Projet Conseil Régional de Dakar : Bibliothèques de proximité 2001-2015

dimanche 12 mars 2023
par  LEA

Nous relatons ici le projet de bibliothèques de proximité dans le cadre d’un partenariat entre Les Conseils régionaux de Dakar et d’Île de France,dans le cadre de la coopération décentralisé. L’association Lire en Afrique, en raison son action de terrain dans le secteur et de son expertise sur le sujet, s’y est trouvée étroitement impliquée. De 2003 à 2016, elle a investi toutes ses forces dans ce projet, qui devait permettre d’équiper enfin la région de Dakar en bibliothèques de proximité, ouvertes à sa nombreuse jeunesse.
Mais les institutions en ont décidé autrement, et, par deux fois ont conduit ce magnifique projet à l’échec, faisant fi de l’intérêt et des besoins reconnus et manifestes des populations. C’est cette aventure que nous relatons ici en 3 actes. Une aventure à laquelle nous avons cru, pour laquelle nous nous sommes dépensées sans compter et dans laquelle l’attitude des élus nous a laissé très amères.

ACTE 1 : 2003, NAISSANCE ET MORT D’UN PREMIER PROJET D’ÉQUIPEMENT DE LA RÉGION DE DAKAR EN BIBLIOTHÈQUES

GENÈSE DU PROJET

2001 Le Conseil Régional Île de France s’informe sur les bibliothèques au Sénégal

Au printemps 2001, nous recevons un appel téléphonique de Dakar. Il émane d’une volontaire du progrès, en poste au Conseil régional de Dakar pour y suivre l’avancement des projets, financés par le Conseil régional Ile de France, dans le cadre du partenariat entre les deux régions. Parmi ces projets figure la construction d’une médiathèque régionale à Yoff. Alors qu’elle se renseigne en interrogeant les bibliothécaires de la bibliothèque du centre culturel de N’gor, ces derniers lui répondent : «  si c’est pour Yoff, c’est avec Lire en Afrique qu’il faut voir, ce sont elles qui ont mis en place les bibliothèques de Yoff. »

Au téléphone, elle souhaite avoir des informations sur l’origine de nos projets, sur leur fonctionnement, etc. Nous convenons d’un rendez- vous, lors de son prochain séjour à Paris.

C’est en octobre 2001, qu’elle nous donne rendez-vous dans un café, quartier de l’Opéra, où nous travaillons toutes les deux dans une banque. Marie Josèphe se rend seule à ce rendez-vous, Éliane n’étant pas disponible. La volontaire est accompagnée d’une autre personne qui ne se présente pas, mais se positionne en observatrice dans l’entretien qui va suivre. La réunion, fixée tôt le matin, avant les horaires de bureau, aurait dû durer une demie heure, se prolonge finalement toute la matinée. Elles posent énormément de questions, s’intéressent aux différents aspects de ces bibliothèques, A la fin de l’entretien, la deuxième personne se présente : Brigitte Field, chargée de mission au Conseil régional Ile de France, responsable des partenariats avec Dakar, Kayes et Nouakchott. Elle se dit très intéressée par ce que nous réalisons, mais ne voit pas, dans son programme actuel, en quoi elle pourrait soutenir notre action. Marie Josèphe propose de lui adresser une note, précisant nos objectifs et notre stratégie pour les années à venir. Elle verra ainsi si nos actions correspondent à ses missions.

2002 Des contacts se nouent entre la chargée de mission du Conseil Régional Ile de France et Lire en Afrique

Quelques mois plus tard, lors de notre mission à Dakar en janvier 2002, nous rencontrons, comme convenu, la volontaire dans son bureau au conseil Régional de Dakar, alors situé place de l’indépendance.
Elle nous semble désemparée. Elle nous confie que toute initiative est contrecarrée par le secrétaire général du Conseil régional de Dakar, par qui tout doit passer. Tout est gelé, ils attendent les élections. Bien qu’en poste pour deux ans, elle jette l’éponge au milieu du gué. Elle a donné sa démission et sollicité une autre mission.

Sur le volet culture, le Conseil Régional Ile de France a programmé un budget de 97 000 euros, en 2001, dévolu à la construction d’une bibliothèque. Pour les deux années suivantes, un budget du même montant est prévu pour des projets qui se situeraient dans la continuité du projet bibliothèque. Pour l’instant, côté français, les fonds alloués sont votés mais bloqués en attente de la formalisation du projet coté sénégalais.

Nous lui proposons de nous accompagner lors de la visite annuelle des bibliothèques mises en place par Lire en Afrique dans la région de Dakar. Nous visitons tour à tour Ouakam, Thiaroye Kao, Sébikotane, Bargny. Dans chaque bibliothèque, après les présentations d’usage, nous invitons les bibliothécaires à présenter leur bibliothèque et répondre aux questions.

Elle en fait le compte rendu à Brigitte Field qui, en retour, nous sollicite pour pouvoir visiter, à son tour, quelques bibliothèques lors de sa prochaine mission à Dakar. Elle nous demande de lui procurer les contacts. Nous réfléchissons. C’est assez compliqué de visiter ces bibliothèques qui n’ouvrent que 3 demi-journées par semaine. Les bibliothécaires fonctionnent en équipe, il faut parfois s’adresser successivement à plusieurs membres de l’équipe pour obtenir les clés. Pour éviter tout incident, nous pensons qu’il est nécessaire que nous soyons présentes pour organiser et accompagner ces visites. Nous ferons coïncider les dates de notre mission avec les dates de la mission de la délégation du Conseil Régional Ile de France. Ce sera en octobre.

Une délégation du Conseil régional Île de France visite les bibliothèques Lire en Afrique

Comme convenu depuis Paris, notre première journée a été consacrée à la présentation des bibliothèques du réseau Lire en Afrique de la région du Cap Vert, à Brigitte Field - chef des projets de coopération décentralisée avec Dakar, Kayes et Nouakchott, accompagnée de sa collègue, Valérie. Le Conseil Régional de Dakar a mis à leur disposition un véhicule 4/4, climatisé, avec chauffeur.
Elles ont choisi de visiter cinq bibliothèques : la bibliothèque Aminata Sow Fall de l’école 2 de Yoff, ainsi que celles de Sébikotane, Bargny, Bibliothèque Ousmane Sembene de Yoff et Ouakam. Nous avons averti les bibliothécaires afin qu’ils soient présents, lors de ces visites.

Tout d’abord, le matin, visite à l’école 2 de Yoff. La délégation a visité toutes les classes, escortée de la directrice de l’établissement. Elle a assisté à la discussion entre Monsieur Sow, enseignant et responsable de la bibliothèque et la nouvelle directrice sur des questions liées à la gestion : nécessité d’établir des cartes d’adhérent pour fréquenter la bibliothèque, de remplacer les registres de prêt par des fiches individuelles, campagne de relance auprès des enseignants.
Alors que nous sommes invitées à participer au règlement de ces questions liées au fonctionnement, Brigitte s’étonne de la proximité que nous entretenons avec les bibliothécaires. Nous lui dressons l’historique de cette bibliothèque mise en place voici 6 ans, et elle prend conscience des risques encourus par les bibliothèques lors de changements d’affectation des enseignants qui s’est soldée, dans le cas de Yoff 2, par la perte de près de 3000 ouvrages.

L’après-midi fût consacrée à la visite des bibliothèques de 3 villes importantes de la région :
Sébikotane  : Le seul bibliothécaire présent est le jeune Ka. Le responsable, Babacar Diouf, entraîneur d’une équipe de foot, assistait aux navétannes qui devaient boucler tous les tournois avant le début du ramadan. Il y avait là quelques lecteurs.

Bargny : La délégation était particulièrement intéressée, l’ex président du conseil régional de Dakar, qu’elles ont très bien connu, Mar Diouf, est maire de Bargny et le secrétaire général du conseil régional de Dakar, leur interlocuteur privilégié, est également membre de la mairie de Bargny. Une grande partie de l’équipe de la bibliothèque était présente pour présenter le rôle d’une bibliothèque de proximité dans une ville comme Bargny. La délégation est frappée par le fait que :

  • Les jeunes de Bargny n’ont jamais connu de bibliothèque, il n’y en a jamais eu avant l’arrivée de Lire en Afrique. Comment peut-on faire des études sans bibliothèque ?
  • Les bibliothécaires sont de jeunes étudiants qui ambitionnent d’accéder à des métiers reconnus : médecins, juristes et qui s’investissent dans cette activité, bénévolement.
  • En plus de la gestion courante des prêts, ils assurent un rôle de conseil auprès des lecteurs et jouent le rôle de médiateur entre parents et enfants.

BOSY Bibliothèque Ousmane Sembene de Yoff : plusieurs bibliothécaires et de nombreux lecteurs sont présents. Comme d’habitude il y a une grande effervescence à la BOSY.

Malheureusement, faute de temps, nous ne pouvons visiter Ouakam où pourtant les bibliothécaires et certains lecteurs nous ont attendu toute la journée.
Brigitte et Valérie ont apprécié la découverte des réalités du terrain. Habituellement leurs missions se bornent à participer à des réunions et leur parcours va de l’aéroport à leur hôtel et de l’hôtel à la salle de réunion. Elles ont bien perçu, au travers des explications données par les bibliothécaires, l’intérêt des bibliothèques de proximité et les services qu’elles rendent à la population sénégalaise, et en particulier, à la jeunesse scolarisée. Valérie au travers des questions posées a perçu le coût financier que représente la constitution d’une bibliothèque qui ne serait équipée que de livres neufs traités (brochés et plastifiés) et qu’il est pratiquement impossible, économiquement, de constituer des bibliothèques dignes de ce nom à partir des seuls achats de livres, au prix catalogue.

Nouvelle visite des bibliothèques Lire en Afrique par une une délégation du Conseil Régional de Dakar

A l’issue de cette journée, Brigitte Field insiste pour que nous rencontrions la présidente de la commission chargée des bibliothèques au Conseil régional de Dakar : Marie N’daw ainsi que la commission culture du Conseil Régional de Dakar.

La réunion avec la présidente et l’ensemble de la commission a lieu dans les jours qui suivent. Nous leur présentons nos actions depuis plus de dix ans dans la région de Dakar. Les élus nous posent beaucoup de questions et nous parlent du projet de bibliothèque régionale. A notre tour, nous soulevons quelques questions préalables à ce projet : Pour quel public ? Quels types de documents ? Quelle serait la spécificité de cette bibliothèque régionale par rapport à la bibliothèque universitaire de Dakar ou la future grande bibliothèque en projet au ministère de la culture ? Est-ce un centre de documentation ou une bibliothèque ? Nous faisons part de quelques certitudes acquises après 10 ans d’expérience. Au Sénégal, aujourd’hui, une bibliothèque doit répondre aux besoins de base du public, constitué essentiellement par les jeunes lecteurs. Elle doit être accessible « à pied » et située sur des axes de passage. Ces remarques concrètes commencent à faire progresser leur réflexion sur les besoins de la région en matière de bibliothèques. Monsieur Ba fait remarquer qu’effectivement les lecteurs de Rufisque n’iront pas emprunter un livre à Yoff pour des raisons de temps : de 1 à 2 h de trajet pour l’aller et pour le retour, sans compter la question du coût des transports.

