Les livres

dimanche 27 février 2022
par  LEA
popularité : 26%

L’investissement le plus lourd dans une bibliothèque n’est pas la construction, contrairement à ce que beaucoup pensent, mais la constitution des collections. Et sans livre, pas de bibliothèque ! Aussi une bonne partie de l’énergie et des ressources de l’équipe de Lire en Afrique a-t-elle été consacrée à se procurer des livres.
Par collecte d’abord, mais au prix d’une sélection draconienne pour ne retenir que les ouvrages de bonne qualité et utiles au lectorat sénégalais. Puis lorsque nous avons disposé de financements externes, par acquisition à prix très réduit auprès d’associations spécialisées dans la redistribution des fins de série des éditeurs : Biblionef et ADIFLOR. Enfin, Lire en Afrique, a pu conclure des achats à très bas prix en direct avec des éditeurs puisque ses commandes excédaient toujours 20 exemplaires par titre et souvent 50 exemplaires.

Sommaire

TROUVER DES LIVRES SANS BOURSE DÉLIER
Au tout début, nous avons collecté des livres jeunesse dans notre entourage, puis une première opportunité s’est présentée : des milliers de livres de qualité en provenance des bibliothèques du Comité d’établissement du Crédit lyonnais.
Les collectes auprès des particuliers se révèlent peu concluantes, la qualité n’y est pas, souvent ce sont des livres de poche et surtout leur non adéquation au lectorat sénégalais, le plus souvent ce sont des romans adultes qui n’intéressent personne.
Une nouvelle opportunité nous est offerte : l’accès aux milliers de livres « désherbés » des bibliothèques départementales de Melun et Pontoise. Ce sont des collectes annuelles qui se comptent par milliers de livres. Finalement ce sont les livres collectés dans les bibliothèques qui offrent la meilleure réponse : ouvrages sélectionnés par des professionnel, cotés, consolidés, plastifiés puis sélection drastique opérée par Lire en Afrique .
La médiathèque municipale de Massy Palaiseau nous fait bénéficier de ses désherbages réguliers en livres jeunesse.
La bibliothèque municipale de Bobigny nous accorde son soutient régulier, ainsi que d’autres bibliothèques pour des dons ponctuels.
Le service Achat des magasins Leclerc nous offre un accès à des livres neufs et variés, tandis que les Editions Harlequin nous offrent chaque année des milliers de romans sentimentaux.

Comment gérer les collectes, organiser les collections et prévoir les distributions ?

ACHETER DES LIVRES NEUFS
Achat de livres neufs, oui mais de façon éclairée et sélective
Dés le début de notre activité, nous avons été confrontées à une demande très particulière "Les œuvres au programme", un produit d’appel incontournable, à laquelle nous nous sommes toujours efforcée de répondre, malgré une demande exponentielle.
La question qui s’est posée : acheter en librairie ou directement chez les éditeurs, une option vite tranchée puisque nous achetions les livres en de nombreux exemplaires, les achats chez les éditeurs s’imposaient.
Autre stratégie, les achats de livres aux associations françaises spécialisées
ACHETER DES LIVRES EN FRANCE OU AU SENEGAL ?
L’achat direct aux éditeurs, la solution la plus économique pour Lire en Afrique
Cependant, par deux fois, nous avons dû nous adresser aux librairies de Dakar
La position de Lire en Afrique face à la charte du don de livres et à l’action des Éditeurs Indépendants
La composition des collections des bibliothèques Lire en Afrique
CONCLUSION

TROUVER DES LIVRES SANS BOURSE DÉLIER

  • Au tout début, des livres jeunesse collectés dans notre entourage

Dès le début de notre action en faveur de la lecture, la question qui s’est posée avec insistance fût : comment trouver des livres.

Pour la réalisation de la première bibliothèque en 1990, le problème que nous avions à résoudre était d’être capables de répondre positivement à la demande reçue d’un instituteur Mabigue M’bengue qui enseignait dans l’école 3 de Yoff. Car, nous disait-il, quand les élèves ont accès à une bibliothèque, ils progressent plus rapidement dans l’apprentissage du français, langue d’enseignement au Sénégal. C’est ce qu’il avait expérimenté à Matam où ses élèves avaient accès à une bibliothèque. Affecté à Yoff, il déplorait les difficultés de ses élèves et le taux très élevé d’échec à l’entrée en sixième. Il nous fallait donc trouver des livres pour les tranches d’âge de 8 à 12 ans pour équiper d"une bibliothèque, l’école où il enseignait.

Nous avons collecté autour de nous et donné nos propres livres pour arriver à réunir 600 livres jeunesse : des collections traditionnelles telles que bibliothèque rose, verte, rouge et or, des albums, des BD jeunesse.

Nous avons expédié les 600 livres collectés, en complément de nos bagages, lors de notre séjour de 1990. La première bibliothèque a ainsi été installée à l’école Yoff 3, inaugurée avec une opération portes ouvertes pour les élèves et les enseignants.

A cette période, nous ne connaissions pas la société sénégalaise, nous n’avions passé qu’une dizaine de jours dans une famille où vivaient plusieurs enfants de différentes tranches d’âge et discuté avec beaucoup de jeunes dans le village, mais notre connaissance restait superficielle.

La question de l’adaptation des livres au lectorat s’est rapidement posée, quand nous avons pu constater par nous-mêmes, le niveau de connaissance du français, les habitudes de lecture, les pratiques pédagogiques des maîtres, etc.

  • Une première opportunité : des milliers de livres de qualité en provenance des bibliothèques du Comité d’établissement du Crédit lyonnais.

Il nous faut faire ici une petite parenthèse concernant les collectes de livres dans les bibliothèques en France.

