adjoint, afin de préparer la cérémonie en l’honneur du centenaire de la naissance de l’enfant du pays, Léopold Sedar Senghor. La mairie a prévu des manifestations grandioses et attend la réponse du gouvernement pour le financement. Eliane, invitée à ces réunions, a annoncé qu’il est prévu, au collège de la Petite Cote, une exposition sur la vie et l’œuvre de Léopold Sedar Senghor, la distribution de 12 000 livres à 20 bibliothèques du réseau Lire en Afrique au Sénégal. Le CLAC de Joal, bien que n’appartenant pas au réseau Lire en Afrique, se verra remettre, lui aussi, une dotation de 1500 livres. Les bibliothèques bénéficiaires sont attendues pour participer à une cérémonie officielle de remise en présence de l’attaché culturel ou de l’ambassadeur de France, de la représentante de la région de Paris Ile de France et du sénateur Duvernois, président de ADIFLOR.
La réponse pour les financements et les initiatives de l’Etat du Sénégal se fait attendre et finalement la mairie de Joal se retrouve seule pour organiser quelque chose sur ses seules ressources. Elle insiste alors pour que la cérémonie prévue par Lire en Afrique au collège de la Petit Cote se déplace dans ses locaux. Frère Albert Faye, directeur du collège n’est pas d’accord et Eliane, qui a déjà vécu la récupération politique par le parti socialiste au pouvoir, de la cérémonie d’inauguration de la bibliothèque Aminata Sow Fall de Yoff en 1995, n’est pas disposée à revivre la même chose.

La cérémonie au collège de la Petite Côte est une grande réussite

  • Isabelle Le Camus, directrice de ADIFLOR, arrive de Paris. C’est la première fois qu’elle voyage à l’étranger et c’est son tout premier contact avec le continent africain. Peu rassurée, elle a demandé à Eliane de venir la chercher à l’aéroport, Eliane doit donc quitter Joal pour venir à Dakar avec les transports en commun. Elle a réservé des chambres dans un hôtel près de l’aéroport, à N’gor. Puis elle retourne à Joal pour terminer les préparatifs, Isabelle décide de l’accompagner. Le trésorier de ADIFLOR arrive à son tour, il descend au SOFITEL et le sénateur Duvernois, président de ADIFLOR est hébergé à l’ambassade de France.
  • Marie Josèphe est arrivée de Paris, il reste à terminer les 20 dotations, monter l’exposition, organiser la venue des délégations des 20 bibliothèques, discuter des derniers préparatifs, prévoir la nourriture et la boisson pour les bibliothécaires qui vont passer la journée entre le trajet et la cérémonie, etc.
  • Une invitation à déjeuner à l’ambassade de France arrive il y aura l’ambassadeur, l’archevêque de Dakar, le sénateur, un éditeur. Il va falloir remonter à Dakar puis revenir à chaque fois 3 heures dans des embouteillages éprouvants, le travail est loin d’être terminé pour la préparation de la cérémonie. Éliane décide de rester à Joal pour terminer tout ce qu’il reste à faire. Marie Josèphe et Isabelle ne souhaitent pas non plus remonter à Dakar et nous pratiquons la politique de la chaise vide ce qui nous sera beaucoup reproché dans tous le microcosme du pouvoir de la France au Sénégal, parce que l’info s’est répandue : celles qui refusent une invitation à déjeuner avec l’ambassadeur de France.
  • La cérémonie se déroule dans la cour du collège, devant le local attribué à Lire en Afrique. Éliane a loué tout le matériel : structures métalliques, bâches, chaises, sonorisation, etc. Des tables sont dressées et recouvertes du nouveau tissu aux logo « Moi je lis ». Les livres sont présentés sur la table. Les cartons des dotations pour chaque bibliothèque sont installés près de la table.
  • C’est Alioune Gueye qui s’occupe du transport des délégations de bibliothécaires des vingt bibliothèques bénéficiaires. Il a loué un autobus et coordonne le ramassage des délégations le long de la route vers Joal. Le maire de Thilmakha a financé un car pour permettre à la forte délégation de Thilmakha de participer à la cérémonie, et en chemin, ils récupèrent les bibliothécaires de Meckhé et de N’dande.
  • L’attaché culturel de l’ambassade de France accompagne le sénateur Louis Duvernois et le trésorier Marc Moingeon ; Brigitte Field, représentante de la Région Ile de France, arrive également de son côté.
  • Frère Albert, directeur du Collège de la Petite Côte a , pour la circonstance, revêtu sa tenue toute blanche des frères de la congrégation du Sacre Cœur.

A l’intérieur du local Lire en Afrique, les livres de la dotation ainsi que les supports de communication sont disposés sur une grande table. L’exposition Léopold Sedar Senghor est bien en vue. Chaque arrivant est invité à en faire le tour et ainsi prendre connaissance du contenu de la dotation. Les cartons des dotations proprement empilées, prêts à être emportés par chaque bibliothèque sont bien en vue.
La cérémonie démarre avec les discours des officiels, pas toujours très pertinents. Eliane en tant que présidente de Lire en Afrique présente la campagne « Moi, je lis » et la dotation, puis, nous appelons chaque bibliothécaire à la tribune pour lui remettre symboliquement un paquet représentatif de sa dotation ainsi qu’un Tee-shirts de l’événement.

Les bibliothécaires sont heureux de se rencontrer et d’être invités à cette initiative. Ils apprécient la cérémonie, les livres et les outils de communication mis à leur disposition. Chaque délégation de bibliothécaires repart avec ses cartons de livres.


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