Intéressés par nos actions, ils souhaitent visiter la bibliothèque de Yoff. Rendez-vous est pris pour le dimanche matin 10H à la Bibliothèque Ousmane Sembene de Yoff, lors d’une plage d’ouverture.
La présidente de la commission fait le compte rendu de notre entretien au Président du Conseil régional de Dakar et demande la présence de quelqu’un de son staff pour la visite de la BOSY. Il envoie son chef de cabinet. La délégation comprend, en outre, la présidente de la commission et 3 de ses membres : le premier adjoint au maire de la commune d’arrondissement des Parcelles Assainies, la présidente de la commission jeunesse de la commune d’arrondissement de Fass Colobanne Gueule Tapée et le président de la commission Arts et Culture.
Ils sont frappés par la popularité de la BOSY. Alors qu’ils cherchaient leur chemin à Yoff, en demandant le centre socio-culturel, ils s’entendent répondre : il fallait demander la BOSY, la bibliothèque, tout le monde connaît !!!

Après la visite des différents espaces de la BOSY accompagnée par l’un ou l’autre des bibliothécaires présents, ainsi qu’une présentation du journal communautaire « Pencem Yoff », une discussion s’engage entre les membres de la BOSY, les conseillers régionaux, le chef de cabinet et nous.

Cette discussion fait émerger plusieurs idées :
• Le besoin de structures de proximité.
• Le rôle de ces infrastructures dans la formation culturelle et sociale de la jeunesse.
• Le rôle particulier que pourrait jouer le conseil régional dans ce domaine.
• L’articulation des différentes bibliothèques appartenant à différents réseaux : Lire en Afrique, la ville de Dakar et le Conseil Régional de Dakar.
L’intervention d’un bibliothécaire les a beaucoup frappés. Ce dernier a fait remarquer que les subventions vont toujours aux événements sportifs ou à l’événementiel musical et jamais à la lecture-culture. Or les évènements sportifs et les concerts sont éphémères tandis que les bibliothèques sont durables.

Deux des conseillers nous demandent, en aparté, d’implanter une bibliothèque dans leur commune : Parcelles Assainies et Sacré Cœur.
Au cours de cette visite, le chef de cabinet propose que toute l’assemblée aille visiter la bibliothèque phare de la mairie de Dakar, celle du centre socio-culturel « Derklé ». Ce centre a été construit en 1992 par Mamadou Diop, alors maire de la communauté urbaine de Dakar, tandis qu’Abdoulaye Faye, l’actuel président de région, en était le maire de la commune d’arrondissement. A cette époque, l’actuel chef de cabinet était conseiller municipal et promoteur de ce centre. Cette bibliothèque marque le pas et la présidente de la commission nous demande notre aide pour une relance vigoureuse, avec affichage à l’extérieur.

2002. UNE ÉTUDE DE L’EXISTANT CONFIÉE A LIRE EN AFRIQUE, EN PRÉALABLE À UN PROJET DE MEDIATHÈQUE-BIBLIOTHÈQUE,

De retour à Paris, nous sommes convoquées par Brigitte Field à une réunion au Conseil régional Ile de France en novembre 2002. Nous y rencontrons le président de l’Agence de Développement Municipal (ADM)de Dakar, en mission à Paris pour une semaine. La Région Ile de France souhaite profiter de sa présence pour relancer le projet de médiathèque régionale à Dakar. Pour l’instant, le dossier du projet ne comporte qu’un plan du bâtiment et certains détails l’interrogent, comme cet appartement de fonction, plus grand que la salle de lecture, et surtout l’absence de budget de fonctionnement ; rien non plus sur les collections, les modes de fonctionnement, le public, les usages... Brigitte Field exige une étude de l’existant en préalable au projet. Le président de l’ADM interrogé sur les possibilités de faire réaliser cette étude par des ressources locales y répond négativement. Elle se tourne alors vers nous, et, nous demande si, fortes de notre connaissance du terrain, nous ne pourrions pas conduire cette étude. En effet, en 12 ans d’intervention dans la région de Dakar, Lire en Afrique a déjà installé 7 bibliothèques dont elle continue à assurer le suivi. De plus, sollicitée pour équiper en livres les bibliothèques des 19 centres culturels de la ville de Dakar, elle dispose d’une bonne connaissance des infrastructures vides qui n’attendent que les livres pour fonctionner.

Professionnellement, étant respectivement directrice de projets d’informatisation bancaire et consultante en organisation, l’étude de l’existant est un exercice que nous pratiquons en préalable à tout projet. Nous en connaissons les méthodes et acceptons donc de réaliser l’étude.
Une lettre de mission émanant de la présidente de la commission culture du Conseil régional de Dakar concrétise cette demande.

Recueil préparatoire de données quantitatives et qualitatives

A cette époque, nous sommes toutes deux salariées du secteur privé et ne disposons que de nos congés annuels pour organiser nos séjours à Dakar. Nous sommes limitées à de courtes missions d’une semaine 2 ou 3 fois par an. Nous conservons quelques jours pour de vraies vacances personnelles.
Pour aborder cette mission, nous collectons en préalable toutes les données existantes, études et rapports déjà réalisées, données démographiques, statistiques de l’Education Nationale. Sur la question de la lecture publique, deux études ont déjà été réalisées pour l’ensemble du Sénégal permettant d’étayer la partie chiffrée de l’enquête.
Pour les aspects qualitatifs et historiques, nous interrogeons les acteurs du domaine :
• Conseiller culturel de l’ambassade de France :
• Directrice de la direction du livre et de la lecture au ministère de la culture
• Responsable du centre culturel français :
• Responsable de l’alliance franco sénégalaise
• Responsable des bibliothèques scolaires : Maguette Diop
• Responsable de la culture à la mairie de Dakar
• Responsable de l’EBAD
• Responsable des principales ONG : CAURIS, ENDA, etc.
Toutes ces informations sont collectées au cours d’un premier séjour, la visite des infrastructures existantes sera réalisée lors d’un second séjour.

Avril 2003 Enquêtes de terrain et recensement des bibliothèques existantes

A partir des données recueillies lors du premier séjour, nous programmons des enquêtes de terrain : visite systématique de tous les lieux recensés et rencontres des responsables culturels et politiques des municipalités.
L’enquête sur l’existant s’est volontairement limitée aux seules bibliothèques de lecture publique, c’est à dire celles qui s’adressent à tout public adultes, enfants sans distinction et proposent gratuitement et en libre accès une grande variété de documents (littérature, documentaires, livres jeunesse, usuels, …)
Pour mieux restituer de façon concrète l’enquête de terrain, en complément des entretiens menés avec les bibliothécaires, l’idée nous est venue de réaliser une sorte de reportage photographique montrant : les bâtiments, les locaux, les équipements, les collections de chaque site visité.

A chaque visite nous dressons un état des lieux :

  • Configuration des locaux, possibilités d’utiliser des salles annexes comme salles de lecture, possibilités d’organiser des animations etc.
  • Recensement du mobilier disponible ainsi que les équipements divers.
  • Recensement précis du stock de livres en nombre et en qualité, ainsi que la structure de ce fonds documentaire.
  • Aperçu du mode de fonctionnement : existence d’un règlement intérieur, d’un bilan annuel (nombre de lecteurs, d’emprunteurs, de documents empruntés, le taux de perte, etc.)
  • Personnel en charge du fonctionnement, sa qualification, ses souhaits, ses idées en vue d’une amélioration.

Pour organiser les visites, nous sommes parties des enquêtes précédentes, celles de l’institut français confiée à Malang Diemé et celle de l’ASBAD dont les données ont disparu mais pour lesquelles il reste la liste et les coordonnées des bibliothèques. Les deux listes fusionnées, aboutissent à un total d’une soixantaine de bibliothèques identifiées, dont 17 seulement sont communes aux deux listes.

Nous louons une voiture en nous adressant à un loueur dont la publicité se trouve à notre hôtel le Via Via de Yoff Layèn et sollicitons le chauffeur, Cheikh N’diaye, auquel nous recourons habituellement. Il nous conduit dans ces différents endroits en optimisant les trajets. Au cours de la semaine, nous visitons ainsi une trentaine de bibliothèques appartenant à diverses catégories, CEDEPS, mairie de Dakar, mais aussi bibliothèques confessionnelles, associatives, scolaires et centres de documentations

Pour les autres implantations, nous demandons à 3 bibliothécaires de la BOSY de bien vouloir poursuivre l’enquête, en utilisant le questionnaire qui nous sert de fil conducteur pour les entretiens. Chacun visitera une dizaine de bibliothèques et nous retournera les questionnaires complétés.

Première présentation de l’étude à la présidente de la commission culture de la Région de Dakar

Nous nous rendons chez la présidente de la commission à la région, Marie N’dao qui revient d’un voyage, à Séville, où elle participait, en tant que représentante de la région de Dakar, à la rencontre mondiale des grandes villes « Métropolis ». Elle y a rencontré l’association mondiale des femmes élues et va essayer de créer une organisation similaire en réunissant, pour commencer, les élues du Conseil Régional.
Nous lui faisons part de l’avancée de notre enquête et de notre souhait de rencontrer le président de la région, Abdoulaye Faye, pour partager les conclusions de l’étude. Elle nous informe de son mariage avec une quatrième épouse, qui a déjà eu plusieurs maris successifs, sa conclusion : « Elle va nous vider la caisse et nous tuer le bonhomme ». Elle nous propose une réunion avec la commission culture de la Région de Dakar pour le lundi après-midi en nous recommandant de ne pas parler de l’Ile de France mais uniquement de LEA, sinon les autres conseillers pourraient imaginer qu’il y a de l’argent à la clé. Finalement Abdoulaye Faye ne sera pas disponible et nous ne le rencontrerons pas.

Pour elle, avant toute opération de relance (complément de dotation, formation, action de terrain), il faut payer des spots télé avec des troupes de théâtre. Elle raisonne par analogie avec les campagnes de vaccination, d’abord la propagande à la télévision et après la vaccination !

Alors que nous approchions de l’aéroport pour prendre notre avion retour, elle nous sollicite pour un établissement scolaire qui lui réclame du matériel didactique. Nous l’avons aiguillé vers Maguette Diop responsable lecture à l’éducation nationale.

Octobre 2003 présentation du rapport d’étude à la commission culturelle de la Région de Dakar

Les premiers résultats de l’enquête, complétés de pistes d’actions sont présentés aux membres de la commission Culture : Marie N’dao, Moussa N’diaye, Meriam Wane, Cheikh Abdoulaye Ba. Ils semblent partager nos constats. Ils souhaitent des réalisations concrètes, visibles des populations, dans leur localité et en particulier à Guediawaye. Monsieur Ba estime que, pour parvenir à des résultats, il faudrait que LEA soit le bras technique de la Région Ile de France pour implanter des bibliothèques de proximité dans les quartiers, ce qui, pour lui, n’est pas contradictoire avec le projet de construction d’une médiathèque régionale ultérieure.

Brigitte Field, en mission à Dakar, arrive en cours de réunion. Le débat s’interrompt pour qu’elle reprécise le contexte du projet de médiathèque régionale. Le Conseil régional Île de France est dans l’attente de cette étude. "Dans ce projet, il convient de distinguer les réalisations à court terme du moyen terme et il est nécessaire que la Région de Dakar exprime des demandes claires". Il se fait tard, les membres de la commission habitent loin, ils veulent lire le rapport et passer au plan d’action concret à réaliser en 2004. Rendez- vous est pris pour le jeudi suivant, avec pour objectif, d’arriver à des propositions de la commission à faire valider par le président de la région de Dakar.

