ENTRE ESPOIRS ET DECONVENUES, LE PROJET FSP

samedi 11 mars 2023
par  LEA

Créé en l’an 2000, le Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP) est l’instrument du ministère français des Affaires étrangères et du Développement International (MAEDI) pour financer ses interventions bilatérales au titre de l’aide publique au développement sous forme d’aide-projets. Sur la période 2000-2013, le Sénégal est l’un des pays qui en a le plus bénéficié avec plus de 20 FSP. En 2001, un Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP) est mis en place, intitulé "appui à la lecture publique, à la diffusion et à l’édition pour la jeunesse au Sénégal". C’est l’attaché culturel de l’ambassade de France qui nous a suggéré de déposer des projets à faire financer dans ce cadre. Lire en Afrique a bien sûr répondu favorablement, en déposant 4 projets pour faire bénéficier le réseau des bibliothèques Lire en Afrique de cette opération nationale en faveur de la lecture. les résultats sont contrastés avec un lot de difficultés et incompréhensions, dont il est intéressant de tirer le bilan, à posteriori.

Entre espoirs et déconvenues le FSP, conduit conjointement par l’ambassade de Fra,ce et La Direction du Livre et de la Lecture intégre Lire en Afrique.

La question de la lecture publique au Sénégal relève du ministère de la Culture sénégalais qui a créé, en son sein, une Direction du Livre et de la Lecture (DLL). Elle gère en direct les bibliothèques régionales implantées dans les capitales des régions. Elle supervise également le fonctionnement des 16 CLAC -Centre de Lecture et d’Activités Culturelles - mis en place par l’ O.I.F. (Organisation Internationale de la Francophonie) dans les années 80/90.
Par ailleurs, l’ambassade de France intervient également au titre de la francophonie et de la coopération culturelle. Dans le domaine des bibliothèques, elle agit en appui aux collectivités territoriales françaises, qui, dans le cadre de jumelages, apportent leur soutien en contribuant à la construction de locaux à usage de bibliothèque, et également leur équipement en livres.

Un éclairage particulier donné à nos premières réalisations à Yoff par l’obtention du premier prix des bibliothèques partenaires Nord Sud.

Le premier projet réalisé à Yoff en 1992, la bibliothèque Ousmane Sembene de Yoff (BOSY), nous a valu le premier prix de la première édition du « Prix des bibliothèques partenaires Nord sud » organisé par l’association Culture et développement en lien avec le ministère de la coopération française.
Cette première distinction fût suivie, lors de la seconde édition, par le prix spécial du jury, attribué au projet de bibliothèque jeunesse Aminata Sow Fall, à l’école 2 de Yoff Diamalaye.
Une réception officielle eût lieu à Paris lors de la remise de ces prix ainsi qu’une autre à Dakar. Notre action fût alors connue des autorités publiques en charge de la lecture et sa qualité récompensée par deux prix successifs.

Année après année, Lire en Afrique tient informés les organismes de tutelle de ses projets réalisés et à venir.

Lire en Afrique a prit l’habitude, chaque année, de prendre rendez-vous avec ces deux organismes de tutelle de la lecture publique. Côté français, avec l’attaché culturel de l’ambassade de France et coté sénégalais, avec la direction du livre et de la lecture au ministère de la culture. Il nous semblait important de présenter les activités et projets de Lire en Afrique, de connaître leurs stratégies et actions en faveur de la lecture et de faire part de nos besoins. Nous avons poursuivi ce rituel, année après année, même si cet échange d’information ne débouchait jamais sur un soutien en faveur des projets de bibliothèques, menés par Lire en Afrique, en appui à des demandes reçues des populations sénégalaises et gérés en direct avec elles.

A la Direction du Livre et de la Lecture, nous avons ainsi rencontré pour la première fois, Rémi Sagna, alors directeur du livre et la lecture, en 1993, lors de la remise à Lire en Afrique, du premier prix des « bibliothèques partenaires, pour le projet de bibliothèque Ousmane Sembene de Yoff. A cette occasion, Remi Sagna nous a encouragées, en soulignant que de telles initiatives étaient nécessaires parce que l’État du Sénégal n’était pas à même, et avant longtemps, d’équiper d’une bibliothèque, toutes les localités du Sénégal. Ensuite, nous avons rencontré ses successeurs qui nous ont manifesté la plus parfaite indifférence.

En 2001, la mise en place d’un projet FSP d’appui à la lecture publique au Sénégal, ouvre des perspectives.

Une inflexion se fait jour, lors de la rencontre avec Joël Lebret, alors attaché culturel à l’ambassade de France à Dakar, et avec Marietou Diong Diop, directrice du livre et de la lecture à propos du projet FSP d’appui à la lecture publique sur financement de l’ambassade de France à Dakar.

Partage d’expérience avec les responsables nationales de la lecture au Sénégal en 2001

Au début des années 2000, une nouvelle directrice a pris le poste à la Direction du Livre et de la Lecture : madame Marietou Diongue Diop. Elle est du métier, elle a été bibliothécaire.

Lorsque nous la rencontrons pour la première fois en avril 2001, elle s’étonne de notre activité et de notre dynamisme. Elle souhaite visiter la première bibliothèque mise en place par Lire en Afrique à Yoff, où elle réside, et nous invite à déjeuner chez elle, à Yoff Diamalaye. Elle nous y présente sa collègue, Maguette Diop, responsable du réseau des bibliothèques scolaires. Nous convenons d’aller visiter, ensemble, la bibliothèque de Yoff (BOSY).
Ce repas se déroule dans une ambiance très chaleureuse. Marie Josèphe montre les images vidéo des bibliothèques de Sébikotane et celle de l’école Diamalaye (Yoff 2). Elles sont impressionnées par le nombre de livres.
La conversation est surtout menée par Maguette Diop, qui souhaite que l’on travaille avec elle ? en faveur de la lecture en milieu scolaire. Nous lui faisons part des difficultés rencontrées par les bibliothèques que nous avons mises en place dans des établissements scolaires. Ces difficultés sont de tous ordres :

  • Gestion laxiste des livres et des prêts, si bien que la durée de vie des livres en bibliothèques scolaires ne dépasse pas deux ans. Les livres prêtés ne sont pas récupérés, ils sont laissés à l’abandon sans surveillance, à la libre disposition des lecteurs et lectrices.
  • Précarité des locaux attribués à la bibliothèque, souvent réaffectés rapidement à un autre usage.
  • Manque de suivi des équipes pédagogiques : En cas de mutation du directeur d’établissement, il n’est pas rare que le nouveau directeur ne reconnaisse pas cette activité de lecture libre et ferme la bibliothèque, voire l’expulse pour réaffecter les locaux à d’autres fonctions.
    Ce fut le cas à Yoff, à l’école 3 et à l’école 2, au CEM de Sebikotane, à l’école élémentaire de Keur Massar, de N’dande, et au lycée de Matam. Choquée par ces exemples, Maguette Diop nous garantit qu’elle y mettra bon ordre et, pour ce faire, nous demande de consigner ces faits par courrier.
    Nous rédigeons un rapport circonstancié sur les difficultés rencontrées dans chacune de ces bibliothèques et nous le lui adressons, elle n’y donnera aucune suite.

Elle nous apprend que le gros projet banque mondiale, dont on nous parle tant, porte uniquement sur les manuels scolaires et non sur les livres destinés aux bibliothèques.