Fin des années 70, début des années 80, le comité d’établissement du Crédit lyonnais, met en place des bibliothèques destinées à ses salariés de ses grands centres administratifs, situés à Paris. In fine, 7 bibliothèques sont créées : une bibliothèque centrale dans le quartier d’Opéra avec 40 000 livres et des bibliothèques annexes, équipées de 10 000 à 20 000 livres chacune, dans les centres administratifs de République, La Défense, Levallois-Perret, Friedland, Bercy, ainsi qu’une bibliothèque destinée aux salariés des agences équipée d’un bibliobus qui se déplace de quartier en quartier.

Éliane, salariée au Crédit lyonnais et membre du comité d’établissement, fait partie du comité de gestion de ces bibliothèques. A partir des années 90, des restructurations de services aboutissent à la fermeture progressive des différents centres administratifs et les bibliothèques disparaissent les unes après les autres. Les collections des bibliothèques fermées sont dispatchées vers les autres bibliothèques, toujours en fonctionnement ou vers les centres de vacances du comité central d’entreprise, mais des milliers de livres restent sans affectation. Éliane y voit immédiatement une opportunité pour Lire en Afrique. Elle prend en charge toutes les démarches pour obtenir qu’une partie de ces livres soient attribuée, par son entremise, à Lire en Afrique, afin d’alimenter les bibliothèques au Sénégal. Un accord est trouvé avec le comité d’entreprise qui non seulement lui donne accès au désherbage mais lui attribue une dotation annuelle de livres à choisir chez les éditeurs.

Quels livres récupérer ? Bien entendu des livres en bon état de conservation mais la question posée concerne le contenu. Lire en Afrique récupère tous les livres jeunesse sans exception, la littérature classique française, les usuels, les documents de culture générale, les ouvrages de vulgarisation scientifique, les BD sélectionnées par la spécialiste de la bibliothèque afin que le contenu ne choque pas le lectorat sénégalais.

L’avantage de ces livres collectés au Crédit lyonnais est multiple : sélectionnés avec soin par des bibliothécaires chevronnées, la qualité est au rendez-vous. Reliés par un professionnel, ils étaient parfaitement consolidés, plastifiés et cotés dans le respect du système de cotation Dewey, partagé par toutes les bibliothèques du monde. Une fois arrivés au Sénégal, il ne restait qu’à les mettre en rayon dans les bibliothèques.

Éliane, en tant qu’utilisatrice de ces bibliothèques, entretenait le contact avec les bibliothécaires en les sensibilisant à l’action de Lire en Afrique. Prévenues suffisamment tôt, nous pouvions opérer la sélection sur place alors que les livres étaient encore sur les rayonnages ce qui facilitait grandement le travail de tri, d’autant que les bibliothécaires avaient déjà effectué une première sélection en identifiant les livres qu’elles nous recommandaient. Il nous restait à apporter des cartons vides pour les remplir et des palettes pour les charger sur un camion loué en vue de leur expédition vers le Sénégal.

Nous pouvons dire que les fonds de démarrage des bibliothèques de Yoff, Ouakam, Sébikotane, Bargny, Keur Massar, Dagana, Matam, N’dande ont été constitués essentiellement de livres en provenance des bibliothèques du comité d’établissement du Crédit lyonnais

Cette collaboration à beaucoup joué, dans les premières années, pour le développement de notre action. Au total, ce sont 20 000 livres qui ont été recueillis dans les bibliothèques du Comité d’établissement du Crédit lyonnais à Paris pour être expédiés au Sénégal.

  • Des collectes auprès des particuliers qui se révèlent peu concluantes

La bibliothèque centrale du Crédit Lyonnais, a lancé, en 1993, une action en direction de ses lecteurs, pour faire connaître son partenariat avec Lire en Afrique. Une action culturelle spécifique avec une exposition, l’acquisition d’ouvrages d’auteurs africains et de documentaires sur l’Afrique et un appel aux dons en livres, auprès des lecteurs, en faveur de Lire en Afrique.

Ce sont les bibliothécaires qui ont réceptionné et trié ces dons pour n’en conserver qu’à peine 10 %. En fait, les donateurs se débarrassent de ce qui les encombre, mais la qualité n’est pas au rendez-vous.

Dès que l’action de Lire en Afrique a été connue en France, elle a attiré la sympathie. Des collègues, amis, parents ou connaissances n’ont pas manqué de nous proposer spontanément les livres dont ils souhaitaient se séparer. Marie Josèphe, habitant un immeuble avec un espace accessible en rez-de-chaussée, nous leur demandions d’y déposer leurs dons. Et le week-end, nous procédions régulièrement au tri et au conditionnement de ces dons. Là encore, les donateurs n’ayant aucune idée de ce qui peut convenir, se débarrassaient de leur surplus, à l’occasion d’un déménagement ou d’une succession ou tout simplement pour faire de la place dans leur bibliothèque personnelle. Pour la plupart, il s’agissait de livres de poche fatigués où d’ouvrages dont le sujet ne pouvaient pas intéresser les jeunes lecteurs de nos bibliothèques au Sénégal. En fait de tri, nous passions nos journées à alimenter le bac municipal de recyclage, situé dans la rue, avec tous ces livres mis au rebut.

Nous avons rapidement cessé d’accepter les livres offerts par les particuliers pour rechercher des livres de qualité, auprès des bibliothèques, en sélectionnant les ouvrages adaptés aux pratiques de lecture au Sénégal.