Curieusement, à la sorte de la réunion, Marie N’dao nous entraîne à l’écart pour nous exprimer qu’étant présidente de la commission, elle peut bloquer le projet et pour le faire aboutir, elle veut « sa part du gâteau ». Surprise de notre part et profondément choquées, nous répondons que les propositions contenues dans le rapport ne signifient pas que nous serons chargées de les mettre en place, d’ailleurs nous n’en avons ni le temps, ni les forces, nous sommes salariées en France et notre action au Sénégal est bénévole.

Le lendemain matin, Brigitte recevra un coup de fil de Marie N’dao pour annuler la réunion du jeudi, charge à elle de nous prévenir. Marie N’dao que nous interrogeons par téléphone nous confirme qu’il n’y a aucune possibilité de se rencontrer avant notre départ, elle nous enverra un fax (comme on nous le dit souvent au Sénégal : « pas d’intérêt pas d’action »)

Nous rencontrons la directrice du Livre et de la lecture (DLL), direction du ministère de la culture du Sénégal, que nous tenons informée de notre implication dans le projet régional. Elle nous informe que l’Agence de Développement Municipal (ADM) cherche des financements pour organiser un séminaire régional sur le projet de création d’une bibliothèque régionale. La Cellule d’Appui lui ayant répondu qu’elle n’avait pas de fonds pour ces réunions, l’ADM s’est alors tournée vers la DLL et la directrice leur a fait savoir qu’elle n’était pas d’accord avec les plans présentés.

Les résultats de l’étude 2003 sont validés par les élus réunis des deux Conseils régionaux

Nous avons rendu compte de l’étude aux élus régionaux de Dakar et Ile de France rassemblés à Paris avec, en première partie, la restitution visuelle de l’existant projetée sur écran et en deuxième partie les recommandations pour l’action.

Lors de la projection, les élus dakarois ont reconnu les bibliothèques de leur secteur et approuvé le diagnostic de l’existant.
En revanche, si les recommandations formulées en deuxième partie ont été approuvées massivement par les élus de la Région Ile de France, elles ne l’ont pas s été par leurs homologues dakarois.

L’étude recommandais un plan sur 5 ans de mise à niveau des bibliothèques existantes par l’apport de collections dédiées à la jeunesse, par la création de nouvelles bibliothèques dans des infrastructures existantes mais vides de livres, par la formation des bibliothécaires en poste, par le déploiement d’animations jeunesse en bibliothèques destinées à attirer et fidéliser les lecteurs. Au terme de ces 5 ans, une bibliothèque régionale pouvait trouver sa place. Elle aurait pour vocation l’animation et la dynamisation de ce réseau de bibliothèques vivantes, mis en place dans la première période d’exécution du projet.

FAUTE D’ACCORD DE LA PART DES ÉLUS DAKAROIS SUR LES PRÉCONISATIONS , LE PROJET DE développement DE LA LECTURE EST ABANDONNÉ

Les élus dakarois refusent le plan d’action tourné vers l’équipement de la région en bibliothèques de proximité au service des populations, s’en tenant à leur projet initial : la construction d’une médiathèque tout de suite.
Au Conseil régional d’Île de France, la provision de 97 000 Euros est réaffectée à d’autres objectifs et le projet est enterré tandis que la coopération entre les deux régions marque le pas.

Pour nous ce fut une grande déception : passer si près de la possibilité d’équiper en bibliothèques fonctionnelles cette région qui regroupe plus de moitié de la population du Sénégal, avec un nombre toujours plus important de jeunes scolarisés. Pour nous, c’est incompréhensible, c’est regrettable, c’est inadmissible, c’est à pleurer. Nous, qui nous échinions à cette époque à trouver des livres d’occasion, à les transporter, les conditionner, les stocker, les expédier, les réceptionner, tout cela avec nos seuls moyens physiques et financiers personnels, nous avions tant espéré que l’institution prendrait enfin sa part de la question des bibliothèques.

L’explication de cette attitude nous est donnée : habituellement les collectivités territoriales financent des projets de construction qui ne présente, à leurs yeux, que des avantages : pour le donateur il y a un projet avec un plan de construction, un plan de financement, un début et une fin avec inauguration. Pour le bénéficiaire, c’est la possibilité d’obtenir des financements parallèles par le jeu des surfacturations et de rétrocessions de la part des entreprises. Dans le projet que nous proposions, cette possibilité disparaissait.

Nous nous adressons à un ministre de nos amis, appartenant au même parti que le président de la région, le PDS. Nous venions de mettre en place une bibliothèque dans sa commune et entretenons, avec lui, des relations amicales. Mis au courant de la situation, il nous répond sans hésitation que dans de tel cas, c’est 30 % de la subvention qui entre dans la poche des décideurs. Pour lui, il n’y a rien à faire, c’est un usage bien établi. Nous tentons la même démarche auprès d’un autre ami, élu de la mairie de Dakar, et qui y occupe un poste de directeur, et nous obtenons une réponse similaire.
Conclusion peu importe l’objectif des projets, pour des politiciens ce qui compte, c’est ce que l’on peut en retirer personnellement. Peu importe que les jeunes sénégalais disposent d’outils pédagogiques pour les aider dans leur scolarité, leurs enfants fréquentent des institutions privées et font leurs études à l’étranger.

ACTE 2 : 6 ANS PLUS TARD, EN 2010, LA COOPÉRATION ENTRE LES DEUX RÉGIONS REPREND AVEC UN PROJET DE BIBLIOTHÈQUE MÉDIATHÈQUE

Aux élections sénégalaises de mars 2009, un nouvel exécutif sort des urnes à Dakar et renoue les fils du partenariat avec la Région Ile de France. Lors des réunions de reprise de contact, l’exécutif régional de Dakar ressort intact le projet initial de bibliothèque régionale. Fort de l’expérience passée, la région de Paris Ile de France nous demande d’actualiser l’étude que nous avions réalisée en 2003.

LIRE EN AFRIQUE EST CHARGÉE D’ACTUALISER SON ÉTUDE DE 2003

Les résultats de cette nouvelle étude sont restitués en 4 parties :

1° ANALYSE DE L’EXISTANT ET DIAGNOSTIC
Dans le monde scolaire : à l’exception du monde universitaire, les besoins de lecture restent largement sans réponse.
Dans le secteur de la lecture publique, l’effort des collectivités territoriales (Dakar ville) s’est porté sur les seules infrastructures de lecture publique sans intégrer les collections ni le fonctionnement.
La jeunesse paie le prix de ces carences, ses besoins de lecture utile, lecture culture et lecture loisir ne peuvent trouver à se satisfaire dans ce contexte.
2° SCENARIOS ET PROPOSITIONS
1. Une Médiathèque de prêt et consultation sur place
2. Une Centrale pour la région : la bibliothèque des bibliothèques
3. Une Centrale (scénario 2) couplée à une médiathèque de prêt et consultation (scénario 1)
4. Un Centre de Ressources Régional au service de la lecture en milieu scolaire
3° PARTIE - DÉVELOPPEMENT DU SCENARIO 3
À la demande de la Région Ile de France, le scénario 3 a été sélectionné et a fait l’objet de développement. Trois missions sont dévolues à cette centrale :
Mission 1 : un centre de ressources, pilote et coordinateur de toutes les bibliothèques de lecture publique de la région (publiques ou privées), existantes et à créer => ine bibliothèque des bibliothèques .
En tant que prototype de médiathèque de proximité modèle
Mission 2 : Section accueil du public avec prêts et consultation sur place
Mission 3 : Prêts de supports didactiques (DVD, expo) aux bibliothèques et établissements scolaires abonnés au service.
4° PARTIE - PLAN D’ACTION ANNÉE PAR ANNÉE
Dans les 5 premières années du projet, l’objectif est de doter chacune des 46 communes d’arrondissement de la Région de Dakar d’une bibliothèque de proximité en s’appuyant sur l’existant, soit : 15 bibliothèques fonctionnelles dont 10 déjà dotées et suivies par Lire en Afrique ; 22 bibliothèques existantes mais non fonctionnelles à faire revivre ; 7 bibliothèques associatives à évaluer pour les intégrer au dispositif. Au total, une bibliothèque par commune d’arrondissement, résultat attendu du projet.
En première année du projet, création de la centrale des bibliothèques à partir de locaux à louer et aménager.
Dans la 6° année du projet, sous condition de réalisation des deux objectifs précédents, construction d’une médiathèque de proximité en tant que modèle de bibliothèque de proximité pour l’architecture, les collections et le fonctionnement.

Voir le texte de l’étude http://lireenafrique.org/spip.php?article2531

EN 2011, LE NOUVEAU PROJET EN FAVEUR DES BIBLIOTHÈQUES DE PROXIMITÉ EST ACTÉ, POUR 3 ANS, PAR LA RÉGION ILE DE FRANCE QUI NOMME LIRE EN AFRIQUE, OPÉRATEUR

Relevé de décision du Conseil Régional Île de France nommant Lire en Afrique opérateur du projet

Une somme de 300 000 Euros est budgétée par les Conseil Régional d’Ile de France qui nomme Lire en Afrique comme opérateur du projet. Il formule le projet pour trois années de la façon suivante : « Mettre en place une coordination régionale (centrale) destinée à mieux répartir les moyens destinés aux bibliothèques, à animer le réseau des bibliothèques et à engager un programme régional de formation de leurs personnels. Une bibliothèque régionale devra, à terme, être ajointe à la centrale]…ainsi que le lancement et la remise à niveau de 5 bibliothèques par an ».

2011, Lire en Afrique se met en capacité de remplir les objectifs de la première des trois tranches du projet.

Le plan d’actions validé prévoit, en première année d’exécution, la création de 3 bibliothèques en renouvelant leurs collections, (la Région Ile de France a réduit de 5 à 3 le nombre de bibliothèque à créer, et diminué le budget en conséquence). Il y est également question de dynamiser les bibliothèques existantes par renforcement des capacités et accompagnement des bibliothécaires en poste, avec complément thématique de leurs collections.

Ce plan d’action est conditionné par les prérequis à la charge de la région de Dakar :
• Recruter le directeur de la centrale
• Attribuer de locaux aménagés à cette centrale de façon à pouvoir traiter les livres.
• Établir des conventions entre la région et les collectivités territoriales et dans un premier temps la mairie de Dakar.
Lire en Afrique s’organise dès l’automne 2011, pour
• Constituer en France les fonds documentaires des 3 bibliothèques à équiper et doter,
• Créer 6 modules de renforcement des capacités des bibliothécaires en poste avec attribution pour chaque module d’une centaine d’ouvrages sur le thème traité (les contes, la fiction jeunesse, les albums, les ouvrages pédagogiques à usage des enseignants, la panoplie de l’élève, les documentaires scientifiques).
• Installer la centrale à Dakar et effectuer un transfert de compétence vers le directeur de la centrale. L’expédition des livres et leur réception à la Centrale étant prévu pour 2012 de même que la mise en place des 3 premières bibliothèques.

Malheureusement, la Dakar n’ayant pas rempli ses engagements ; la Région Île de France a décidé de reporter l’exécution du projet à 2012.

2012. LA RÉALISATION DES PRÉREQUIS DU PROJET À LA CHARGE DE LA RÉGION DE DAKAR RÉVÈLE DES OBSTACLES MAJEURS

Selon madame Touré, tous les prérequis à la charge de la Région de Dakar ont été exécutés.