Visite de la BOSY, comme exemple des réalisations Lire en Afrique

Vers 17H nous partons vers la BOSY. Marietou et Maguette y sont reçues par les bibliothécaires : Alassane Faye, Mamadou N’doye, et un très jeune garçon, chargé d’accueillir les visiteuses. Dans l’équipe de bibliothécaires, chacun occupe un poste et en change chaque semaine. Cette semaine, c’est à ce jeune qu’il revient de présenter et faire visiter la bibliothèque. C’est l’une des innovations pédagogiques de la BOSY.

Elles sont agréablement surprises par la qualité du classement, la richesse du fonds et le dynamisme de cette équipe de bénévoles. Elles y détectent même des ouvrages rares qu’elles ont cherché à se procurer, en vain. Nous les laissons en pleine conversation avec l’équipe de bénévoles présents, pour nous rendre à un rendez-vous avec le chef de cabinet de Omar Sarr, ministre de la pêche, au sujet de l’arrivée des livres destinés à la bibliothèque de Dagana.

Le lendemain Alassane Faye, responsable de la BOSY nous dressera un compte rendu enthousiaste de cette visite. Marietou a proposé de renforcer le partenariat entre la DLL et la BOSY, d’aider les bibliothécaires sur le volet formation. Fascinée par le fonctionnement original de la BOSY, elle envisage d’en promouvoir les idées auprès des bibliothèques associatives et d’inviter Alassane à la prochaine réunion avec l’attaché culturel de l’ambassade de France, pour discuter de la politique de relance des bibliothèques au Sénégal.

Ébauche de partenariat avec la DLL

Lors de la mission suivante, en janvier 2002, Marietou Diongue Diop nous reçoit à nouveau à la direction du livre, pour un entretien qui se prolongera au restaurant des fonctionnaires, situé derrière la Galerie Nationale. Elle nous informe de la préparation de son plan d’actions en faveur de la lecture. Elle est en discussion avec Joël Lebret du Service de Coopération et d’Action Culturelle (SCAC) de l’Ambassade de France à Dakar pour le projet triennal concernant le livre, financé à hauteur de 400 millions de FCFA (610 000 €) par le FSP (fonds de Solidarité Prioritaire). La volonté des pouvoirs publics sénégalais est de développer la chaîne du livre dans toutes ses composantes : de l’auteur en passant par les éditeurs et libraires, jusqu’aux lecteurs. Son programme est ambitieux :

  1. Création littéraire en direction des jeunes, ateliers d’écriture
  2. Soutien aux éditeurs, à la diffusion du livre
  3. Développement du lectorat potentiel dans les écoles et ailleurs, en particulier ceux qui ont été alphabétisés en langue maternelle. Elle veut élargir le public qui a accès aux livres.

En préparation de ce projet, elle a ordonné une enquête sur l’existant. Il en ressort, selon elle, que les 10 bibliothèques régionales ne remplissent même pas le rôle de bibliothèques de quartier. Par ailleurs, il existe de nombreux points de lecture, souvent créés dans le cadre de partenariats Nord Sud. Elle souhaite la multiplication de ce genre d’initiatives, mais remarque que le manque de coordination va à l’encontre d’une politique nationale en matière de lecture publique.

Elle a visité les 7 CLAC de la région de Thiès et constaté que les livres ne sont pas reclassés. Selon elle, un petit manuel de règles à respecter est indispensable pour continuer le partenariat avec les CLAC. Leur coordination devrait passer par la direction du livre pour optimiser les équipements.

Lors de l’entretien qu’elle nous avait accordé au cours de notre précédent séjour, nous lui avions présenté nos activités et nos besoins, parmi lesquels :

  • La prise en charge des transports internationaux et nationaux des livres destinés aux bibliothèques.
  • La mise à disposition d’une salle de réunion pour y tenir les séminaires que Lire en Afrique organise chaque année, regroupant tous les bibliothécaires du réseau Lire en Afrique, ainsi qu’un budget pour les transports et la restauration de ces personnes.

Pour le séminaire Lire en Afrique de 2002, elle nous accorde l’usage d’une salle au centre culturel Douta Seck, équipée d’un rétro projecteur. En contrepartie, ce séminaire devra être organisé entre le 2 et le 7 mai pour coïncider avec la foire du livre (FILDAK) qui a lieu tous les deux ans à Dakar, ce que nous acceptons. La date du séminaire est fixée au samedi 4 mai. Elle envisage de négocier des tarifs avec les exposants éditeurs et libraires s et nous propose d’en bénéficier pour nos éventuels achats.

Elle nous indique que nous serons concernées par le futur projet triennal toujours en cours de négociation avec l’ambassade de France, en particulier pour la formation des bibliothécaires bénévoles. Elle envisage d’organiser des stages de quelques jours centrés sur les savoirs élémentaires et axés plus sur l’animation que sur la bibliothéconomie.

Elle négocie une convention avec l’association française ADIFLOR, qui sera chargée du transport international pour tous les envois de livres de la France vers le Sénégal. Lire en Afrique, en tant qu’association, sera incluse dans la convention. Nous lui annonçons que nous avons 5 nouveaux projets de bibliothèques à réaliser, et déjà 8000 livres en attente d’expédition. Elle nous dispense d’établir la liste précise des titres, qu’elle exige habituellement des autres donateurs. Il nous suffira de donner la composition par grande famille. Puisque nous opérons le tri à la source, que nous ne collectons les livres qu’en bibliothèque et n’acceptons pas les dons de particuliers, elle nous fait confiance. Elle nous demande d’attendre son accord, avant de contacter ADIFLOR.

Pour compléter son recensement des bibliothèques au Sénégal, nous lui remettons la liste des bibliothèques du réseau Lire en Afrique, accompagnée d’une synthèse et de la liste des contacts. En outre, nous nous engageons à lui faire parvenir un dossier décrivant chacune des bibliothèques de notre réseau, dès notre retour en France.

Possibilité de participation au plan triennal de relance de la lecture du FSP

En 2001, Joel Lebret, attaché culturel à l’ambassade de France à Dakar, nous reçoit juste après un déjeuner avec la directrice du livre et de la lecture - Marietou Diongue Diop - que nous avions rencontrée le matin même. Ils se sont concertés à notre sujet. Il nous dit d’entrée de jeu : « Je sais déjà tout ».

D’excellente humeur, il rentre d’une mission de deux semaines dans la région de Kolda avec Marietou Diongue Diop, directrice du livre au ministère de la culture et Maguette Diop, responsable des bibliothèques scolaires au ministère de l’Éducation Nationale. Ils sont allés constater sur le terrain, la réalité des bibliothèques. Il en est revenu tout joyeux et ne parle plus que de la beauté et de l’élégance des sénégalaises, qui changent de tenue chaque jour, véritable festival de couleurs. Il commence à regretter son départ prévu dans un an et demi.

Nous lui présentons nos réalisations : 8 bibliothèques déjà mises en place dans la région de Dakar depuis 1990 : Yoff (2), Ouakam, Sébikotane, Bargny, Keur Massar, Thiaroye Kao, Thilmakha et 3 projets en cours de réalisation dans la région Nord (N’dande, Dagana, Matam). Il se dit très impressionné par notre attitude et souligne « habituellement, les associations et ONG sollicitent des subventions avant même d’avoir levé le crayon pour se mettre à la rédaction du projet, et vous, vous nous rencontrez avec des réalisations et des projets déjà réalisés ou engagés ! »

Le plan triennal au titre du FSP sera signé le 12 février 2002. Il nous l’adressera via internet, et nous demande notre avis, en retour. Il nous suggère d’inscrire nos projets dans un cadre négocié : « le chapitre sur les projets innovants est fait pour vous », nous dit-il. Il n’y aura aucun autre financement d’aucune sorte de la part de la France pendant toute la durée de ce plan. Il nous propose même de coorganiser notre prochain séminaire (2003) qui marquera le premier anniversaire de son projet triennal. Quel honneur !