Ce souci n’est malheureusement pas partagé par toutes les organisations qui œuvrent dans l’appui aux bibliothèques. Dans le cadre de notre partenariat avec l’association ADIFLOR, sa directrice avait sollicité Éliane pour participer aux journées de tri des dons de livres, stockés provisoirement dans une grande maison située à Gennevilliers (banlieue parisienne). Ces livres venaient d’éditeurs, de bibliothèques spécialisées, d’établissements scolaires pour les manuels, mais aussi de particuliers. Lors de ces séances, ADIFLOR, faute de connaître les besoins des destinataires, retenait tous les livres en bon état quel qu’en soit le sujet et les expédiait dans le monde entier, le plus souvent aux ambassades de France à l’étranger, aux alliances françaises et aux lycées français.
Eliane a pu ainsi constater la différence d’attitude entre travailler pour un public cible connu et faire des dons de livres sans avoir la moindre idée de ce qu’en fera le destinataire.

  • Une nouvelle opportunité : l’accès aux milliers de livres « désherbés » des bibliothèques départementales de Melun et Pontoise.

C’est au cours d’un séminaire sur « le don de livres », organisée par l’association grenobloise « Culture et Développement » que nous avons rencontré deux bibliothécaires en poste à la bibliothèque départementale de Melun. Le séminaire rassemblait des structures potentiellement donatrices et des organisations potentiellement demanderesses de ces livres. Culture et Développement nous avait invitées à venir présenter nos activités pour illustrer la question du don de livres et des besoins au Sénégal.

C’est la première fois que nous allions rencontrer des professionnels de la lecture. Fortes de notre expérience professionnelle dans le secteur de la finance, nous avons préparé notre intervention dans un diaporama Powerpoint, illustrant nos activités. Notre présentation était programmée juste avant la pause repas. A l’issue de notre intervention, deux participantes nous ont sollicitées pour nous accompagner lors du déjeuner. Très intéressées, elles nous ont assaillies de questions sur les bibliothèques du Sénégal et nous ont invitées à leur rendre visite à la bibliothèque départementale de Melun. Cette bibliothèque, comme toutes les bibliothèques départementales, ne reçoit pas de public mais fait office de banque des livres pour la centaine de bibliothèques du département et gère 4 bibliobus qui sillonnent les villages de la Seine et Marne. Elle détient des milliers de livres en magasin, auxquels s’ajoutent les collections en dépôt dans la centaine de points de lecture fixes des villes et villages de moins de 10 000 habitants de son secteur d’intervention. Elle compte 26 bibliothécaires. La directrice, lors de notre visite, nous informe qu’elle a beaucoup de livres à donner, des milliers chaque année. En fonction du budget alloué par le département, elle acquiert des nouveautés et renouvelle une partie de ses fonds documentaires. Leur désherbage annuel (retrait des rayonnages et du catalogue) accumule des milliers de livres dont elles ne savent que faire et qui sont détruits périodiquement. Nous nous portons volontaires pour venir choisir, parmi tous ces livres, ceux qui peuvent intéresser nos lecteurs. Dès lors, nous nous rendrons régulièrement à Melun avec nos cartons pour passer la journée du samedi à sélectionner les livres qui nous conviennent : livres jeunesse, littérature classique française et étrangère, usuels et documentaires scientifiques non périmés. Notre sélection effectuée, les bibliothécaires éliminent, un à un, ces ouvrages déstockés de leur base de données, et, nous revenons le week-end suivant pour les conditionner et les enlever. Au vu les quantités, nos véhicules personnels ne suffisent plus, il nous faut louer et conduire un camion pour en assurer le transport vers l’entrepôt.

Par la suite, la bibliothèque départementale de Pontoise nous a aussi donné accès à ses livres désherbés, mais de façon ponctuelle et non systématique comme celle de Melun.

A ce propos une anecdote qui montre que notre réactivité nous a porté chance.
En 2010, alors qu’Éliane était en train d’installer la 50° bibliothèque du réseau Lire en Afrique au Village des Arts, à Dakar Patte D’Oie, des touristes françaises venues visiter la galerie d’art et les ateliers d’artistes du village, voyant la porte de la bibliothèque ouverte, sont entrées et la discussion s’est installée. L’une d’entre elles était bibliothécaire à la bibliothèque départementale de Pontoise. En conclusion de la conversation, elle nous invite à leur rendre visite à notre retour en France. Rendez-vous est pris pour un samedi, jour de repos pour nous. Après les présentations d’usage, un magasinier nous conduit dans un bâtiment annexe, et là, nous découvrons avec émerveillement le stock de livres encore installés sur les rayonnages, dont cette bibliothèque veut se dessaisir. Ce sont principalement des livres jeunesse, n’ayant sans doute jamais été utilisés vu leur parfait état de conservation. Tous reliés, plastifiés et cotés. A vue d’œil, il y en a environ 4000. Nous décidons, sur le champ, de revenir l’après-midi, ce qu’il accepte et nous laisse l’accès au local. Il nous faut peu de temps pour acheter cartons et palettes auprès de nos fournisseurs habituels à Bagnolet et revenir en camionnette. De retour à Pontoise nous nous mettons, toutes deux, au travail. Les livres étant encore sur les rayonnages, il est facile pour nous de les sélectionner et de les conditionner très proprement dans des cartons normalisés. En fin d’après-midi, au grand étonnement du magasinier, les rayonnages sont vides et trois palettes sont prêtes, chacune composée de 4 nivaux de cartons, soit une centaine de cartons pour 4200 livres. Nous organisons, dès le lundi suivant, l’enlèvement par un transporteur et ferons expédier ces palettes directement dans l’entrepôt de ADIFLOR à Chalons en Champagne.