  • La convention avec la ville de Dakar est signée. A cette date, la ville de Dakar compte déjà une dizaine de bibliothèques équipées par Lire en Afrique depuis 2004.
  • L’appel à candidature a été lancée et les candidatures étudiées. Elle nous demande de rencontrer le candidat sélectionné.
  • Le local sera finalement le sous-sol de l’hôtel de région. En outre, le directeur disposera d’un bureau au premier étage de l’immeuble.

Nous visitons ce sous-sol, il pourrait devenir un local de stockage pour la centrale mais des aménagements sont à prévoir. L’immeuble appartient à un commerçant italien qui entrepose ses marchandises sur une partie du sous-sol. Il faudrait donc construire un mur de séparation entre cet entrepôt et l’espace dédié à la centrale des bibliothèques ; Les soupiraux au ras du sol devraient être pourvus de fenêtres vitrées et le sol carrelé pour en faciliter l’entretien.

A l’origine, la centrale devait être installée au centre socio-culturel de Ouakam. Monsieur Lo, directeur de la D.E.C à la ville de Dakar nous avait proposé d’y affecter des espaces. Nous nous interrogeons sur ce changement d’orientation. Selon madame Touré, une délégation d’élus est allée visiter ce centre, mais a trouvé ce local trop petit. Nous nous rendons à Ouakam, et interrogeons les responsables afin de comprendre ce qui s’est passé. Ils se souviennent effectivement de la visite de la délégation qui est arrivée seule, non accompagnée des responsables de la ville de Dakar. Elle a été reçue par le gardien, qui n’était pas au courant des accords passés avec monsieur Lo, et leur a ouvert le petit bureau de 9 m2 qui héberge les 56 cartons de Lire en Afrique en attente de distribution.

Lire en Afrique donne finalement son accord pour le sous-sol à condition d’y effectuer quelques travaux : porte et rampe d’accès, carrelage du sol, rayonnages que la Région Ile de France accepte de financer en prélevant sur l’enveloppe budgétaire du projet.

Une offre d’emploi, passée dans la presse, pour pourvoir le poste de direction de la Centrale a recueilli plusieurs candidatures. La région a sélectionné un candidat qu’elle nous demande de rencontrer. Nous prenons rendez-vous et, surprise, il se trouve que nous nous connaissons de longue date, François Malick Diouf, étudiant à l’EBAD en 2000 nous avait sollicitées pour la bibliothèque de son village, il avait participé à notre séminaire à Dakar. L’offre d’emploi recherchait un candidat pour gérer un réseau de bibliothèques mais il a interprété la notion de réseau au sens informatique du terme pensant qu’il s’agissait de créer un réseau informatique pour les bibliothèques. Grave quiproquo ! Nous l’informons du projet réel et sentons qu’il n’accroche pas. Non seulement ça n’est pas le genre de travail qu’il recherche mais, de plus, la Région ne peut pas lui offrir de meilleures conditions que celles dont il bénéficie là où il est.

Le recrutement d’un directeur est abandonné faute de poste budgétaire à la Région.

Face à cette impasse qui bloque le projet, Éliane, alors en mission au Sénégal, recherche des solutions alternatives. Elle étudie la possibilité d’obtenir le détachement d’un agent du ministère de la culture au poste de direction de la Centrale. Elle consulte, Baba Ndiaye, directeur du centre culturel Blaise Senghor qui dépend du ministère de la culture. Il a sollicité Lire en Afrique lorsqu’il était directeur de Complexe Léoplod Sedar Senghor de Pikine où nous avons installé une bibliothèque en 2007. Eliane consulte également la directrice du Livre et de la Lecture, - Mariama N’doye M’bengue - par ailleurs écrivaine. Tous deux seront des appuis pour aboutir à une solution. En effet, Baba Ndiaye propose d’affecter à mi-temps le responsable de la bibliothèque de son centre. Le transfert administratif sera accéléré quand Éliane découvrira que le DRH du ministère de la culture est en fait un ancien membre du réseau Lire en Afrique, appartenant en 1998 à l’équipe à l’origine de la Bibliothèque Lire en Afrique de Bargny. Heureux hasard !

Le poste de direction de la centrale est enfin créé, une victoire obtenue de haute lutte. Le projet pourra être lancé.

LA PREMIÈRE TRANCHE DU PROJET TRIENNAL EST SUR LES RAILS

Livraison des livres destinés à équiper les bibliothèques

Lire en Afrique a constitué, en France, les dotations pour les bibliothèques à créer, un conteneur de livres est parti du Havre destination Dakar. Il devrait arriver en décembre 2012.

Le temps presse, le container est en mer, son arrivée à Dakar est annoncée pour la mi-décembre. Les locaux de la Centrale sont-ils fonctionnels ? Nous nous rendons au Sénégal . A l’hôtel de Région, non seulement les travaux sont loin d’être terminés, le carrelage n’est posé que sur une moitié de la surface, le menuisier est attendu pour le lendemain, il y manque encore un mur de séparation. Le local n’a pas été adapté pour une arrivée du contenu d’un container : La rampe d’accès du sous-sol est impraticable, il faut passer par un parking totalement encombré par des meubles et matériaux au rebut le long d’un étroit passage gorgé d’eau, une conduite d’eau ayant été mise à mal lors des travaux.

Autre surprise, l’administration de la Région de Dakar n’a pas anticipé la pris en charge du container. Lorsque nous abordons cette question, on nous rassure, « ils ont l’habitude de recevoir des containers » disent-ils.

Mais finalement, c’est Lire en Afrique qui devra finalement tout assumer à leur place.

Le 12 décembre, veille de l’arrivée du conteneur, nous passons à la Région, les travaux avancent, le carrelage est posé mais le nettoyage n’a pas été fait, les menuisiers montent les étagères mais ils sont loin d’avoir fini et le sol est jonché de copeaux. Seul accès au local pour le déchargement, un escalier étroit et non éclairé.

Prévenues par le transitaire de la sortie du port, c’est très sereinement que nous nous dirigeons vers la Région. Nous suivons la progression du porte-conteneur au téléphone, pour guider le chauffeur. Nous avons convenu, avec le transitaire, qu’il devait prévoir le personnel pour le déchargement et l’intégrer dans sa facturation. Lorsque nous arrivons à l’hôtel de Région, sur la VDN, il est 18 heures et tout le monde est parti, ne reste que le gardien de nuit. Les manutentionnaires inspectent les lieux et nous déclarent qu’ils n’ont pas l’intention de descendre dans le sous-sol les centaines de cartons un à un, en utilisant l’escalier mal éclairé. Ils déchargent puisqu’ils sont payés pour cela, et déposent les cartons à même la voie. Nous nous retrouvons, toutes les deux, en pleine nuit, à la tête d’un tas de cartons au bord de la VDN. Que pouvons-nous faire ? Décision est prise, tandis que l’une reste sur place pour surveiller, l’autre va se rendre en taxi, au parking de Patte d’Oie où stationnent les taxis bagages, pour y négocier du personnel afin de rentrer les cartons dans le sous-sol. Une française seule, en pleine nuit, qui négocie à Patte d’Oie sur le parking des taxis bagages, çà se remarque !!! Cependant le marché est conclu avec des jeunes guinéens. Ils arrivent, transportent les cartons au sous-sol qui est jonché de saletés. Les salissures de la pause du carrelage non nettoyé, auxquelles s’ajoutent un monceau de copeaux laissés sur place par les menuisiers, plus les détritus, qui, poussés par le vent entrent par les fenêtres sans vitres situées au ras du sol. Nous faisons ranger les cartons par origine pour faciliter leur traitement. Nous connaissons les contenus et nous avons de l’expérience, pour faciliter le travail et avancer méthodiquement, les livres se traitent par provenance.

Constitution des dotations destinées aux bibliothèques.

Les livres arrivés sont conditionnés par éditeur, il convient maintenant de les ordonner par destination, ce qui nécessite de manipuler un à un les 28 000 ouvrages arrivés
Au Conseil Régional de Dakar, personne ne se soucie des livres arrivés. Il est clair que nous devrons tout prendre en charge, seules. Marie Josèphe est rentrée à Paris et Eliane se retrouve devant cette masse de 400 cartons qu’il va falloir vider, trier les livres, les répartir pour fabriquer les dotations à distribuer. Elle fait appel au bibliothécaire de Meckhé, Moussa Djitté, qui est toujours volontaire pour l’aider pour les travaux de logistique au Sénégal. Il connaît le travail pour avoir aidé Lire en Afrique lors de la réception des 8 conteneurs précédents arrivés à Joal depuis 2006 pour Lire en Afrique. Eliane qui a procédé aux commandes des ouvrages connait le contenu des cartons, c’est donc elle qui les vide, classe les livres pour pointer le bon de livraison, appose un cachet sur la page de garde et anticipe la fabrication de la distribution en préparant les tas à inclure dans les cartons. Moussa prépare les cartons tous identiques en prenant garde qu’ils soient correctement constitués pour être stockés sans que les colonnes de cartons ne s’écroulent.

Un premier problème se pose pour nous, et il est d’importance : l’extrême saleté du local, empli d’un tas de détritus et d’une bonne épaisseur de poussière en provenance de la rue qui passe par les ouvertures sans vitres situées au niveau du sol. Chaque déplacement de carton soulève un nuage de poussière et l’air devient vite irrespirable. Le personnel chargé du ménage n’a reçu aucune instruction pour ce local, malgré nos demandes répétées, et il n’y a aucun balai disponible à l’hôtel de Région. Las de réclamer, nous finissons par aller acheter un balai pour nettoyer chaque matin, avant de commencer notre travail quotidien. Pas de toilette, pas de prise électrique dans le local, pas de table ni chaise et la poussière est tellement dense qu’il ne faut pas compter apporter un ordinateur. Le relevé des livres traités est établi sur cahier et recopiés sous Excel le soir.

L’administration du Conseil Régional de Dakar occupe tous les étages de l’immeuble, la salle de réunion des élus se situe au rez-de-chaussée. Le premier jour, nous sommes allées saluer notre interlocutrice, madame Touré. Le travail en sous-sol va durer un mois. Et pendant tout ce temps, personne ne se déplacera pour voir les livres, suivre le chantier, s’y intéresser, pas même le chargé de mission de la Région de Ile de France, en poste à Dakar qui reste invisible. Désintérêt total.

Détails des livres arrivés par le conteneur

Le stock de livres classés dans le sous sol de l’hôtel de Région de la Centrale se compose de la façon suivante :

  • Les fonds documentaires des 3 premières bibliothèques à réaliser au titre de l’année budgétaire 2012, soit 6300 livres, c’est-à-dire 2100 livres par bibliothèque dotée.
  • Des livres jeunesse comme supports aux stages à organiser pour la remise à niveau des bibliothécaires en poste, soit 2000 livres répartis en 12 dotations de 5 fonds documentaires pour relancer le fonctionnement des bibliothèques existantes en région de Dakar, dans le cadre de stage de formation à organiser :
    1 fonds pédagogie
    1 fonds sciences
    1 fond parascolaire
    1 fonds littérature jeunesse
    1 fonds albums
    1 fonds contes
  • Des compléments de dotation destinés aux futures bibliothèques à mettre en place dans les années 2014/2015, ainsi que pour les bibliothèques en fonctionnement :
    Dons de bibliothèques et d’éditeurs français apportés pour compléter le conteneur
    Romans sentimentaux des collections Harlequin.
    Manuels issus de l’entrepôt ADIIFLOR.
    Romans adultes collectés dans les bibliothèques en France,
    120 titres de littérature africaine issus d’un don important de l’éditeur Présence Africaine.