Actuellement, la Direction du Livre et de la Lecture dresse l’état des lieux de la lecture publique en s’appuyant sur les rapports émis par Malang Dieme pour le compte de l’Alliance franco-sénégalaise (actuel Institut Français) qui recense "le points de lecture fiables" et celui de Culture et Développement. 10 étudiants de l’EBAD (Ecole de Bibliothécaires Archivistes et Documentalistes) vont partir en région pour effectuer le recensement des bibliothèques sur la base d’un questionnaire préétabli.

Trop rapidement, Joël Lebret laisse sa place à Gérard Montant que nous rencontrons l’année suivante, c’est-à-dire en 2002. Ce nouvel attaché culturel à l’ambassade de France vient juste de prendre son poste et d’intégrer la fonction publique. Jusqu’à présent sa femme et lui étaient permanents de la CGT à Montreuil. Sa femme venant d’obtenir un poste de chargée de mission aux affaires sociales à l’ambassade de France à Dakar, il l’a suivie et a obtenu le poste d’attaché culturel. A la CGT, il était responsable de la revue des consommateurs.
Nous lui présentons nos activités. Viennent alors les questions pour comprendre comment nous travaillons, en particulier, qui nous finance, comment fonctionnent réellement nos bibliothèques ? Nos réponses l’étonnent, mais l’intéressent.

Remarquant notre domiciliation à Montreuil, il nous interroge sur nos relations avec la mairie et le salon de livre jeunesse basé dans cette ville depuis 1984. Nous l’informons que nous ne recevons aucun financement extérieur et ne bénéficions d’aucune aide de la part des institutions françaises, qu’elles soient locales ou nationales. A Montreuil, la bibliothèque municipale entretient des relations privilégiées avec des associations centrées sur des actions en faveur de la lecture dans la région de Kayes au Mali, région d’origine de nombreux montreuillois. Comment travaillons-nous ? En collectant les livres auprès des bibliothèques exclusivement, en les sélectionnant soigneusement afin qu’ils répondent aux besoins des lecteurs et lectrices sénégalais. Le coût du transport est financé par les cotisations des membres de l‘association. Nos frais de mission sont prix en charge par nous mêmes.
Depuis sa prise de poste, il a pu se rendre compte, qu’en dehors de la coopération officielle, il existe de nombreuses initiatives bénévoles et de bonnes volontés, qui représentent peut-être 90 % de ce qui est réalisé en coopération Nord Sud. Il nous dit souhaiter publier une revue trimestrielle pour faire connaître ces initiatives.

Dans la discussion, nous évoquons les pistes d’amélioration dans nos bibliothèques.

  • Il serait souhaitable que 10 % au moins du fonds soit composé de littérature africaine et documentaire concernant les réalités africaines. Malheureusement, ces ouvrages ne peuvent être collectés, ils nécessitent des budgets d’acquisition.
  • De même, il nous semble indispensable d’enrichir les collections de 30 à 50 nouveautés par an, afin de générer ou soutenir l’intérêt des lecteurs. Là aussi, des financements sont nécessaires pour procéder à des achats.
  • Avec le développement du nombre de bibliothèques, Lire en Afrique aurait besoin de changer de dimension au Sénégal, en s’appuyant sur une ressource qui puisse assurer le suivi rapproché des bibliothèques, la coordination et l’animation du réseau ainsi que la formation des nouveaux bibliothécaires. Nous assumons nous mêmes toutes ces missions, lors de nos courts séjours, mais la dimension de notre réseau (14 bibliothèques) et sa dispersion sur tout le territoire sénégalais commence à excéder nos capacités personnelles. Nous sommes salariées en France et ne disposons que de nos congés annuels pour réaliser ces multiples actions sur nos ressources personnelles.

Il se dit très intéressé par ce que nous faisons. Il nous encourage à déposer des dossiers pour obtenir des financements dans le cadre des ‘projets innovants’ du plan triennal de développement de la lecture financé par la France qui débutera en Janvier 2003.
Rendez-vous est pris, à sa demande, pour une séance de travail lors de notre prochain séjour, afin d’aborder nos différents projets en détail et plus concrètement.

Une volontaire du progrès, Sandrine, est arrivée il y a une semaine à l’ambassade de France de Dakar, pour gérer le plan d’action triennal. Elle sera mise à la disposition de Marietou Diongue Diop, travaillera dans les locaux de la Direction du Livre et de la Lecture pour instruire les dossiers de demande de financement.
Les décisions relèveront d’un comité de pilotage composé de Gérard Montant au titre de l’ambassade de France, Marietou Diongue Diop, en tant que responsable du plan de développement, Sandrine, la volontaire en tant que gestionnaire du projet. Aucun financement ne pourra se faire sans l’accord de l’ambassade de France.

Lors de notre mission suivante, conformément à sa proposition, nous reprenons rendez-vous avec Gérard Montant. Mais cette fois, première déconvenue, le ton de sympathie de la dernière rencontre a bien changé. La séance sera consacrée à nous expliquer qu’il n’y a pas de budget pour la lecture et qu’il ne peut rien faire. Son budget culture 2003 est réorienté exclusivement vers les écoles privées catholiques pour leur permettre de faire face à l’afflux d’enfants de ressortissants français, qui, en poste à Abidjan, se sont exilés à Dakar pour y fuir le conflit armé qui sévit en Côte d’Ivoire. Il s’agit des personnels des ONG, des organisations internationales, des sociétés privées françaises ou plus généralement occidentales.
Par ailleurs, l‘ambassade de France octroie des bourses de troisième cycle, depuis plusieurs années, et, il vient de s’apercevoir que le cumul des bourses antérieures dépasse maintenant ses capacités de financement.
A part cela, il n’a rien à dire sur nos projets et nous renvoie vers le plan triennal FSP et vers Sandrine, la volontaire française nouvellement recrutée pour en assurer la gestion.

Au sortir de cette réunion, l’espoir né des précédentes entrevues positives retombe. Nous déposerons certes des projets pour bénéficier des financements FSP. Mais notre souhait de voir le réseau des bibliothèques Lire en Afrique intégré à la politique du livre et de la lecture au Sénégal est anéanti. Il nous faut continuer, malgré nous, à fonctionner hors cadre institutionnel, quasi seules à œuvrer pour la promotion de la lecture jeunesse face aux besoins de la population.
Le plan triennal FSP changera-t-il la donne ?