  • La médiathèque municipale de Massy Palaiseau nous fait bénéficier de ses désherbages réguliers en livres jeunesse

Une amie de Marie Josèphe, responsable du secteur jeunesse à la bibliothèque de Massy Palaiseau, lui propose de venir sélectionner des livres pour Lire en Afrique dans leur désherbage. La bibliothèque de Massy Palaiseau est une médiathèque qui possède plus de 200 000 livres. Chaque année, tout le temps où cette amie a occupé la direction du secteur jeunesse, nous sommes allées, à son appel, sélectionner et emporter des milliers de livres. Une seule règle concernant les livres jeunesse : tout prendre, à condition que les livres soient en bon état : ni réparés au scotch, ni cornés, ni crayonnés, ni déchirés bien entendu. La bibliothèque se chargeait de la sélection et nous du conditionnement pour respecter les normes de transport international. Le magasinier de ADIFLOR, Jean Paul, étant très sourcilleux sur ce point, les cartons devaient être normalisés, correctement remplis, ni bombés, ni creux pour assurer l’équilibre du chargement sur les palettes. Les livres se rangent méticuleusement à plat dans les cartons pour éviter qu’ils soient pliés et comprimés si le carton est posé sur le côté au cours de son périple. C’est tout un art et chaque fois que des amies bénévoles sont venues participer au remplissage des cartons, il nous a fallu vérifier leur travail a posteriori et refaire les cartons, si nécessaire.

  • La bibliothèque municipale de Bobigny nous accorde son soutient.

Alors qu’il se rendait au tribunal de Bobigny pour une affaire familiale, l’un des adhérents de Lire en Afrique s’est égaré du côté de la bibliothèque municipale « Elsa Triolet » de Bobigny. Il en a profité pour prendre contact au nom de Lire en Afrique. Rendez-vous fut pris pour rencontrer une partie de l’équipe des bibliothécaires, la directrice et le sous-directeur. Nous avons expliqué l’action de Lire en Afrique et manifesté notre souhait d’accéder à leur désherbage. Mais point d’enthousiasme de leur part et plutôt des réticences sous-tendues par une inquiétude « mais que lisent les africains ? » Cette attitude nous est familière. Nous l’avons rencontrée pour la première fois à la bibliothèque du Crédit lyonnais, tout au début de notre activité de collecte. Sa directrice a d’abord refusé de nous donner accès au désherbage au prétexte qu’on ne pouvait pas donner n’importe quoi, en ne sachant pas ce que lisent les « africains », elle préférait ne rien donner ! Pour vaincre cette opposition, que de stratégies déployées ! Lors du séjour suivant, à Yoff, nous avons réalisé une vidéo dans la bibliothèque, où le responsable, Alassane Faye, présentait sa bibliothèque. On le voit passer naturellement de rayonnages en rayonnages, très à l’aise pour présenter les grands domaines de sa bibliothèque. De place en place, il tire un livre des rayonnages, le commente et analyse son intérêt pour ses lecteurs. Cette première partie est suivie d’interviews des lecteurs et lectrices qui expriment les raisons pour lesquelles ils fréquentent la bibliothèque et les livres qu’ils apprécient. De retour à Paris, nous avons montré ces images et ces interviews très convaincants. La directrice a été stupéfaite du niveau de connaissance de ces bibliothécaires bénévoles qui maîtrisent leur fonds et savent en parler savamment. La conclusion est simple : africain ou occidental, le goût de la lecture et des livres est le même dans le monde entier. ! Et la situation s’est débloquée.

Pour contrer cette attitude frileuse de la part de nos partenaires, nous avons souvent eu recours au point de vue formulé par Sembene Ousmane, écrivain et cinéaste sénégalais, yoffois par sa mère, et casançais par son père, qui habitait Yoff, dans sa maison qui domine l’océan. Nous l’avions rencontré pour qu’il accepte de donner son nom à la bibliothèque de Yoff, devenue Bibliothèque Ousmane Sembene de Yoff (BOSY). A la question : quels livres mettre à disposition des lecteurs yoffois. Il nous avait répondu : « tout ! c’est au lecteur de choisir ce qu’il veut lire. Moi j’ai appris à lire dans le papier journal qui emballait les arachides que j’achetais aux vendeuses, dans la rue ».

Quant à la bibliothèque de Bobigny, nous n’avons jamais obtenu d’autorisation officielle, mais le directeur adjoint, nous donnait accès aux livres désherbés le samedi, son jour de permanence, selon un accord tacite, mais non formalisé. Cette collaboration a duré des années. Les livres désherbés étaient stockés en tas, au sous-sol. Nous opérions une sélection sévère et jetions à la poubelle ce que nous ne prenions pas, selon ses instructions. Lorsque la mise en carton était terminée, nous laissions l’espace propre, sans aucun livre ni papier traînant au sol. C’est aussi l’une des raisons qui nous faisait apprécier : nous faisions le travail nous-mêmes, rapidement et laissions la place rangée et propre.

D’autres bibliothèques nous ont donné ponctuellement quelques centaines de livres, celles de Persan Beaumont, Lagny, Sucy en Brie, ville de Paris, Ballancourt dans l’Essonne, …

Avec le service Achat des magasins Leclerc, un accès à des livres neufs et variés.
Les hypermarchés Leclerc ont mis en place des espaces culturels où vendre livres et CD dans chacune de leur implantation en France. Pour faire ses commandes groupées, la direction des achats culturels reçoit « en service de presse », à titre de spécimens, des exemplaires de toute la production éditoriale. Après sélection des acquisitions, les spécimens reçus n’ont plus d’usage. Ce sont ces spécimens : des livres neufs que la directrice des achats, une connaissance de Marie Josèphe, a accepté de mettre à notre disposition, chaque année de 2003 à 2012. Il nous revenait d’en assurer l’enlèvement de leurs locaux à Ivry sur Seine en sélectionnant en priorité, des livres jeunesse, le parascolaire, des documentaires scientifiques, des usuels et parfois quelques romans.