Mise en place de la direction de la Centrale

Le bibliothécaire de la bibliothèque régionale Blaise Senghor, Sada Kane est détaché à la Région, sur volonté du directeur du centre qui approuve le projet de bibliothèques de proximité dans la région et veut apporter sa pierre à l’édifice. Il assumera à mi-temps, la fonction de direction de la Centrale.

Sada Kane connaît certes le métier de bibliothécaire, ce qui le rend légitime aux yeux de tous, de plus, il a fait "l’EBAD" ce qui le rend sur de lui. Cependant, il n’a pas d’expérience en matière de chef de projet ni d’animateur socio-culturel. Ces capacités sont nécessaires à l’encadrement et à la dynamisation des bibliothèques existantes ainsi que pour organiser et monter les projets d’animations, concevoir et piloter les plans de formation des bibliothécaires, etc.
Lire en Afrique se charge d’effectuer un transfert de compétences à son endroit en plusieurs séances de travail :
– Une séance sera consacrée aux bibliothèques de la région de Dakar suivie de la visite systématique des sites.
– Une séance sur les conventions à négocier entre l’organisme propriétaire des infrastructures et responsables des personnels et la Centrale des bibliothèques. Au cours de cette séance nous intégrons Baba N’diaye.
– Une séance consacrée à la connaissance des ouvrages et des stocks, avec mise en mains du fichier des distributions. Pendant tout le mois que nous avons passé dans le sous-sol à trier, classer, conditionner les livres, il n’est pas venu voir une seule fois. C’est dire l’intérêt porté aux livres.
– D’autres séances pour bâtir une programmation des actions et les modes d’intervention de Lire en Afrique dans le nouveau dispositif, et l’organisation des formations sur les contenus des dotations.

Lors du premier rendez-vous à la bibliothèque régionale Blaise Senghor, Eliane lui présente le projet. Il découvre Lire en Afrique. Il ne connaît pas. Bien que les aspects administratifs de son transfert ne soient pas encore réglés, Sada Kane a la garantie de la directrice du livre et du directeur de Blaise Senghor qu’il peut se considérer comme étant en poste.

La visite des bibliothèques peut démarrer. Elle aura aussi pour objectif de sélectionner les trois sites qui recevront la dotation déjà prête au titre de 2012, ainsi que celles à équiper au titre de 2013.

Selon le chargé de mission de l’Ile de France en poste à Dakar, Jérémie Josso, qui doit superviser les projets financés par la Région Ile de France, il faudra un site par département, pour satisfaire les élus régionaux, soit un pour Dakar, un pour Pikine, un pour Guediawaye ou Rufisque.
Pour Dakar, il faut choisir un centre culturel dont la bibliothèque est déjà équipée de rayonnages. La bibliothèque du centre Marie Immaculée à Parcelles Assainies serait une bonne candidate. Elle dispose d’équipements, mais ses collections constituées à partir de dons, sont non seulement désuètes mais totalement inadaptées aux besoins des lecteurs. Le directeur du centre socio-culturel de Grand Yoff est également candidat et veut absolument une bibliothèque. Cette localité est le fief électoral du président de la commission internationale de la Région : Momar Samb. Mais la salle destinée à la bibliothèque ne dispose d’aucun équipement.
Pour Pikine, l’un des 4 centres socio-culturel que la coopération allemande vient de faire sortir de terre est aussi une possibilité, en particulier celui de Thiaroye Camp, fief électoral du président de la commission culture du Conseil Régional - Makhmoud Kane.
Pour la 3eme zone retenue, il y existe peu d’infrastructures dans des autres départements, à l’exception de la bibliothèque municipale de Guediawaye.

Visite des 28 bibliothèques en fonctionnement, situées dans la région de Dakar qui feront partie du réseau régional

Éliane organise, la visite systématique de toutes les bibliothèques existantes dans la région de Dakar, ainsi que de tous les projets qui ont été soumis à Lire en Afrique. L’objectif est de présenter le futur directeur de la centrale, et, à ce dernier les infrastructures, les personnels, les responsables des bibliothèques qui rejoindront le réseau régional qu’il aura à gérer.

• 14 Bibliothèques en fonctionnement du réseau Lire en Afrique
• 4 Bibliothèques en fonctionnement, associées au réseau Lire en Afrique
• 12 Bibliothèques potentiellement réalisables dans le cadre de ce projet pour les années 2012/3/4

Pour chaque centre, Eliane retrace l’historique de la bibliothèque, le profil du bibliothécaire, la composition du fonds, les résultats statistiques de la fréquentation.
Sada Kane est favorablement impressionné par l’existant, par les chiffres de fréquentation.
Dans les départements de Pikine, Guediawaye, Rufisque, la densité en bibliothèques en fonctionnement est très faible. Le département de Dakar est mieux loti grâce aux centres socio-culturels créés par la ville de Dakar en deux étapes : 6 dans les années 92/1994 puis 13 en 2003 et équipés en livres par Lire en Afrique à partir de 2005.

Lors des visites, Sada fait peu de commentaires, mais en chemin il exprime le souhait de disposer d’un véhicule dans sa fonction, « car même si tu ne t’en sers pas tout le temps, c’est utile ».

Organisation d’un séminaire des bibliothèques à Dakar

Chaque année, Lire en Afrique organise le séminaire des bibliothèques de la région de Dakar, cette année nous proposons que ce séminaire soit organisé par nous, mais sous l’égide de la Région. Ce serait l’occasion idéale de présenter officiellement le projet de Centrale et son directeur Sada Kane aux bénéficiaires désignés de ce projet.

Sada ne se sent pas légitime pour prendre cette décision lui-même et souhaite en référer à la Région de Dakar. Il nous rapporte avoir interrogé Jérémie Josso. La réponse est qu’il faut attendre le retour de Madame Touré, en mission à Istanbul.

Comme d’habitude la paralysie administrative ! La date de notre retour à Paris approchant, nous décidons d’organiser nous-mêmes, le séminaire selon notre pratique habituelle, sans plus tarder. Il se tient dans la bibliothèque Blaise Senghor. Y sont conviées toutes les bibliothèques qui sont appelées à être intégrées dans le réseau de la région ainsi que les responsables de la DEC (direction Education et Culture de la mairie de Dakar). Au cours de ce séminaire, après le tour de table habituel, où chacun fait le point sur le fonctionnement de sa bibliothèque, nous présentons le projet de la Région ainsi que Sada Kane et son rôle à la tête de la centrale. Le plan de formation qui va s’adresser à tous les bibliothécaires en poste est évoqué avec une ébauche de contenu : il portera sur les livres dont les bibliothèques seront progressivement dotées en six modules : les albums et les contes, les documentaires scientifiques, la documentation pédagogique, la fiction jeunesse, les usuels, les ouvrages d’appui au cursus scolaire.

LES DIFFICULTÉS S’AMONCELLENT

La Région de Dakar manifeste une grande indifférence vis-à-vis de ce projet

Pendant tour un mois, Eliane et Moussa ont travaillé dans le sous-sol de l’hôtel de Région, dans la plus grande indifférence des interlocuteurs de la Région. Ils ne sont jamais descendus au sous-sol pour s’enquérir des livres, ni du travail, ni du projet.
La fin de cette activité de préparation, véritable cauchemar, dû aux conditions sanitaires, fût un grand soulagement. À noter que Sada Kane, venu plusieurs fois pour rencontrer les responsables de la région, au sujet de sa prise de poste, n’est jamais descendu nous rencontrer dans le sous-sol, son futur domaine, jamais il n’a regardé les livres, jamais il ne s’est informé sur la nature des livres qu’il allait bientôt devoir gérer.
Le dernier jour, nous avons rencontré le président de Région pour une réunion protocolaire. Nous lui avons présenté le bilan de notre travail : état des stocks, situation des bibliothèques candidates dans la région. Tous les documents lui ont été remis.
Cette expérience, douloureuse à tous points de vue, nous a laissées dubitatives quant à la capacité de la Région de Dakar à manager un tel projet. Les commentaires autour de nous de la part des bibliothécaires rencontrés vont dans ce sens ce qui n’est pas faits pour nous rendre optimistes quant à la suite. Non seulement Lire en Afrique a dû assumer, seule, l’intégralité des tâches, mais l’opération n’a pas reçu la moindre marque d’intérêt, ni le moindre soutien de la part des élus et des fonctionnaires de la Région, pas plus d’ailleurs que du chargé de mission de la Région Ile de France. Un désintérêt total.

Le directeur de la Centrale est administrativement en fonction, les difficultés de son détachement du ministère de la culture ont été réglées, le transfert de connaissance a démarré, mais il n’y a pas de prise de fonction réelle. En effet, avant de prendre réellement son poste, Sada Kane a cherché à négocier des avantages avec la Région : un complément de salaire (alors qu’il est déjà rémunéré en tant que fonctionnaire), une secrétaire, un véhicule, une photocopieuse… Les bibliothèques à créer, le réseau à animer ne font pas partie de ses préoccupations, et comme la Région n’exprime aucune exigence à son égard et ne lui demande rien....Blocage total.

De retour en France, nous rédigeons le bilan de l’opération. Nous déposons le projet pour l’année 2 du projet qui concernera la mise en place d’un fonds documentaire pour 5 nouvelles bibliothèques à constituer. Plusieurs réunions se suivent afin de préciser un point ou l’autre.

Lors d’un échange téléphonique avec Sada Kane, il nous apprend qu’il vient en France pour un stage d’un mois à la bibliothèque municipale de Bagnolet qu’il a trouvé par internet. Nous recherchons et découvrons que ce stage est organisé par la BPI, et, est ouvert aux bibliothécaires d’Afrique francophone. Nous prenons contact avec l’organisatrice et lui demandons s’il ne serait pas possible que ce stage se déroule également en bibliothèque départementale, parce que le poste qu’il va occuper à Dakar s’apparente aux missions d’une bibliothèque départementale. L’organisatrice ne s’y oppose pas mais, ce sera à nous de négocier avec la directrice de la bibliothèque municipale de Bagnolet et de trouver une bibliothèque départementale qui l’accepte pour quelques jours. Nous menons toutes ces négociations en allant rencontrer la directrice de Bagnolet et celle de la bibliothèque départementale qui accepte de le recevoir. Nous la connaissons pour l’avoir rencontrée au cours de diverses réunions. Les deux acceptent, mais nous devrons en prendre la responsabilité et accompagner le bibliothécaire à la bibliothèque régionale. Ce que nous faisons. Le bibliothécaire a laissé une impression plus que mitigée de son passage, et les bibliothécaires de Bagnolet nous recommande de ne pas travailler avec lui, .... Dans son évaluation du stage, il a souligné son intérêt pour le prêt de CD de musique. II se dit prêt à s’en occuper quand on le fera au Sénégal.

Les régions sont supprimées au Sénégal par la loi de décembre 2013

Nous suivons l’actualité du Sénégal en consultant des revues de presse quotidiennes sur internet et c’est ainsi que nous prenons connaissance de la discussion à l’assemblée nationale de la loi appelée « acte III de la décentralisation » votée en décembre 2013.
Les régions sont supprimées , les communautés rurales sont érigées en communes de plein exercice, les départements en collectivités locales, et consacre la suppression de la région comme collectivité locale.