Lire en Afrique s’intègre à la démarche prévue par le plan triennal d’appui à la lecture publique

Nous voici donc plongées dans le règlement du plan triennal dont l’intitulé est "appui à la lecture publique, à la diffusion et à l’édition pour la jeunesse au Sénégal". Il comporte trois composantes :

  1. Réorganisation et redynamisation des réseaux de lecture publique
    Il s’agira d’un appui à la politique nationale de la Direction du Livre et de la Lecture (DLL) récemment créée et ses dix bibliothèques régionales : création d’un réseau d’échanges, formation des responsables locaux, création d’un site Internet qui présentera l’actualité littéraire nationale et informera sur les initiatives publiques ou privées en matière de lecture publique.
  2. Développement des partenariats entre bibliothèques du Nord et du Sud et soutien aux projets innovants
    Création d’une bourse des projets pour soutenir les projets innovants en matière de lecture publique en encourageant les partenariats Nord-Sud en ce domaine.
  3. Soutien à l’émergence d’une édition sénégalaise et à l’édition de livres de jeunesse
    Favoriser la création de collections de livres pour la jeunesse pour différentes classes d’âge et dans différents domaines littéraires pour faire émerger de nouveaux talents grâce à des ateliers d’écriture et d’illustration.
    Favoriser et soutenir l’implantation de lieux de ventes de livres dans les régions.

Comme nous l’a indiqué à l’origine Joël Lebret, c’est dans le volet « projets innovants » que doivent s’insérer nos projets. Mais qu’entend-on par projets innovants ? Nous nous posons cette grande question, sans même deviner que toute l’activité de Lire en Afrique et chaque bibliothèque créée est, en soi, un projet innovant. Nous nous efforçons d’être « innovantes » en proposant nous semble-t-il des projets originaux et transverses.
Pour multiplier la chance d’entrer dans la catégorie de projet innovant, nous rédigeons 4 projets.

Lire en Afrique dépose quatre projets « innovants »

1. Projet de mise à niveau des fonds des bibliothèques Lire en Afrique
Ce projet vise à enrichir les fonds actuels en littérature africaine pour parvenir à composer 10 % du fonds des bibliothèques et à renouveler périodiquement les collections de quelques nouveautés éditoriales avec un budget qui pourrait s’étaler plusieurs années.

2. Projet de mise en place d’une équipe locale pour réaliser le suivi des bibliothèques Lire en Afrique
Le réseau de bibliothèques Lire en Afrique se compose alors de 11 bibliothèques et de 4 projets en phase de réalisation. 10 nouvelles demandes sont en cours d’étude. Le suivi est assuré par les deux bénévoles françaises de Lire en Afrique, lors de missions de courte durée, puisque, salariées du secteur privé en France, elles ne disposent que de leurs congés annuels pour assurer ces tâches.

3. Projet de création de fonds dédiés à des publics ciblés
Sur le constat que les bibliothèques sont fréquentées à 90 % par les élèves et étudiants qui y viennent essentiellement pour leurs besoins strictement scolaires, diversifier les usages de la bibliothèque et les publics nous semble important sans négliger toutefois de répondre à ces besoins immédiats et indispensables, liés à la scolarité.
Notre expérience de terrain nous a amené à détecter trois catégories de public ,quasiment absents des bibliothèques, à cibler :

  • Les enseignants exerçants ou habitants les localités où sont implantées nos bibliothèques les fréquentent très peu. Selon les statistiques annuelles fournies par les bibliothécaires, ils représentent à peine 1 % du lectorat. Or les enseignants sont potentiellement des prescripteurs de lecture, il est donc indispensable qu’ils fréquentent eux-mêmes la bibliothèque à a fois comme loisir et comme ressource pédagogique.
  • Nous avons rencontré beaucoup de femmes qui ont été scolarisées en primaire et en secondaire, voire ont fait des études supérieures et adorent la lecture. Elles lisent mais ne fréquentent pas la bibliothèque malgré nos invitations répétées. Nous avons fini par comprendre qu’elles considèrent que ce lieu appartient à un autre monde que le leur, celui des jeunes scolarisés, des « intellectuels » et ne s’autorisent pas à le fréquenter. De nouvelles stratégies sont donc à inventer et déployer pour les toucher et les inciter à fréquenter les bibliothèques pour leur loisir et leur culture.
  • Les artisans ont souvent reçu une formation sur le tas et transmettent leurs savoir-faire à un nombre très important de jeunes apprentis. Il serait possible de compléter cette formation pratique, par une documentation technique accessible dans les bibliothèques.

La recette pour attirer les lecteurs du monde scolaire est simple, il faut avant tout répondre à leurs besoins immédiats grâce à des collections dédiées qui serviront de produit d’appel puis fonctionneront comme passerelle pour accéder à l’ensemble du fonds des bibliothèques, une fois ce premier besoin satisfait.

Nous avons expérimenté cette démarche avec les élèves. Ils trouvent dans les bibliothèques Lire en Afrique un rayon que l’on ne rencontre jamais dans les bibliothèques de lecture publique en France : une sélection de manuels scolaires, des usuels et des ouvrages parascolaires ainsi que les romans du programme des collèges et lycées, en nombre. Et ça marche ! Les élèves passent progressivement de la lecture utile à la lecture loisir avec les bandes dessinées, les albums, les séries, les romans sentimentaux, les documentaires scientifiques plutôt consultés sur place, etc.

Aussi pour attirer d’autres types de publics, envisageons-nous de mettre en place des fonds dédiés à chacune des populations ciblées, à les accueillir en bibliothèque lors de permanences spécialisées afin de remédier à l’image « intellectuelle » ou « scolaire » trop souvent appliquée aux bibliothèques.

Le projet démarrerait avec une opération pilote menée dans une ou deux bibliothèques volontaires. Elles accueilleraient et géreraient ces fonds dédiés et organiseraient des permanences supplémentaires tenues de préférence par des bibliothécaires bénévoles issus des milieux ciblés – enseignants, femmes, apprentis, avec des animations spécifiques pour créer un lieu de rencontre autour du livre.
Trois sites pilotes sont d’ores et déjà pressentis : Bargny, Matam et Ouakam. Les bibliothèques de ces localités sont installées dans des locaux proches de centres de formation féminins, cibles de deux de ces projets.

Le contenu de ces collections à bâtir « sur mesure » sera défini à partir d’enquêtes de terrain permettant de bien cerner les attentes et les besoins en matière de lecture de ces publics.

A titre d’exemples, tirés des entretiens préparatoires menés dans la perspective de ces projets avec les bibliothécaires en place :

  • Fonds enseignants : ouvrages de pédagogie générale et de supports d’aide à la préparation des cours et des concours.
  • Fonds femmes  : ouvrages généraux sur les questions de santé, beauté, éducation, recettes de cuisine, bricolage etc ainsi qu’un éventail de romans réclamés par cette population : les romans sentimentaux.
  • Fonds artisans : ouvrages didactiques de formation professionnelle ou de perfectionnement, en fonction de la présence sur le territoire de la bibliothèque d’artisans ou d’écoles de formations.

La généralisation de la phase pilote à l’ensemble du réseau interviendrait après évaluation et partage des résultats de cette évaluation avec les bibliothécaires.

4. Projet de Kits thématiques
La formation des bibliothécaires, assurée par Lire en Afrique, insiste énormément sur la gestion, le pilotage et la conquête des publics. Les compétences de gestion sont maintenant acquises par les bibliothécaires en place et la fréquentation des bibliothèques est correcte. Des activités périphériques sont venues se greffer à l’activité centrale de prêt : aide aux devoirs, clubs spécialisés (informatique, internet, anglais, littérature, etc.) et se généralisent, sans que les bibliothécaires bénévoles n’expriment de difficulté particulière à les assumer.