En 2003, lors d’une campagne de collecte générale sur plusieurs sites, nous avions loué un camion avec haillons pour permettre le chargement des palettes. Arrivées aux entrepôt Leclerc, Marie Josèphe au volant, doit faire marche arrière dans la rue très étroite pour accéder au quai de chargement. Les livreurs de Leclerc observent la manœuvre, et se montrent très étonnés de découvrir Marie Josèphe descendre du camion, ils la félicitent. Alors que nous nous dirigeons vers le bureau de la directrice, un salarié du service librairie engage la conversation sur nos activités. Il semble connaître pas mal de choses sur l’aide internationale en matière de livres. Il a eu des relations avec d’autres associations et se montre très étonné par notre façon de faire : le volume collecté, le nombre de bibliothèques réalisées, le fait que nous fassions tout nous-mêmes, sans salarié, sans subvention. Il nous informe qu’il stocke depuis des mois, un don de livres récupérés lors du salon du livre « Étonnants Voyageurs » de Saint Malo. Ces livres ont été offerts par les exposants dans le cadre d’une action en faveur du Mali. Depuis lors, les cartons de livres sont stockés dans la salle de formation, sous les tables. L’association bénéficiaire, chargée de les récupérer pour les acheminer à destination, ne donne plus signe de vie. Il s’inquiète parce que ces cartons constituent une gêne au bon fonctionnement de la salle de formation. Tout en discutant, il décide de nous attribuer un carton de ce stock. Nous poursuivons notre activité et récupérons les livres mis de côté pour Lire en Afrique. Les livreurs en attente de chargement, nous voyant faire, nous aident à charger les cartons. Peu de temps après, le salarié revient vers nous, pour nous annoncer qu’après concertation avec ses collègues, il a été décidé de nous attribuer tout le stock de livres récupérés dans l’opération Étonnants Voyageurs, soit plus de 6 000 livres. Les 10 cartons sont énormes, trop lourds pour nous, mais les livreurs nous prêtent main forte. En chemin, arrêt sur un parking pour ouvrir, par curiosité, quelques uns de ces cartons. Bonne surprise, ce sont des livres neufs, édités dans l’année, très variés avec beaucoup de documentaires, de livres pratiques, de BD etc.
Au fil des ans, le service achat de Leclerc nous aura donné environ 11 000 livres

  • La découverte des romans sentimentaux avec les éditions Harlequin

En visite au salon du livre de Paris en Mars 2007, nous passons de stand en stand et nous arrêtons à celui des Editions Harlequin. Personne sur le stand. Nous feuilletons quelques exemplaires tout en discutant de l’opportunité de mettre à disposition ce genre de livres dans les bibliothèques du réseau Lire en Afrique. La question est d’actualité. La série de romans sentimentaux Adoras des Nouvelles Éditions Ivoiriennes (NEI), intégrée à nos collections à partir de 2006, rencontre un succès étonnant. Pour comprendre cet engouement, nous en avons lu quelques exemplaires. D’une centaine de pages, écrits par des auteurs ivoiriens, ils déroulent sensiblement le même scénario : un jeune homme et une jeune fille, de la classe moyenne supérieure, voudraient vivre une histoire d’amour mais sont confrontés à l’opposition de leurs parents, amis, collègues, etc. Finalement après bien des péripéties, tout fini par s’arranger. Ce sont des histoires soft sur le plan des relations sexuelles, avec, pour nous, une morale intéressante : la ténacité, le combat, l’autonomie sentimentale et sociale des jeunes femmes qui, toutes, ont un métier et une vie autonome. A la libraire Quatre Vents à Dakar Mermoz, le rayon des romans Harlequin, est, selon la vendeuse le rayon le plus fréquenté ! Alors que nous poursuivons notre discussion devant le stand Harlequin, la commerciale revient, nous interroge sur notre activité et nous informe qu’ils auraient potentiellement des livres à donner. Elle nous invite alors à rencontrer leur contrôleur de gestion au siège des Éditions à Paris. Nous nous y rendons. Il se trouve que Marie Josèphe, experte comptable et commissaire aux comptes et le contrôleur de gestion des Éditions Harlequin ont travaillé dans le même cabinet, et ont des souvenirs communs. A leur siège du 13ième arrondissement, ils reçoivent chaque mois, des dizaines d’exemplaires des titres nouvellement édités de leurs 15 collections. Après avoir fait l’objet de leur travail de communication, ces livres devenus inutiles sont conservés dans les bureaux, puis mis en cartons et stockés dans les sous-sols de l’immeuble. Donner ces livres libérerait leur espace de stockage trop exiguë. Un accord est conclu avec une procédure d’enlèvement : lorsque le stock de livres entreposé dans le sous-sol devient trop volumineux, la gestionnaire nous appelle et nous prenons rendez-vous pour collecter ces ouvrages et venons avec une camionnette. C’est ainsi, qu’à partir de cette date et jusqu’en 2017, nous sommes allées récupérer les romans des Éditions Harlequin en prenant soin d"éviter les collections signalées comme indécentes, à couverture rouge foncé/bordeaux.

L’accueil de ces livres au Sénégal a été enthousiaste, les lectrices en réclamaient. Leur mise en rayonnage dans les bibliothèques provoquait un afflux de nouveaux adhérents. Interrogées, les lectrices nous ont révélé qu’elles trouvaient dans ces romans des réponses à leurs grandes questions sur la sexualité, les relations entre hommes et femmes. Maintenues dans l’ignorance totale, elles se formaient grâce à Harlequin !!!