Cette loi met un coup d’arrêt au projet de création des bibliothèques de proximité en région de Dakar, qui avait mis tant de temps à voir le jour. Une seule année dont le budget a été amputé d’un tiers a été réalisé. Il en restait 2 à exécuter.

Tout de suite nous nous préoccupons du sort réservé aux 18 000 livres constituant le stock dans le sous-sol de l’hôtel de Région, apportés là, par nous, en anticipation des futures étapes de ce projet pluriannuel.
Nous apprenons que le Conseil Régional de Dakar en exercice sera dissout en juin 2014. Nos interlocuteurs du Conseil Régional de Paris Ile de France ne nous apportent aucune réponse concrète sur le sort des livres stockés. Il y a toujours un fonctionnaire parisien en poste à Dakar pour suivre les projets de coopération, mais plus pour très longtemps. Rapidement, nous n’avons plus d’interlocuteur à Paris, les personnels ayant été redéployés. Un stagiaire nous reçoit, mais il ne dispose d’aucune information.
Dans ce contexte perturbé, Lire en Afrique s’inquiète du sort réservé aux 28 000 livres stockés dans le sous-sol de l’hôtel de Région, apportés là, en anticipation des futures étapes de ce projet pluriannuel. Lire en Afrique se soucie également de rechercher les moyens de sauver ce projet triennal dont une seule année a été exécutée

LIRE EN AFRIQUE S’EMPLOIE A SAUVER LES LIVRES BLOQUES AU SOUS-SOL DE L’HÔTEL DE RÉGION DE DAKAR

En premier lieu, Lire en Afrique fait le point sur la distribution des livres aux trois bibliothèques en exécution de la première tranche du projet
Nous allons visiter les 3 bibliothèques programmées en phase 1 pour recevoir la dotation de la Région, ce qui a été réalisé en notre absence
Première bibliothèque visitée : à Dakar Sicap jet d’eau. La bibliothécaire nous montre la plaque de marbre apposée à l’extérieur qui annonce l’action du Conseil Régional de Dakar ! Elle a déjà mis en rayon les livres reçus et nous les montre. A vue d’œil, nous constatons qu’il en manque, la dotation en livres prévue était de 2 100. Elle a émargé la décharge qui lui a été remise par le Conseil Régional de Dakar, sans vérifier ni compter les livres.
Nous téléphonons au centre de Diamaguene (Pikine) également destinataire des dotations, il n’a reçu que 1500 livres sur les 2100 annoncés. Il a réclamé à la Région à plusieurs reprises, mais en vain.
Sada Kane interrogé, déclare ne s’être occupé de rien, ce n’est pas lui qui a procédé à la distribution des livres, il n’est au courant de rien.

Lire en Afrique à la recherche d’interlocuteurs

Pour comprendre ce qui s’est passé dans la distribution des dotations en année 1 et nous informer du stock résiduel, nous nous rendons à l’hôtel de Région sur la VDN. Il n’y a personne, tout le monde est parti, des ordinateurs sont évacués des locaux et emportés par des charrettes. Un gendarme de proximité qui fait office de gardien nous renseigne : l’essentiel des mobiliers, matériels est parti à Rufisque, ville d’origine du président de la Région. Les livres, il n’en a pas entendu parler. S’ils sont encore entreposés au sous-sol, il n’en a pas connaissance, le local est fermé et selon lui, personne ne dispose de la clé.
Marie Josèphe est rentrée à Paris, Éliane va mener l’enquête, trouver les livres et procéder à leur distribution.

Faute d’interlocuteur côté Région, Éliane se tourne vers la mairie de Dakar. La première adjointe, notre interlocutrice depuis 2008, la reçoit sur le champ et organise un rendez-vous avec une élue au Conseil Régional de Dakar, madame Dieye. Pour les projets co-financés par la Région Île de France en région de Dakar au nombre de huit, quatre se poursuivront dans le cadre de l’intercommunalité nous apprend elle. Les autres, sont considérés comme achevés dont à notre grande surprise, le projet bibliothèque

Nous lui précisons que Lire en Afrique a été désignée comme opérateur de ce projet, dans le cadre d’une convention qui prévoyait un budget sur 3 ans, dont seule la première année a été exécutée. Il reste donc 2 ans à exécuter, soit 2/3 du budget. Les élus de Dakar ont demandé le bilan financier des actions menées en partenariat, et les discussions doivent reprendre sur la base de ce bilan financier. Selon elle, s’il reste des fonds sur la ligne bibliothèque, les élus de Dakar demanderont que le projet continue avec l’opérateur Lire en Afrique. Pour notre interlocutrice, le projet est pertinent, il y a un besoin. En ce qui concerne les centres socio-culturels de la ville de Dakar où sont situées les 11 bibliothèques équipées par Lire en Afrique, les bâtiments, appartiennent encore à la ville, mais la culture est transférée aux communes d’arrondissement. Selon elle, les communes d’arrondissement vont reprendre la gestion des bibliothèques, même si les bâtiments restent propriété de la ville. Il faudra conventionner entre la ville de Dakar et les 19 communes ...

Quant au 18 000 livres stockés, madame Dieye interrogée elle ne sait pas et n’en a jamais entendu parler. C’est l’État qui est chargé de liquider le patrimoine de la Région qui n’existe plus, c’est à l’État qu’il faut s’adresser, plus précisément au gouverneur de Dakar. Il y a urgence, puisque le 1° janvier 2015 a été fixé comme date ultime de libération des locaux de l’hôtel de Région loués par l’État..

Nouvelle démarche donc, obtenir un entretien avec le gouverneur. Eliane se rend à la gouvernance, située Place de l’Indépendance à Dakar. La secrétaire lui apprend que les questions liées à la liquidation du Conseil Régional de Dakar sont traitées par l’adjoint au gouverneur, monsieur N’diaye dont elle remet le numéro le numéro de téléphone.
Celui-ci-la reçoit dès le lendemain.
Les personnels du Conseil Régional manifestent pour leur reclassement et le paiement de leurs salaires, soit à L’hôtel de ville, soit face à la gouvernance

Le Gouverneur (Préfet) de Dakar s’implique

Arrivée à 10H à la préfecture, la porte du gouverneur est ouverte, il me fait entrer. Je resterai dans son bureau plus d’une heure et demie, parce que, explique - t -il, il règle les problèmes dans l’instant, il ne remet jamais à plus tard, parce que plus tard, il y aura d’autres problèmes à régler, et ça va lui rester en tête, alors que s’il règle çà tout de suite, ça va sortir de sa tête. Excellente méthode qui me convient parfaitement.
J’avais préparé tout un dossier : l’étude initiale réalisée en 2010, à la demande du Conseil Régional Ile de France, en réponse aux sollicitations de Dakar, souhaitant une médiathèque régionale, le projet tel qu’il a été voté, le relevé des décisions du Conseil Régional, le contenu du conteneur expédié en décembre 2012.

Historique en chiffres et en images du stock de livres constitué par Lire en Afrique en prévision des tranches ultérieures du projet

Je lui présente le tableau récapitulatif des stocks : ce qui a été livré aux trois premières bibliothèques au printemps 2014 par le Conseil Régional, ce qui doit rester, classé par catégories de livres et type d’usage de ces livres. Il est interloqué : 18 000 livres neufs qui sont restés stockés dans le sous-sol, alors que les élèves en ont besoin, vraiment, ils ne foutent rien, on a eu raison de dissoudre la région. Il évoque diverses solutions. Tout de suite, je constate qu’il ne se rend pas compte du volume de ces livres, ni de la surface en rayonnages que représente 18 000 livres.

Il suit mes explications et convient de la nécessité de distribuer ces livres dans plusieurs bibliothèques à raison de 1000 livres environ par bibliothèque. Il passe nombre coup de fil pour demander des infos, se faire préciser les décisions.
Il me demande de me rendre sur place pour faire un état des lieux, vérifier que les cartons sont toujours là et dans quel état et de lui en faire un rapport. Pour cela il me fait accompagner d’un élu régional, Babacar Gaye, comptable matière du Conseil Régional qui gère le patrimoine du Conseil Régional. Rendez-vous est pris pour le lendemain mercredi 11H sur la VDN au Conseil Régional.

Je sors de cette réunion de travail très satisfaite. Enfin j’ai trouvé l’interlocuteur désigné et c’est quelqu’un de très efficace, qui réfléchit vite et tranche rapidement. J’anticipe qu’il va vouloir administrer la distribution du reliquat selon ce que le projet a initialement prévu. La passation de pouvoir va avoir lieu, et, à partir de lundi, il sera seul à décider et ça va devrait aller vite. Je lui indique que je me rendrai entièrement disponible jusqu’au 15 janvier, il me rassure : çà sera fini d’ici là.

Comment procéder pour distribuer efficacement les 18 000 livres entreposés

Je prépare un projet de distribution pour le gouverneur sur la base de mes connaissances des fonds documentaires actuels des bibliothèques tout en veillant à ce que des villes situées dans chacun des 4 départements soient destinataires . Les bibliothèques ciblées doivent être en fonctionnement avec suffisamment d’espace sur leurs rayonnages pour accueillir 1000 livres supplémentaires.

Il propose, sur la base de cette liste, d’adresser un courrier aux maires des communes d’arrondissement. J’exprime le souhait que les livres soient adressés aux bibliothèques directement, il sourit (il a compris), il accepte que les livres soient livrés aux bibliothèques et non pas aux mairies, qu’il convint cependant d’informer.
Il souhaite que je sois là pour organiser la distribution et imagine une livraison échelonnée dans le temps bibliothèque par bibliothèque dont je devrais me charger. En tant qu’association sans infrastructure ni moyen matériel, logée à Ouakam dans une famille sénégalaise, je fais valoir que je ne dispose que « de mes bras et de ma tête » et suggère plutôt il sourit de convoquer tous les bénéficiaires selon un planning précis afin qu’ils se présentent tous sur la VDN, devant l’hôtel de Région, pour récupérer leur lot de livres, ce qui peut-être réalisé en une seule journée.

Il est d’accord sur toutes les propositions, pour lui c’est la continuité du projet, un point un trait. Il n’y a plus de Régions, il n’y a que des communes d’arrondissement.
Pour la ville de Dakar, son interprétation contredit les informations données par les élus de la mairie : dans la loi de décentralisation, il est prévu que les infrastructures appartiennent à la commune où elles sont construites, donc les centres culturels appartiennent aux communes et plus à la ville de Dakar. La ville de Dakar est une commune comme les autres sur son propre territoire et n’a pas d’autres prérogatives. Pour lui, nos accords avec la ville de Dakar sont caducs, il va falloir que Lire en Afrique passe des conventions avec chacune des communes d’arrondissement pour poursuivre ses actions en faveur de la lecture, via les bibliothèques.

Pour les courriers à adresser aux maires des communes qui recevront la dotation, je lui fais remarquer que certaines bibliothèques sont privées, alors il écrira au directeur. Il me demande de lui faire la liste des contacts pour chaque destinataire afin d’accélérer le processus.