Toutefois, les bibliothécaires bénévoles appartiennent au monde scolaire (élèves, étudiants, enseignants). Ils n’ont qu’une connaissance très limitée des livres, peu de culture littéraire et pas d’expérience dans le domaine de l’animation en bibliothèque. Le conseil aux lecteurs est abordé sous l’angle utilitaire et l’animation essentiellement reliée aux examens, à la religion ou aux fléaux sociaux (sida, drogue, etc.). Mettre en valeur leur fonds et en promouvoir l’usage, sont des démarches qui leurs sont encore étrangères. Un nouvel objectif se dessine clairement au vu de ces constats : développer l’animation en bibliothèque.

Comment en développer la pratique dans le réseau des bibliothèques Lire en Afrique. ?
La stratégie à suivre, pour être efficace, implique un accompagnement important des bibliothécaires, un mode opératoire détaillé et des outils prêts à l’emploi : l’animation portera sur une œuvre, un auteur ou bien un thème au travers d’ouvrages qui lui sont consacrés, littérature, documentaire, fiction jeunesse etc. Elle aura pour support pratique des kits thématiques, kits prêts à l’emploi comportant une sélection de livres sur lesquels s’appuyer, les outils de communication pour annoncer la séance, des exemples de déroulé type, un dispositif de gestion adapté, etc.
L’objectif principal est de mettre les ouvrages en valeur et en promouvoir l’utilisation.
Pour ce faire, il faudra :
Accompagner les bibliothécaires dans l’animation et la valorisation du fonds.
Faire découvrir des ouvrages sélectionnés tant aux bibliothécaires qu’aux lecteurs.
Promouvoir la pratique de l’animation en l’encadrant pendant une période assez longue.

Ce qui suppose de :

  • Former les bibliothécaires à la mise en valeur des collections et aux techniques d’animation.
  • Préparer des kits prêts à l’emploi contenant les ouvrages et l’ensemble des supports d’animation,
  • Organiser la formation des diffuseurs de l’animation par une mise en mains des supports et en particulier des kits (une séance de formation centralisée à Dakar pour l’ensemble des bibliothécaires à raison de 2 bibliothécaires par bibliothèque.
  • Planifier la diffusion des animations selon un calendrier annuel
  • Organiser l’évaluation de l’action et en partager les résultats afin de progresser tous ensemble dans ce nouveau domaine à acquérir

Chaque Kit se composera de :

  • 5 à 10 livres autour du thème choisi
  • Cassettes vidéo pour lancer le sujet auprès des lecteurs dans des réunions publiques
  • Supports de communication permettant de populariser l’événement localement
  • Supports de présentation des ouvrages composant le kit.
  • Supports de mise en œuvre de l’animation (le livret de l’animateur du thème)
  • Des registres de prêts et lecture sur place spécifiques pour les ouvrages proposés afin d’en mesurer l’impact.
  • Une grille d’évaluation de l’action

Chaque année, 4 kits seront proposés sur les domaines suivants, par exemple

A la découverte d’un écrivain africain Histoire, sociologie de l’Afrique Actualité scientifique Actualité mondiale

Par souci d’économie, les kits seront constitués en nombre restreint, soit environ 5 kits par thème, ils tourneront dans les bibliothèques du réseau.

L’évaluation de la mise en place des kits thématiques s’effectuera à partir de :

Données statistiques de consultation des ouvrages Retour d’expérience des animateurs Questionnaires d’évaluation confiés aux lecteurs Enquêtes qualitatives menées sur le terrain par Lire en Afrique

La capitalisation et la communication autour de l’expérience seraient réalisées au travers du site internet du réseau Lire en Afrique.

Les projets soumis par Lire en Afrique au FSP sont initialement accueillis dans une parfaite incompréhension

Les quatre projets sont déposés en novembre 2002. Pour en discuter nous prenons rendez-vous avec l’équipe du plan triennal « relance de la lecture » à Dakar lors de notre mission suivante début 2003.

Bien qu’ayant pris rendez-vous, à notre arrivée, la secrétaire nous informe que Marietou Diongue Diop est partie en Égypte pour le salon du livre et qu’elle ne rentrera que le jour de notre départ. Nous demandons à rencontrer Sandrine, la volontaire recrutée en octobre 2002 par l’Ambassade de France et mise à la disposition de la DLL pour administrer le projet Elle est absente mais son assistante est là et nous reçoit : N’Deye Coumba Diop, ancienne élève de l’EBAD.

Cette dernière nous informe que le projet FSP n’a pas encore démarré mais devrait être lancé vers avril, le temps de tout mettre en place : ordinateur, internet, véhicule, communication. Les fonds ont été débloqués le 27 Janvier. Vacataire, elle est affectée au projet avec Sandrine qui en assure la supervision, forte d’une expérience analogue de 2 ans au Togo Bénin, sur le même thème.
A la lecture de notre dossier qui comporte une note d’orientation générale, le descriptif des 4 projets soumis : Kits thématiques, mise à niveau des fonds, collections spécialisés, coordination du réseau elle a été frappée, nous dit-elle par 4 points :

  1. Les bibliothèques Lire en Afrique ne sont pas gérées par des professionnels, donc, sans appel, elles ne peuvent qu’être mal gérées !
  2. Elles ne sont pas ouvertes toute la journée, donc pour elle, ce ne sont pas des bibliothèques !
  3. Les fonds documentaires venant de France, sont à priori inadaptés aux besoins !
  4. On prend trop de temps pour réfléchir : on déclare un laps de temps de 3 ans entre le premier contact et l’ouverture de la bibliothèque, c’est trop long pour étudier les dossiers ! (N.B. ce délai représente le temps nécessaire à composer une dotation soigneusement sélectionnée et adaptée aux besoins à partir de collectes de qualité, faute de disposer de budget d’achat de livres que seule des subventions permettraient, et localement le temps de passer d’une demande à un projet : trouver les locaux, les réfectionner, faire fabriquer les étagères, trouver une équipe de gestion).

Stupeur ! Elle ne connaît pas nos bibliothèques, n’est jamais allée en visiter une seule, ne dispose d’aucune expérience en matière de mise en place de bibliothèque, n’a jamais travaillé en bibliothèque, et n’a jamais travaillé tout court, puisqu’elle est jeune diplômée de l’EBAD. Son manque d’expérience flagrant ne l’empêche pas d’exprimer un avis péremptoire sur Lire en Afrique.

Nous reprenons point par point, citons de multiples exemples, relevés au cours de nos 12 ans d’actions de terrain, de recherches de solutions aux problèmes rencontrés. Nous expliquons nos choix, toujours en accord avec les acteurs de terrain, afin de s’adapter à leur réalité. Peine perdue ! Sa religion est faite, son jugement bien arrêté.

Seul le projet de kits thématiques a retenu son attention. Elle nous perçoit comme des partenaires, susceptibles de lui procurer des dons de livres. Ce que font d’autres associations tels Culture et Développement ou ADIFLOR. Ces dernières accordent des dons de livres à l’institution de niveau national qui les redistribue. Mais, comme nous le lui précisons, Lire en Afrique ne fait pas de dons, mais participe à des projets portés par les populations qui nous sollicitent, si bien que les livres qui sont acheminés au Sénégal, sont déjà affectés.