Nous avons limité volontairement le nombre de livres à une centaine par bibliothèque, résistant à la demande pressante des bibliothécaires qui relayaient les demandes des lectrices.
Au total, sur les 10 ans de collecte, nous avons dû retirer quelques 20 000 romans des sous-sols de la maison d’édition.

  • Comment gérer les collectes, organiser les collections et prévoir les distributions ?

Au cours de la première période, 1990-2000, nous prenions soin d’enregistrer tous les livres, titre par titre, dans une base de données en spécifiant leur l’origine et leur destination. C’était un bon moyen de connaître la composition du fonds de chacune des bibliothèques destinataires mais aussi de leur fournir un catalogue papier organisé selon plusieurs critères de classement : titres, auteurs ou nature d’ouvrages. La bibliothèque de Melun nous donnait le fichier de leur déstockage ce qui nous simplifiait toutes les opérations de saisies.

Nous organisions, dans le bureau de Marie Josèphe, situé au rez-de-chaussée d’un pavillon à Montreuil, des séances de tri, saisie et conditionnement. A cette époque, nous étions une petite dizaine de militantes à y consacrer des dimanches entiers : les unes triaient, d’autres enregistraient et d’autres encore conditionnaient.

Par la suite, avec l’achat de livres, les fichiers électroniques associés aux bons de commande et à la facture nous ont épargné les tâches de saisie fastidieuses et chronophages. Marie Josèphe, trésorière de l’association et gestionnaire des stocks, a toujours pu tracer l’ensemble des livres expédiés au Sénégal de leur provenance à leur destination finale.

Cette gestion rigoureuse nous a grandement facilité la tâche puisque nous avons toujours complété les collections des bibliothèques par attribution de nouvelles dotations. La connaissance fine des fonds documentaires nous permettait de préserver un équilibre entre les différentes sections du fonds documentaire et d’éviter les doublons.

ACHETER DES LIVRES NEUFS

  • Achat de livres neufs, oui mais de façon éclairée et sélective

Depuis le début de notre activité, notre souci a toujours été l’acquisition de livres neufs, sélectionnés dans les catalogues des éditeurs. Au départ, faute de ressources financières suffisantes, nous avons démarré par des collectes, mais dès que nous l’avons pu, les achats de livres neufs ont eu notre préférence. Encore fallait -il opérer un choix drastique dans les catalogues des éditeurs en fonction de deux contraintes majeures : le moindre coût pour nos ressources et l’adéquation aux pratiques de lecture dans les bibliothèques de notre réseau. Cette activité supposait aussi une bonne connaissance de la production éditoriale des éditeurs. Éliane, qui a pris en charge la responsabilité du choix des livres et de la composition des collections, s’est formée en rencontrant les maisons d’édition sur les salons du livre et en participant à plusieurs stages de formation qui traitaient de littérature jeunesse, organisés par « la joie par les livres ».

  • Les œuvres au programme, un produit d’appel incontournable

Le problème nous a été posé dès 1992. Les bibliothécaires et lecteurs réclamaient les œuvres au programme.

Dans les premières années de 1992 à 2000, le rythme de constitution des bibliothèques était d’une à deux bibliothèques par an, il nous était possible de nous les procurer sur le budget de l’association, constitué des seules cotisations des adhérents. Mais à chaque visite, les bibliothécaires en réclamaient davantage, il n’y en avait jamais assez. Les professeurs de français imposaient la lecture des titres de littérature africaine et française, mis au programme par l’éducation sénégalaise. A défaut de les lire, les élèves s’exposaient à un zéro. Comme il s’agit d’une denrée rare et chère au Sénégal, les bibliothèques constituaient souvent la seule solution pour accéder à ces œuvres.

En discutant avec les lecteurs, nous avons très vite compris l’importance d’introduire les œuvres au programme dans les collections, d’abord pour répondre à un besoin immédiat, mais aussi comme produit d’appel pour attirer les jeunes vers les bibliothèques. Venus au départ pour satisfaire des besoins scolaires immédiats, ils diversifient progressivement leur lecture au vu de la richesse des collections de la bibliothèque.

Éliane s’est procuré la liste des œuvres au programme de l’éducation nationale sénégalaise, pour chaque niveau scolaire. Elle s’est constamment préoccupée de tenir cette liste à jour, au gré des modifications du programme de littérature et a recherché mille solutions pour les fournir aux bibliothèques du réseau.

L’attribution à Lire en Afrique, par la bibliothèque du Crédit lyonnais, d’une subvention sous forme de budget d’achat en librairie a résolu ce problème. Un accord a été passé avec les Éditions Présence Africaine, principal éditeur des ouvrages classiques d’auteurs africains, inscrits au programme des collèges et lycées du Sénégal. Et chaque année à partir de 1999, grâce à ce budget, Lire en Afrique a pu répondre à ce besoin.

Acheter en librairie ou directement chez les éditeurs, une option vite tranchée.
La politique du livre menée par Jack Lang pour garantir la survie des libraires en France imposait un prix unique du livre et des remises cadrées à un maximum de 5 à 8 % du prix éditeur.

Lorsque nous avons pu acheter des livres, grâce à des ressources externes de type subvention, nous avions déjà constitué un réseau d’une vingtaine de bibliothèques. Nous avons alors souhaité enrichir leurs fonds, en travaillant par collection. Chaque titre devait donc être acheté en 20 exemplaires minimum. Les libraires n’étaient pas dimensionnés pour traiter ces volumes, à part la société SFL, fournisseur des bibliothèques en France, chez qui nous avions ouvert un compte.