Quel plaisir de travailler avec lui, depuis 25 ans que nous nous échinons au Sénégal, ça ne nous est encore jamais arrivé de tomber sur ce genre de personnage aux antipodes de ceux que l’on rencontre habituellement.
La communication avec lui passe facilement, je lui demande s’il interviendra dans la suite des projets financés par l’Ile de France. Il me répond que ça dépend des décisions. Tout d’abord il faut savoir ce qu’a décidé la mission d’élus IDF qui vient de venir à Dakar et voir ensuite. Je plaide ma cause : budget pour 3 années et une seule année exécutée. Pour lui, il nous faut écrire un projet et qu’il en soit destinataire. S’il intervient, il est carré et tient un raisonnement juste, c’est un juriste. Renseignements pris, il est administrateur civil, anciennement directeur au ministère des collectivités territoriales et aménagement du territoire, nommé au poste de gouverneur adjoint de Dakar en 2013.

Le stock de livres au sous-sol de l’ex-Région de Dakar est toujours là.

Le comptable matière de l’ex-Région de Dakar, Babacar Gaye, chargé de m’accompagner au sous -sol de L’hôtel de Région arrive très en retard. Il est en possession des clés.
Dans le sous-sol, rien n’a été dérangé, les cartons sont sur les étagères, tels que je les y avais placés. Le pointage de l’inventaire initial des cartons montre qu’il n’y eu que des déperdition bénignes. Seuls une dizaine de cartons provenant des éditions Harlequin a disparu, ce qui n’est pas très grave mais donne des indications sur les préférences des prédateurs (rices) !! Les cartons déclarés manquants, lors de la visite aux 3 premières bibliothèques dotées sont toujours là, dans le stock. Ils n’ont jamais été remis aux destinataires, négligence sans doute ou amateurisme ! Tout est là en très bon état, il n’y a même pas trace de souris.

La visite de sous-sols se poursuit. Dans le second local un tas de 3 à 4 m3 de cartons éventrés. Dans ces cartons, des boites ouvertes dont le contenu se répand partout. Ce sont des boites de craies blanches. Des centaines de boites, des milliers de craies. Alors que je m’étonne de la présence de ces craies et de leur abandon, le comptable matière montre un peu plus loin, un monceau de globes (2 M3) pas encore montés, des demi-sphères entassées, et, un peu plus loin encore, des règles jaunes de 1m pour les écoles. Le Conseil Régional de Dakar les a achetés pour les distribuer aux écoles de la région. Il n’a pas pu organiser la cérémonie de remise officielle. Une fuite d’eau dans le sous-sol à endommagé les emballages, les pilles se sont effondrées, les boites ouvertes et les craies se sont répandues partout. Personne ne semble s’en être ému. Une chance que le local où sont entreposés les livres soit resté hors d’eau.

Il faut convoquer les bénéficiaires et en informer les maires maires

Pour dresser la liste des maires, Eliane s’adresse aux bibliothécaires destinataires, afin qu’elles lui communiquent le nom du maire de la commune où elles sont implantées, ce qui lui permet, en outre, de leur annoncer la bonne nouvelle, ils vont recevoir 1000 à 1500 livres très prochainement.

Pour les centres socio-culturels de la ville de Dakar, c’est très simple puisque, selon notre interlocutrice à la mairie, la culture fait toujours partie des prérogatives de la ville de Dakar, donc les centres culturels lui sont toujours rattachés fonctionnellement si ce n’est physiquement. Pour les autres départements, la recherche s’avère plus compliquée.
Á la commune de Parcelles Assainies, le centre culturel de la ville de Dakar a été fermé et la bibliothèque dotée par Lire en Afrique avec. La sélection se porte sur la bibliothèque du centre culturel Marie Immaculée que Lire en Afrique a déjà eu l’occasion de visiter, lors de son l’étude de l’existant de 2010. Les coordonnées seront obtenues en mettant à profit notre carnet d’adresses, en l’occurrence, en contactant de frère Albert que nous connaissons depuis 2006 pour nous avoir concédé un espace de stockage au collège de la petite côte à Joal qu’il dirigeait alors.
Pour Yembeul, il y a bibliothèque du centre culturel Galle Nanondural. Le directeur du centre demande expressément de ne surtout pas nous adresser au maire qui risque, dit-il, de « distribuer les livres à sa clientèle électorale » en les détournant de la bibliothèque. C’est rassurant !!! mais je ne suis pas étonnée de sa réaction. Nous-mêmes, avons été victimes de distribution sauvage orchestrée par le maire de la commune du centre culturel où était logé notre stock résiduel. Les dictionnaires avaient été dilapidés, distribution organisée par le maire, même en ayant des alliés dans la place.
Pour Pikine, Lire en Afrique a été sollicitée il y a quelque temps, pour équiper 4 centres socio-culturels livrés sans équipement de bibliothèques par la coopération allemande. En renouant avec les contacts d’alors, j’obtiens les noms des communes d’arrondissement où sont situées ces 4 centres ainsi que les coordonnées des gestionnaires de ces centres et des maires.
Pour le département de Rufisque ce sera la bibliothèque de Bargny et pour le département de Guediawaye, il n’existe pas réellement de structures prêtes pour accueillir 1000 livres exceptée la bibliothèque municipale de Guediawaye, choisie faute d’autre option plus pertinente dans le secteur.

Autre tâche, établir des lots équilibrés pour les destinataires

Fin décembre, alors que la date fatidique de restitution de l’immeuble à son propriétaire approche, tout n’est pas encore réglé, des réunions ont lieu, orchestrées par le gouverneur avec l’ex président du Conseil Régional. Il requiert tous les détails et tous les documents de ce projet Région de Dakar/Région Île de France : « Qui a déjà opéré des distributions et selon quels critères ? » : Les réponses sont claires. C’est le Conseil Régional qui a décidé des premières implantations et qui a distribué les cartons aux bibliothèques sélectionnées. Le conteneur a été préparé, expédié et réceptionné, par Lire en Afrique. Tous les documents ont été remis personnellement, en temps et en heure, au président du Conseil Régional alors en fonction en décembre 2014. « Quelle est la composition du stock résiduel : nombre de cartons, de livres, PV de réception, convention etc ». Le relevé des décisions et la dernière version des propositions de distribution datée du 24 Décembre 2014 lui sont immédiatement remis.

Compte tenu des collections dont elles disposent déjà, 8 bibliothèques recevront à titre de complément la série des 9 cartons prévus pour les stages complétés de 5 cartons de romans sentimentaux Harlequin soit 14 cartons : N’gor, BOSY, Yoff Extension, Ouakam, Marie Immaculée de Parcelles, Bargny, Sacré Cœur et Yeumbeul (qui recevra en plus 6 cartons de manuels).

Les 3 centres de Pikine (Keur Massar, Sam Sam Dimatt et Thiaroye camp) recevront chacun 31 cartons les mêmes que pour les 8 bibliothèques précédentes auxquels viennent s’ajouter 12 cartons de romans collectés auprès du comité d’entreprise du Crédit Lyonnais et 5 de manuels.

Les 3 bibliothèques dotées l’an passé, recevront les cartons oubliés auxquels s’ajoutent, pour chacune 4 Harlequin, 14 de romans collectés auprès du comité d’entreprise du Crédit Lyonnais LCL et 6 manuels.

Au total, 14 bibliothèques recevront une dotation.

Le temps passe, il faut anticiper au maximum. Puisque la liste des destinataires est validée, Je propose au gouverneur de me rendre dans le local, sur la VDN pour inscrire la destination sur chaque carton, afin de faciliter la distribution. Il donne son accord.

Au sous-sol, mauvaise surprise, les étagères ont été retirées et emportées. Les cartons qui avaient été ordonnés sur les étagères par catégories de contenu, gisent en vrac sur le sol, tous mélangés et les uns sur les autres. ll faut tout refaire, organiser et isoler les dotations par destinataire pour en faciliter l’enlèvement sans confusion possible
La gouvernance sollicitée ne peux pas déléguer un manutentionnaire. Je dois me débrouiller seule. Un passant sollicité offre ses services mais il n’est pas fiable, s’éclipse souvent et ne sait pas lire je dois lui lire l’étiquette et lui indiquer par geste le lieu de stockage. Il s’esquive et en revient qu’en fin d’après midi réclamer son dû sans achever la mise en carton des ouvrages de Présence Africaine qui lui avait été confiée, une tâche de base.

A peine terminé, le comptable matière descend et s’obstine à retrouver EXACTEMENT le même nombre de cartons que le décompte du premier jour alors qu’il en trouve deux de plus l’on a compté le premier jour et il en compte 2 de plus sur 265. Comptage, recomptage, en vain. Partie remise au lendemain où il faut encore gérer les ouvrages de Présence Africaine en vrac et le contenu de 36 cartons de manuels à ouvrir et répartir à raison de 2 manuels par discipline et par niveau à chaque bibliothèque pour chacun des 14 destinataires.

Mais pour y parvenir il faut une équipe rompue à cet exercice. Me vient l’idée de recourir aux bibliothécaires de la BOSY à Yoff.

Ces travaux pénibles sont encore compliqués par le comportement du comptable matière qui n’accepte pas de me laisser la clé du local , ni ne veut la confier u gardien. Il veut être là, il me regarde travailler, sans mettre la main à la pâte et ne respecte aucun horaire convenu et me fait attendre plusieurs heures à chaque fois. Je le lui fais remarquer, çà ne le dérange pas.

Répartition des manuels avec l’aide des bibliothécaires de la BOSY

Les jeunes bosystes sont au rendez-vous avec leur responsable, Alioune Gueye.
Mais, comme à l’accoutumée le comptable matière, toujours détenteur des clés, arrive avec une 1 heure de retard. La pression monte dans l’équipe, car l’ouverture de la CAN (Coupe d’Afrique des Nations) est imminente et aucun de ces jeunes gens ne veut rater çà, Alioune a l’habitude de travailler avec nous, il connaît les méthodes rapides et adore se chronométrer quand il effectue des tâches répétitives. Il est très efficace. Ses camarades n’ont pas la même dextérité . Il reste encore 4 cartons de titres identiques de la revue Présence Africaine. Le comptable matière veut les récupérer pour les donner aux écoles de Guediawaye. Je lui explique que ces livres-là, ne sont pas adaptés aux lecteurs des écoles élémentaires, il s’agit des numéros des années 50 et 60 d’une revue littéraire. Les bibliothécaires de Yoff confirment. Il décide alors de les prendre pour lui pour les disposer dans son salon !!!

Enfin à 15H tout est terminé, tout est rangé, compté, vérifié, les bosystes srront à l’heure pour l’ouverture de la CAN.

Le comptable matière est visiblement soulagé, tout est terminé. Il s’était confié au gardien Mendy, lui expliquant pourquoi il n’avait pas apporté son aide même lorsque j’étais en difficulté avec des cartons trop lourds pour moi. Selon lui, c’était au gouverneur de fournir du personnel !

Enfin, distribution des livres à 14 bibliothèques destinataires, arrachée de haute lutte

Marie Josèphe vient d’arriver de Paris avec la jambe plâtrée pour la mission qui doit nous conduire en Casamance. J’espérais avoir terminé toute cette opération, avant son arrivée pour pouvoir nous consacrer à notre propre réseau, mais, au moins, elle participera à l’ultime étape la distribution le 2 février 2015

Les 14 bibliothèques bénéficiaires ont toutes été convoquées, chacune à une demie heure intervalle . de façon à fluidifier les enlèvements. Babacar, le comptable matière, voulait fixer un jour par bibliothèque ce qui nous aurait conduit à bloquer deux semaines pour cette opération

Nous allons profiter de la venue des bibliothèques pour leur distribuer également la dotation Alioune Diop (150 ouvrages donnés par la maison d’édition Présence Africaine à l’occasion du 100ème anniversaire de la naissance de son fondateur, ainsi que les jeux de 2 cartons de l’opération « Allez les filles ». Stockés au centre socio-culturel de Oukam, Éliane s’occupe de leur transfert à l’hôtel de Région avec l’aide bibliothécaires de Ouakam qui louent un camion (un taxi bagage déchargent les 40 cartons.