Malgré cette douche froide, nous ne nous décourageons pas et prenons rendez-vous avec Sandrine auprès du secrétariat du projet FSP. C’est une jeune femme de 25/30 ans, elle nous fait sentir qu’elle est cheffe de projet, ce qu’elle n’était pas dans son affectation antérieure au Togo. Elle nous demande de lui soumettre des projets alors qu’elle a, devant elle, nos quatre projets déjà déposés depuis deux mois.
Avec patience, nous lui expliquons chacun d’eux en déclinant motivations, objectifs, faisabilité ...
Comme sa collègue, elle reprendrait bien le projet de kits thématiques à son compte, au nom de la Direction du Livre et de la Lecture. Pour elle, nous définissons le contenu, nous listons les livres, elle s’occupe des achats et elle généralise les kits à toutes les bibliothèques, c’est à dire qu’elle distribuerai les livres sélectionnés par nos soins, en négligeant toute la partie accompagnement des bibliothécaires sans laquelle le projet kits thématique est voué à l’échec !
Au sujet des fonds dédiés, elle nous demande d’écrire un projet, alors qu’elle l’a sous les yeux. Nous finirons par comprendre qu’elle veut en fait une liste de titres, c’est tout.
Quant au projet de mise à niveau des fonds, là aussi, elle attend une liste de livres et elle avisera.

En matière de transports d’ouvrages, elle confirme bien que la direction du livre prend en charge le dédouanement et l’acheminement intérieur. Mais elle exige la liste détaillée des livres, parce que, dit-elle, elle ne veut pas financer le transport de la série des « Martine ». Nous refusons cette exigence irréalisable en ce qui nous concerne et qui contredit la proposition de la directrice du livre de nous dispenser de liste nominative par livre.
Avec 10 000 livres prêts à être expédiés, il nous faudrait des jours et des jours de saisie pour en établir la liste détaillée. Nous collectons les livres uniquement dans les bibliothèques municipales et départementales, il s’agit de livres sélectionnés par des professionnels, sur qui nous nous reposons entièrement quant à leur qualité éditoriale. Nous opérons aussi une sélection rigoureuse en fonction des attentes des lecteurs. Nous sommes très attentives à ce qu’ils empruntent et tirons notre connaissance des besoins, à partir des retours des bibliothécaires, de l’exploitation des statistiques de prêt et grâce aux contacts directs engagés avec les lecteurs et lectrices dans les bibliothèques du réseau Lire en Afrique. Les livres collectés sont organisés par nature : documentaires, littérature, usuels, fictions jeunesse, albums … afin d’équilibrer les dotations attribuées aux différentes bibliothèques. Cette explication semble la convaincre.

Elle nous informe qu’elle proposera des places à nos bibliothécaires dans les stages qu’elle va monter au niveau national. Nous faisons part de nos doutes quant au contenu de ces formations, sur la base de l’expérience des bibliothécaires de Sébikotane. Ils ont bénéficié de ce type de stage, et, en stagiaires obéissants, ont cru nécessaire de mettre en place le système de fiches préconisé par le formateur. Pour trouver les fonds afin d’acquérir les fiches, faire fabriquer la boite qui contiendrait ces fiches et rédiger les fiches, ils ont fermé la bibliothèque pendant des mois. Le système de fiches s’est avéré totalement inutile dans une bibliothèque de 3000 ouvrages, fréquentée par des scolaires. Le bibliothécaire de Loul Sessene, quant à lui, a déserté sa bibliothèque considérant que les exigences formulées au cours de ce stage étaient trop irréalisables pour lui. Notre réseau de bibliothèques fonctionne avec une méthode qui tient compte des réalités du terrain : budget de fonctionnement zéro, exigences administratives à minima mais efficaces afin que les bibliothécaires bénévoles consacrent le meilleur de leur temps aux lecteurs. Nous construisons petit à petit des relations avec les bibliothécaires pour les aider a assumer ces tâches bénévolement, nous ne tenons pas à ce que tout ce travail soit anéantis par des formateurs qui ne connaissent que des établissements administrés par du personnel nombreux, formé et rémunéré, gérant des centaines de milliers de livres. Ils n’ont pas su adapter le contenu de leur formation au contexte local : des bibliothèques animées par des bénévoles ou des agents non formés, fonctionnant souvent sous forme de permanences et disposant de 2000 à 10.000 livres maximum.

Elle nous confie une copie de l’étude réalisée par l’ASBAD sur les bibliothèques au Sénégal, exemplaire unique, que nous nous empressons d’aller photocopier sur le champ, il va nous servir pour l’étude que nous sommes en train de réaliser pour le compte de la région Ile de France sur l’existant en matière de bibliothèque à Dakar.

En avril 2003, de façon inespérée une porte semble s’ouvrir pour un appui à Lire en Afrique

Un courrier émanant de la direction du projet, nous laisse penser que nous avons été entendues.

Bonjour mesdames,

Fonds dédiés
Des projets que vous nous avez présentés, celui des fonds dédiés a retenu plus particulièrement notre attention. Il nous a semblé parfaitement pensé. Toutefois pouvez-vous nous préciser de quelle façon vous avez estimé le coût de l’achat des ouvrages car il nous semble sous-évalué. Si le chiffre est exact (18 000 euros soit 5 400 000 FCFA pour 18000 livres) nous pourrons subventionner la totalité de cet achat. Dans le cas contraire, une réévaluation du nombre de titres et d’exemplaires est à envisager. Votre idée d’instaurer des permanences tenues par un bénévole issu du public cible nous paraît essentielle. Notre apport pourrait être le suivant : dotations des ouvrages ; dotations en matériel d’équipement pour les dits-ouvrages ; acheminent des ouvrages au niveau national par la voiture du Projet ; aide à la sélection des ouvrages car nous disposons des outils adéquats (cela induit une diminution des coûts pour la recherche des documents adaptés aux besoins).

Pour constituer les dossiers nous avons besoin pour les trois structures sélectionnées de :
Présentation des trois structures
Définition du public ciblé (un seul par structure) et justification (les raisons pour lesquelles ce public a été sélectionné) pour chaque structure
Amorce d’une stratégie de communication
Déterminer l’origine des ouvrages : si les ouvrages viennent de France au tarif que vous indiquez dans votre dossier, nous pourrons subventionner également une partie de l’acheminement. Si les ouvrages doivent être achetés ici, cela coûtera plus cher mais l’acheminement sera pris en charge par le Projet. En fait cette partie-là n’est pas claire pour nous et nous attendons vos précisions afin de déterminer la hauteur de notre subvention.
Une fois ce dossier constitué, il sera présenté pour accord à Mariétou Diongue Diop et nous déciderons ensemble des modalités de paiement de cette subvention.
N’hésitez pas à nous faire des observations si ces conditions ne vous conviennent pas, nous en discuterons.

Les kits thématiques :
Ce projet nous intéresse également mais il faudrait trouver une stratégie pour intégrer le réseau institutionnel à la diffusion de ces kits. Nous allons donc réfléchir avec la Direction du Livre à une collaboration à trois sur ce dossier (Lire en Afrique, Direction du Livre et de la Lecture, Projet Lecture Publique).

Mise à niveau des fonds :
Nous proposerons aux bibliothèques du réseau Lire en Afrique une dotation d’environ 200 titres par an (3 ans). La première sélection d’ouvrages a été faite à partir des demandes reçues du terrain et se compose essentiellement de : littérature africaine, bandes dessinées et albums enfants, policiers adultes et dernières parutions.