Au salon du livre de Paris et de Montreuil, Éliane a rassemblé les catalogues des différents éditeurs pour commencer à étudier les titres et les prix. Elle a sélectionné certains éditeurs qui produisent des titres susceptibles de correspondre à la demande des lecteurs des bibliothèques du Sénégal :

Présence Africaine. La maison d’édition, fondée par le sénégalais Alioune Diop, édite, depuis les années 50, les auteurs africains qui sont devenus les classiques de la littérature africaine. Ces ouvrages sont étudiés de la sixième à l’université. C’est tout naturellement que nous nous sommes rapprochées de l’éditrice, Suzanne Diop, fille du fondateur qui, au vu des volumes commandés, nous a accordé une remise de 30 % sur le prix catalogue. Depuis plus de vingt ans, nous achetons régulièrement et par centaines, les ouvrages de Présence Africaine.

Flammarion a tout de suite attiré notre attention. Grâce à ses multiples maisons d’édition, son offre couvre l’essentiel de la demande en littérature classique française, usuels, parascolaire, lecture jeunesse. Nous avons approché l’éditrice chargée de la vente aux associations qui, compte tenu du volume de nos commandes, jamais inférieures à plusieurs milliers, nous a accordé une réduction de 45 %, tout en nous affranchissant du paiement de la TVA comme pour tout exportateur. Flammarion a été l’un de nos principaux fournisseurs pendant toutes ces années.

Bayard est incontournable. Bayard édite des livres jeunesse qui rencontrent un très grand succès auprès de nos jeunes lecteurs. Sans qu’il soit nécessaire de leur expliquer ce qu’est une collection, les lecteurs et lectrices repèrent spontanément les « J’aime lire » « Tom Tom et Nana », « Grand Galop » « Marion Duval ». Ce sont ces jeunes lecteurs qui ont appris aux bibliothécaires ce qu’est une série en empruntant systématiquement chaque titre de la série jusqu’au dernier, puis en réclamant d’autres titres édités mais absents de leur bibliothèque. Usés à force d’être lus, nous avons renouvelé ces titres à deux reprises, lors d’initiatives de promotion de la lecture. Les éditions Bayard, chez qui une amie travaillait, nous a accordé une remise 35 % sur le prix catalogue.

Nous avons effectué des commandes ponctuelles à d’autres éditeurs tels Gulf Stream et Milan pour leurs magnifiques documentaires, Livre de poche jeunesse, Hatier, Edicef …..

  • Les achats aux éditeurs africains

NEAS : Nouvelles éditions Africaines du Sénégal. Ancienne filiale du groupe Hachette de la période coloniale. Cette maison d’édition au capital mixte, occupe toujours les mêmes locaux entre la Place de l’Indépendance et l’Ambassade de France, à Dakar Plateau. Elle dispose d’un catalogue d’écrivains sénégalais dont plusieurs titres inscrits au programme des lycées et collèges et des albums jeunesse. Nous nous sommes toujours fournies chez cet éditeur où nous étions connues comme de bonnes clientes. On y trouve aussi des albums et fictions jeunesse d’autres éditeurs africains, de Cote d’Ivoire, du Bénin, du Mali et des éditeurs de la francophonie, tel EDICEF. Cet éditeur nous accordait une importante remise sur le prix sénégalais.

NEI/CEDA ; Nouvelles Editions Ivoiriennes. C’est également l’ancienne filiale du groupe Hachette de la période coloniale. Nous avons été présentées à cette maison d’éditions par ADIFLOR, lors d’un salon de livre à Paris. Le trésorier d’ADIFLOR, en tant qu’ancien du groupe Hachette, entretient des relations professionnelles avec l’équipe de NEI. Nous avons découvert ses livres jeunesse très appréciés des jeunes lecteurs sénégalais. Ils éditent également une collection de livres sentimentaux : la série « Adoras » qui compte une cinquantaine de titres.

Nous avons pris l’habitude de passer commande des ouvrages NEI/CEDA sur fichier électronique, à l’occasion du salon du livre de Dakar. Cette méthode facilite grandement la logistique d’acheminement. La maison d’édition apporte les livres commandés sur son stand, à Dakar, où nous venons en prendre livraison avec un véhicule de location. Nous sommes les meilleures clientes de cette maison sur le salon. NEI/CEDA nous accorde une remise de 30 % sur le prix ivoirien, le plus favorable. Ces maisons ont 3 tarifs : le tarif de leur pays, le tarif Afrique et le tarif Europe.

Ruisseaux d’Afrique Les ouvrages de Ruisseaux d’Afrique ont une excellente réputation chez les spécialistes de la lecture jeunesse des Éditeurs Africains. D’un point de vue éditorial, ce sont des livres de qualité, toujours adaptés au lectorat, très bien illustrés et de présentation soignée. Nous avons régulièrement acheté les ouvrages de Ruisseaux d’Afrique. Comme pour la Cote d’Ivoire, nous les commandons à l’avance pour livraison au salon du livre de Dakar. L’année où nous sommes allées visiter le Bénin, nous avons rencontré l’éditrice, Béatrice Lalinon Gbado, et lui avons acheté beaucoup de livres, expédiés à Paris en supplément de bagages accompagnés, puis acheminés avec le conteneur annuel vers Dakar.

Autre stratégie, les achats de livres aux associations françaises spécialisées
Il existe deux associations françaises, spécialisées dans la collecte des fins de série et invendus auprès des éditeurs. Les éditeurs renouvellent constamment leur catalogue et retirent les anciens titres de la vente qu’ils remettent à ces deux organisations.