Arrivés à l’ex hôtel de Région sur la VDN pas trace du comptable matière. Marie Josèphe, jambe coincée dans ses attelles, s’installe à une table que nous empruntons à la boutique à côté. Elle a préparé tous les documents à faire signer. Les véhicules des bibliothèques pourront se garer juste à côté. Il y a un vent terrible sur la VDN. Les papiers s’envolent.

Au sous-sol, Éliane heureusement trouve la porte est ouverte, mais il n’y a pas d’électricité. Comme le lots sont répartis en tas bien distincts, il sera malgré tout facile de s’y retrouver. Les jeunes de Ouakam prennent leur dotation et repartent vers 11H30. Le plan se déroule comme prévu, les bibliothèques de Galle Nanandiral et Sicap Jet d’eau arrivent les premières avec un véhicule pour l’enlèvement. Le comptable matière arrive sur ces entrefaites et s’aperçoit que la distribution a déjà commencé sans lui. A 13H pause pour une reprise à 14h.
La directrice du centre culturel de Pikine arrive à son tour en grande tenue, elle commande un taxi bagage par téléphone et y fait charger ses cartons. Elle discute avec le comptable matière, ils se découvrent parents, alors elle obtient une boite de craies en supplément. Puis arrive la délégation du Centre culturel Marie Immaculée de Parcelles Assainies, qui dépend de la paroisse catholique. Elle est composée des deux bibliothécaires et du nouveau directeur, qui semble perdu. Il ne comprend pas qui est qui, ni de quoi il s’agit, ni ce que le Conseil Régional, dissout depuis plus de 6 mois, vient faire dans cette histoire !!!.

Vers 15H , coup de Théâtre. Le comptable matière bloque tout, ferme les portes à clé et discute interminablement au téléphone avec le gouverneur. Une décision vient de tomber, les centres socio-culturels de la ville de Dakar restent propriété de la ville de Dakar et non des communes d’arrondissement. En conséquence le gouverneur veut qu’on stoppe la distribution et que l’on recommence les démarches, non plus avec les communes, mais directement avec la ville de Dakar. On réussit in extremis à le persuader que nous avons conduit toute l’opération à la fois avec la ville de Dakar et avec les communes d’arrondissement. Preuve à l’appui, puisque le chauffeur de la première adjointe au maire de Dakar, madame El Wardini, est là, en train de charger les cartons destinés à la bibliothèque du centre culturel de Sacré Cœur. Ouf, après de longues discussions, l’opération peut se poursuivre.

Arrivent les 3 bibliothèques de Pikine qui ont loué un véhicule en commun. L’activité entre le sous-sol et le terre plein de chargement bat son plein. Coup de fil aux retardataires : Bargny , la Bosy et N’gor. Finalement Yoff arrivé bon dernier et prend, à notre demande, les cartons de N’gor qui ne sont pas venus.

A 17H30 tout est fini, il ne reste pas un seul carton.

Retour victorieux à la maison. Distribuer les 18 000 livres bloqués au sous-sol de la Région pendant plus d’un an, ne fut pas une mince affaire. 8 bibliothèques disposent maintenant d’un fond renouvelé d’environ 1000 livres et 6 d’un fonds de démarrage de plus de 1500 livres.

Mais l’histoire ne s’achève pas encore. La veille de notre retour en France, nous recevons un appel téléphonique du comptable matière : l’ancien président de Région veut récupérer 1000 livres pour le centre de formation de Rufisque. Tout est déjà distribué mais selon Babacar, le gouverneur insiste. Nous disposons bien d’un reliquat de stocks à Ouakam, composé de 16 dotations identiques de 150 livres essentiellement les numéros anciens de la revue Présence Africaine. Ces livres sont des livres de recherches littéraires qui n’auraient pas d’autre usage dans un centre de formation que d’encombrer les rayonnages. Il insiste et veut 1000 livres, peu importe lesquels, son honneur est en jeu et nous supplie de le sauver. Rendez-vous est pris pour 11H le lendemain à Ouakam. Toujours en retard, nous serons déjà à l’aéroport pour notre retour en France, avant qu’il n’ arrive à Ouakam.

[ACTE 3 : LE PROJET EST ABANDONNÉ EN 2015, FAUTE DE VOLONTÉ POLITIQUE POUR LE POURSUIVRE|

Lire en Afrique engage des démarches pour tenter de sauver les deux tranches votées soit 200 000 euros budgétées par le Conseil Régional d’Île de France

Nous sommes persuadées que les bibliothèques de lecture publique sont de plus en plus nécessaires vu l’accroissement du nombre d’enfants scolarisés, la multiplication des établissements scolaires tant en zone rurale, qu’en zone urbaine. Malheureusement au niveau de l’administration nationale et locale ne s’en soucie. Si hier, pour poursuivre des études secondaires, il était nécessaire de se rendre à Dakar, aujourd’hui la carte scolaire à évoluée avec plusieurs collèges et lycées publics par commune, sans compter les établissements privés qui forment environ 50 % des élèves de la région de Dakar selon les statistiques fournies par le ministère de l’Education Nationale. Si l’État, et ses partenaires internationaux, fournissent un gros effort pour la construction des bâtiments et les salaires des enseignants, , rares sont les établissements scolaires à disposer de BCD (Bibliothèque Centre de Documentation).

Le projet des bibliothèques de proximité en région de Dakar est considéré comme une nécessité par toutes les personnes que nous rencontrons : élus, enseignants, animateurs culturels parents, élèves. Tous sont conscients, qu’aujourd’hui, les enfants doivent poursuivre des études, le plus loin possible et n’ignorent pas les obstacles semés sur les parcours scolaires : classes surchargées, professeurs pas toujours formés, extrême rareté des ressources pédagogiques.

Nous savons que le budget résiduel de 200 000 euros du plan triennal en faveur du projet bibliothèque pourrait financer le fonds documentaire d’au moins 10 bibliothèques et permettre plusieurs actions de formation selon nos méthodes très économes en ressources financières : le combat en vaut la peine. Nous savons aussi que ce budget est l’un des derniers budgets institutionnels destiné à financier le livre, car tous les bailleurs se sont progressivement retirés du sujet. Cette opportunité ne se renouvellera plus. La Région de Dakar a déjà gâché une première opportunité en 2003, nous ne pouvons pas admettre que ce scénario se renouvelle en 2013.

Nous savons que la Région Ile de France pourra poursuivre son soutien financier aux projets en cours, si les élus sénégalais en expriment la demande et sont disposés à porter les projets. Ce pourrait être le cas de l’un des départements par exemple.

Nous nous employons à informer des enjeux et possibilités, les responsables politiques de Dakar et de Pikine que nous connaissons, pour y avoir déjà réalisé des projets de bibliothèques.

Tentatives avec le département de Pikine en janvier 2015

Par l’intermédiaire de monsieur Appa , fonctionnaire à la mairie de Pikine, et notre interlocuteur pour les quatre centres culturels de la coopération allemande, nous obtenons un rendez vous avec le maire de Pikine. Appa se dit intéressé par la poursuite de ce projet et se propose aussi de jouer les intermédiaires pour obtenir un rendez vous du maire de Dakar, Khalifa Sall, il nous demande d’écrire un projet et de présenter un dossier rappelant l’ensemble des éléments.

Nous adaptons le projet initial voté en 2011 par les deux régions partenaires et proposons, la réalisations de 10 bibliothèques. Nous rassemblons tous les documents attestant qu’il s’agit bien de la poursuivre d’un projet déjà en cours de réalisation.
C’est le directeur de cabinet du maire de Pikine que nous rencontrons, en l’absence de celui-ci en déplacement à Paris. Pikine veut rénover le complexe Leopold Seddar Senghor et élever des étages au-dessus du bâtiment de l’État Civil pour y installer une grande bibliothèque. Ils se montrent intéressés pour récupérer à eux seuls les 200 000 € du projet Région Île de France.
Au sortir de cette réunion, nous contactons Seyni Seck notre interlocuteur pour Bargny (département de Rufisque) et l’informons de la tournure des événements. Le maire de Bargny, nous a sollicitées pour un nouveau projet de bibliothèque à Bargny, nous l’avons rencontré à Ouakam, nous l’informons de la situation, il va contacter la Région IDF, il sera à Paris à partir du 18 Février.

Tentatives auprès du gouverneur

Lors des négociations avec le gouverneur, la communication passait facilement, aussi Eliane lui a-t-elle demandé s’il interviendrait dans la suite des projets financés par l’Ile de France. Pour lui, tout dépendait de la décision des élus de la Région Ile de France dont une délégation étaient venue à Dakar. Il suggère de leur écrire un projet et qu’il en soit destinataire.

Tentatives avec la ville de Dakar

Depuis les dernières élections municipales, Madame Wardini, notre interlocutrice depuis 2008, en tant que responsable de la culture et élue de la commune de Sacré Cœur, est maintenant 1° adjointe à la mairie de Dakar. Nous prenons rendez-vous, avec elle, à l’hôtel de ville. Elle nous confirme que la culture et les centres culturels restent dans les attributions de la ville de Dakar, elle est en compagnie du président adjoint de l’ex Conseil Régional de Dakar. Il n’était au courant de rien concernant le stockage des livres. L’équipe des relations internationales fonctionnait en groupe fermé. La mairie de Dakar va demander à l’élu de Paris Ile de France, Monsieur Romero de récupérer les 200 000 € en livres pour les bibliothèques de la ville de Dakar.

ÉPILOGUE

Nous n’avions jamais réellement cru à la poursuite du projet, mais il n’est pas nécessaire de réussir pour entreprendre.

De retour à Paris, nous avons tenté à plusieurs reprises de prendre contact avec la Région Ile de France, mais le partenariat avec Dakar avait du plomb dans l’aile. Nous y avons organisé une réunion accompagnées du Directeur du Livre et de la Lecture du ministère sénégalais de la Culture, de passage à Paris qui aurait, pensions nous, pu organiser la poursuite du projet Ile de France. La personne qui nous a reçue à la Région Ile de France n’était au courant de rien, et le directeur de la DLL a fait valoir sur le champ que s’il prenait ne charge la suite du projet, les livres seraient pour lui.

Puis ce furent les élections et le changement d’exécutif à Paris. Nous avons de nouveau été reçues courant 2016 par le secteur des relations internationales, mais la politique de la région en matière de collaboration avec les partenariats anciens n’était pas encore très bien définie nous as t on dit, mais si elle reprenait, ce serait selon un nouveau concept à savoir chaque euro investi devrait rapporter autant à l’Ile de France ….Nous avons alors cessé de présenter des dossiers.

D’une certaine façon, nous étions soulagées, le projet de centrale n’était pas viable, seules les bibliothèques de proximité nous intéressaient parce que c’était un projet utile aux populations. Nous avons quand même réussi à sauver une première tranche du projet ainsi que l’affection du stock résiduel qui, sans Lire en Afrique, aurait été abandonné sur place à la liquidation de l’hôtel de Région. En tout ce seront 28 000 ivres qui auront été ainsi affectés et remis à 14 bibliothèques en fonctionnement dans la région de Dakar.


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