Merci de nous faire parvenir vos observations et les dossiers à l’adresse du Projet Lecture Publique.
Cordialement. -Sandrine LAPRIE FOURREAU -Ndèye Coumba Diop"

En fait, Le projet FSP va se caractériser par beaucoup d’annonces mais peu de réalisations

Lors de notre mission d’octobre 2003, nous constatons un net recul par rapport aux propositions de la lettre du mois d’avril. Sandrine s’y déclarait être intéressées par deux projets sur les quatre déposés : les fonds dédiés à des publics ciblés et les kits thématiques. Elle souhaitait que le FSP s’occupe des listes de livres à acheter pour le projet « Fonds dédiés », Maintenant, elle nous demande de nous en occuper nous-mêmes et ne parle plus des kits thématiques.

En fait de projets innovants, le budget attribué va être utilisé en achat de livres qui seront distribués à certaines bibliothèques au Sénégal sans que les critères d’attribution soient compréhensibles. Comment expliquer l’apport de 1000 livres au CLAC de Pout (25 000 habitants), déjà doté par l’ACCT et 160 ouvrages à Rufisque (150 000 habitants). Pourquoi aussi tant de complications administratives pour doter les bibliothèques du réseau Lire en Afrique alors que ses bibliothèques sont les plus fréquentées du Sénégal.

Notre participation au comité de pilotage a été refusée parce que nous sommes étrangères. Alassane Faye, bibliothécaire et responsable de la BOSY à Yoff en fait partie. Mais hélas, nous ne pouvons compter sur lui pour défendre le réseau LEA qu’il ne connaît pas et qu’il combat avec acharnement, puisqu’à Yoff même, il mène une bagarre de tous les instants contre la deuxième bibliothèque jeunesse réalisée en 1995 par Lire en Afrique à l’école 2, allant jusqu’à interdire aux autres bibliothécaires de son équipe d’appuyer cette bibliothèque. Il ne peut représenter que sa bibliothèque, la BOSY. En fait, il ne sera invité qu’à une seule réunion, la première, ce comité de pilotage n’ayant apparemment jamais vraiment fonctionné.

Un seul apport du FSP dans cette période au réseau Lire en Afrique : L’accord pour le financement de l’acheminement d’un conteneur de 30 000 livres par la marine marchande depuis Paris jusqu’à destination au Sénégal. Toutes les démarches sont à notre charge, mais le financement est assuré par la DLL sur le budget qui lui alloué par le FSP et qui est géré par l’Alliance Française. La société Transène que nous avons choisie pour effectuer les opérations de transit et transport à destination a établi un devis de 900 000 FCFA que nous remettons à l’alliance française à charge pour elle de se rapprocher de cette société pour en régler le montant directement.

Revirement inattendu, la prolongation du projet jusqu’en en 2006 va ré-ouvrir des possibilités au réseau Lire en Afrique

Le projet FSP s’est visiblement enlisé. Il était à échéance juin 2005, mais il est prolongé d’un an, le budget du projet n’ayant pas été intégralement consommé. Ghislaine, a remplacé Sandrine pour y mettre un point final en une année. Elle nous propose de formuler des demandes à condition que les achats de livres soient réalisés chez les libraires au Sénégal. Elle accepterait également une demande de financement pour l’acheminement d’un conteneur de livres de France au Sénégal. Elle offre aussi 4 places pour les stages de formation à la gestion des bibliothèques qu’elle organise à Kaolack et à Saint Louis. Pour Saint Louis elle propose d’y convier les bibliothécaires Lire en Afrique de N’dande, Dagana et Thilmakha. Pour Kaolack, ceux de Dioffior et Loul Sessene.
La diffusion de ces stages est confiée à la BLD. Nous tentons d’en discuter le contenu. Nous savons en effet que ces formations sont des copies, non adaptées aux réalités locales, de stages conçus pour les pays occidentaux où les bibliothèques disposent de budgets et fonctionnent de façon autonomes, ce qui n’est pas le cas du Sénégal. Ces formations traitent de missions qu’aucun bibliothécaire au Sénégal n’aura jamais à accomplir, telles que gérer les commandes de livres et se familiariser avec les outils nécessaires à la commande. Elles consacrent beaucoup de temps à l’apprentissage de la cotation Dewey alors que les collections des bibliothèques se composent d’à peine quelques milliers de livres dont très peu de documentaires. Après discussion, Ghislaine accepte de retirer de ces stages 2 sujets : la reliure et la gestion informatisée, faute de matériel spécifique dans les bibliothèques pour ces deux activités.

Elle attribue des dotations à quelques dizaines aux bibliothèques LEA, à nous de désigner les bénéficiaires.
Pour les équipements en étagères tables et chaises, elle les a commandés pour N’dande et Meckhé, ils vont recevoir leur mobilier courant Juin. Pour les deux autres, elle est d’accord pour les équiper également. Sous réserve de son accord préalable au vu de devis à lui soumettre, LEA avancera l’argent, fera réaliser les travaux et le FSP remboursera sur la base d’une facture LEA, libellée à l’ordre de l’Ambassade de France-projet lecture publique, accompagnée des factures des artisans acquittées et de l’attestation de réception des équipements de la part des bénéficiaires.

Nous avions ciblé les bibliothèques de Dioffior et Niaga, mais ces villages disposent déjà d’équipements, nous désignons finalement Mlomp et Kagnobon. Abdelkader Diatta, interlocuteur pour ces deux dernières bibliothèques, a fait établir les devis par des menuisiers de Bignona. De retour à Dakar, Il les présentera à Ghislaine qui donnera son accord pour 800 000 FCFA tout compris. Nous ferons tenir le transport et le mobilier dans cette enveloppe.

Conclusions

Commencé en 2001, le projet FSP s’est finalement terminé en 2006. Pendant ce laps de temps, plusieurs attachés culturels se sont succédés à l’ambassade de France, plusieurs directeurs du livre également et plusieurs gestionnaires de projet.
Après avoir tergiversé surtout pendant la première période, les fonds ont été dépensés au forcing pendant la seconde période : achat de livres au Sénégal où le choix et les quantités par titres sont extrêmement limités, et mobilier distribué largement.

Dans le même temps, le réseau Lire en Afrique, par ses propres moyens, passait de 8 bibliothèques fin 2000 à 24 fin 2006 avec la création en 2001 de Matam, Dagana et N’dande, en 2004 de Dioffior CEM, Loul Sessene, Meckhé, Tivaouane, Yoff Extension, en 2005 de Pikine, Mlomp, Kagnobon, Dioffior foyer, Loul Sessene école élémentaire, Niaga, Fimela et en 2006 de Joal, Point E, N’gor et Thiaroye gare. Si l’on ajoute les structures aidées pendant cette période comme les lycées de Pout et M’backé, les collèges de Sébikotane et Yoff, Ce sont 80 000 livres que Lire en Afrique a mis en service pour alimenter tous ces nouveaux projets.

Le point positif c’est que, pour la première fois, Lire en Afrique a été pris en compte, certes pas à la hauteur de ses espérances, mais certaines bibliothèques du réseau ont reçu des équipements et des lots de livres, ce qui atteste d’une certaine reconnaissance.

Toutefois, les projets innovants présentés par Lire en Afrique, s’ils ont suscité un grand intérêt, n’ont jamais été financés. Finalement Lire en Afrique les réalisera elle-même, sur ses propres ressources.

Concrètement Lire en Afrique, par le biais du projet FSP a bénéficié des appuis suivants :

  • Une subvention de 6154 Euros pour l’achat, dans les librairies du Sénégal, de 98 titres soit au total 1960 livres à répartir sur 20 bibliothèques
  • 9 bibliothécaires ont participé aux stages organisés par la DLL, animés par BLD
    Stage de Dakar pour Meckhé, Thiaroye Kao, Bargny
    Stage de Saint Louis pour Dagana, N’dande, Thilmakha
    Stage de Kaolack pour Loul Sessene, Foyer de Dioffior, CEM de Dioffior
    Même si le contenu différait de la méthode préconisée par Lire en Afrique, ce stage aura permis aux bibliothécaires, choisis par le FSP, de côtoyer d’autres professionnels. Pour les questions techniques, nous sommes passées ensuite pour leur dire que les fiches et la réécriture du registre d’inventaire n‘étaient pas nécessaires, afin d’éviter des blocages dans le fonctionnement au quotidien.
  • Octroi, aux 9 bibliothèques bénéficiant du stage, de la dotation standard de 70 ouvrages
  • Mobilier neuf pour 5 bibliothèques : 6 étagères + 4 tables adultes + 16 chaises + 1 table enfant + 4 chaises + 1 bac à BD + 1 présentoir rayonnages.
  • Obtention de la prise en charge matérielle et financière de la sortie des livres du port et des livraisons à destination et paiement du transport de 2 conteneurs.
  • Des retombées médiatiques autour de la présentation des kits thématiques, réalisés par Lire en Afrique lors d’une cérémonie officielle organisée par l’Ambassade de France avec ADIFLOR :
  • Un communiqué de presse ambassade de France (vu par Brigitte Field) repris dans toute la presse (dossier ADIFLOR)
  • La Retransmission de l’opération à la radio nationale (Lamine Thiam a reconnu Éliane)
  • Rencontre et embryon d’une collaboration avec l’équipe « qualité de l’enseignement du et en français" au ministère de l’éducation nationale sénégalaise.

Mais ces apports ponctuels ont déçus les attentes de Lire en Afrique qui souhaitait voire son réseau inséré dans une politique dynamique en faveur de la lecture au Sénégal et intégré dans un réseau national plus large. Faute de quoi, son équipe bénévole a du compter sur ses propres forces pour encadrer, former, animer, faire vivre et rayonner dans leur milieu les bibliothèques qu’elle a contribué à créer.

À posteriori, en visitant les bibliothèques qui ont bénéficié, pour certaines largement, du FSP, comme par exemple la bibliothèque Gary Powel dans une école à Dakar, l’impact du FSP est peu visible, les pratiques n’ont pas évolué, les livres neufs ne sont pas mis en avant, seuls les étagères colorées donnent parfois un aspect plus pimpant à des espaces jusque là sombres et poussiéreux.

À cela deux explications possibles :

  1. Les gestionnaires du projet ont privilégié des actions ponctuelles : achats de livres, dons de livres, subventions directes, équipements, formations, mais ont négligé la conduite du changement, l’accompagnement des bibliothécaires, le suivi, les campagnes de promotion de la lecture auprès du public, tous les aspects qui auraient conduits à une amélioration durable des pratiques des bibliothèques et en aurait amélioré la fréquentation en attirant les lecteurs et lectrices potentiels.
  2. Une grande partie des fonds de ce FSP ont été dédiés à la filière livre (édition, librairie, ...) et non aux bibliothèques. L’état sénégalais a, à partir de 2009 pérennisé ce volet, limitant alors sa politique en matière de lecture publique à l’édition et à la promotion des écrivains sénégalais avec un budget annuel de 600 millions de FCFA (923 000 Euros). En 2016, Ibrahima Lo, récemment nommé directeur du livre et de la lecture (DLL) en tirait une conclusion amère stipulant qu’il fallait dorénavant se préoccuper "des livres lus et non des livres écrits". Les nombreuses maisons d’éditions, largement subventionnées, se sont multipliées mais n’ont pas su adapter leur production aux besoins de la jeunesse, le lectorat le plus important au Sénégal.

Epilogue : L’épopée du stage "animation jeunesse" organisé par le projet FSP.

En 2005, La DLL, dans le cadre du projet FSP, organise un stage d’une semaine, à Dakar, sur l’animation jeunesse. Nous demandons si des bibliothécaires du réseau Lire en Afrique y seront conviés. La réponse est non, ce stage est réservé aux bibliothèques institutionnelles : les bibliothèques régionales gérées en direct par la DLL et les 16 Clacs de l’ACCT.

Puisque les bibliothécaires de Lire en Afrique ne pourront pas participer à ce stage, Éliane demande à la DLL, si elle peut assister à ce stage, en auditrice libre, pour pouvoir ensuite encadrer les bibliothécaires du réseau Lire en Afrique, elle-même. Elle est maintenant à la retraite et a participé à plusieurs stages de formation, organisés, à Paris, par l’association « La joie par les livres », spécialiste de la lecture jeunesse. Ce stage d’animation jeunesse en bibliothèques au Sénégal, l’intéresse particulièrement. La direction du livre répond que c’est à l’animatrice de décider. Il s’agit de Viviana Quinones de « La joie par les livres »s. Éliane la sollicite donc et s’entend répondre que c’est au financeur de décider, même si Éliane ne coutera rien au projet puisqu’elle s’est engagée à ne pas demander de prise en charge financière, elle prendra elle-même en charge son transport et son hébergement.

Elle s’adresse donc à Jean Michel Guillon au ministère de la coopération à Paris, qui la reçoit. C’est lui qui a remis sur pied le réseau de bibliothèques du Togo, il comprend bien la situation, mais considère que c’est à l’organisateur, la DLL de Dakar, de décider. Plutôt que de recommencer un tour de demandes d’autorisation, Éliane décide de se rendre au stage. Elle en connaît le calendrier et le lieu, elle se présente donc à la bibliothèque Blaise Senghor. Elle est accueillie par N’deye Coumba Diop, qui supervise l’organisation du stage. Elle participera en qualité d’auditrice libre et rencontrera les bibliothécaires du réseau institutionnels et des CLAC auxquels est venu s’ajouter le futur bibliothécaire de Kebemer (ville d’origine du président de la république d’alors) où un projet de bibliothèque est prévu.

En fait il y a deux animatrices, toutes deux de l’association « La joie par les livres ». Elles sont hébergées à l’hôtel Diarama de N’gor tandis qu’Éliane loge chez l’habitant, la famille N’diaye à Ouakam. Les animatrices lui demandent de les accompagner au restaurant le soir, elles hésitent à y aller seules. Éliane sera également sollicitée pour les accompagner à la messe du dimanche, c’est ainsi qu’elle pourra visiter l’église Saint Paul de Dakar, à l’architecture contemporaine.

Le stage offrait un côté très pratique comprenant différents types d’animation avec les enfants des écoles voisines. Comme nous le constaterons lors de stage similaire, les bibliothécaires ne rencontrent pas de difficultés particulières à s’impliquer dans les séances d’animation dans le contexte d’un stage. Le problème c’est qu’ils ne mettent pas à profit ces compétences dans l’exercice habituel de leurs missions.

Éliane a du faire face à l’animosité des coordinateurs des CLAC, qu’elle ne connaît pas, qui ne la connaissent pas, sauf par le oui dire. Ils l’ont agressée verbalement, a plusieurs reprises, au cours du stage avec des accusations du type « vos bibliothèques ne sont pas des bibliothèques » ou « vos bibliothécaires ne sont pas des bibliothécaires » chaque fois qu’elle les croisera. Ils ne cherchent pas la discussion, ne cherchent pas à s’informer, juste à dénigrer.