BIBLIONEF
Nous avons été mises en contact de Biblionef, dès sa création en 1993. Biblionef faisait partie des associations, membres du jury du prix des bibliothèques partenaires, dont nous avons été lauréates à deux reprises, en 1993 d’abord pour le projet Yoff BOSY, en 1995 ensuite pour la bibliothèque Aminata Sow Fall (école 2 - Yoff Diamalaye). Ce prix donnait droit à un lot de livres remis directement à la bibliothèque lauréate.

En 1995, pour le projet de la bibliothèque jeunesse Aminata Sow Fall, Biblionef nous a offert plus de 3000 livres, des premières lectures pour la plupart. A cette époque nous étions dans l’impossibilité de nous acquitter du prix de ces livres. Nous avons promis à sa directrice, Dominique Pace, que nous lui achèterions des livres, dès que nous obtiendrions des subventions.

A partir de 2003, nous avons passé commande de milliers de livres à Biblionef à partir de son catalogue électronique, dans la quantité voulue. Les prix étaient « abordables » pour nous : 1 euros l’exemplaire dans les années 2000 puis 1,50 et 2 Euros dans les années 2010. La variété des titres, la qualité des ouvrages donnait envie de tout commander.

Son catalogue électronique est organisé par éditeurs : Hachette, Larousse, Gallimard, Nathan, Minedition, Nord Sud, Thierry Magnier, Actes Sud, etc.
C’est sur cette liste que nous choisissions les dictionnaires de toute nature et les documentaires scientifiques, disponibles sur pratiquement tous les sujets et déclinés dans plusieurs niveaux de lecture, depuis la maternelle jusqu’au lycée, voire l’université. Sont également proposés des romans jeunesse, souvent des classiques de la littérature jeunesse de chez Gallimard et d’autres éditeurs, beaucoup de titres de premières lectures, des contes et des albums des Éditeurs Nord Sud et Minedition, de beaux livres. Tous ces livres sont neufs, souvent encore emballés sous cellophane et extraordinairement attrayants.

ADIFLOR
Cette association avait accès à d’autres éditeurs que ceux de Biblionef, par exemple aux retours librairies des petits classiques Hachette, avec des écrivains au programme tels Molière, Racine, Corneille mais aussi à beaucoup de titres de littérature classique française. D’autres éditeurs fournissaient régulièrement ADIFLOR comme BAYARD presse, le livre de poche, la revue du palais de la découverte, Auzou, EDICEF, Clé International, les Editions du triomphe (BD), ESF, Présence Africaine, etc

ADIFLOR et Lire en Afrique ont scellé un partenariat, partir de 2003 jusqu’en 2018, année de sa dissolution. Ce partenariat nous permettait d’utiliser leurs entrepôts à Châlons en Champagne pour stocker nos palettes en instance d’expédition au prix d’une location mensuelle modique, ADIFLOR assurait aussi l’expédition de nos conteneurs et nous donnait accès à ses stocks pour y sélectionner les ouvrages qui nous intéressaient, gratuitement pour un quota prédéfini, et à raison de 1 à 1,5 Euro par titre, au-delà.

Les manuels et les annales
La mise en place de la première bibliothèque de lecture publique à Yoff en 1992, s’est étalée sur près d’un mois, mobilisant les équipes de Lire en Afrique et les futurs bibliothécaires, élèves ou étudiants. Les conversations quotidiennes avec les bénévoles, nous ont fait percevoir que l’attente N°1 par rapport aux bibliothèques, était l’accès aux manuels scolaires. Nous avons alors appris que les établissements scolaires du secondaire ne disposaient que de très peu de manuels, généralement aucun. Les élèves devaient se contenter des notes prises dans le cahier, sous la dictée du professeur.

Dès que possible, c’est à dire dès l’expédition du conteneur en 2002, nous avons intégré des manuels à nos dotations. Avec les yoffois, l’usage des manuels en bibliothèque a été clarifié. Leur nombre d’abord : 3 manuels par matière et par niveau soit, en volume, un rayonnage d’un mètre linéaire sur 7 niveaux. Leur usage enfin : un exemplaire consultable en bibliothèque et deux autres accessibles en prêt.

Mais trouver des manuels n’est pas chose facile.
Bénévoles d’ADIFLOR, Madeleine et Jacques Guinet, retraités de l’Éducation Nationale récupéraient les manuels scolaires de la région Champagne Ardennes. Ils confectionnaient des cartons d’une trentaine de manuels identiques, à destination des établissements scolaires de l’Afrique francophone, pour leurs propres projets et pour ceux d’ADIFLOR. Parmi leur collecte se trouvaient des spécimens de manuels en parfait état et en faible quantité. Ces spécimens sont généralement distribués par les éditeurs aux professeurs pour les inciter à les choisir lors des commandes passées par les établissements scolaires. Madeleine et Jacques les emportaient dans leur collecte mais ils n’en avaient pas l’usage puisqu’ils confectionnaient des cartons d’un même titre. Ces spécimens ont immédiatement retenu l’attention d’Eliane. Ils pouvaient alimenter notre besoin de constituer, pour chaque bibliothèque, des dotations de 3 manuels, si possible d’éditeurs différents, pour les 7 niveaux et les 7 disciplines principales du secondaire : français, maths, sciences physique, chimie, SVT, anglais, espagnol et philosophie. Madeleine et Jacques ont accepté de préparer des cartons spécifiques à notre attention en exploitant ces spécimens. Ces documents étaient très précieux et nous avons pu en bénéficier jusqu’à l’arrêt définitif de cette activité très éprouvante, les cartons de manuels étant très lourds, activité trop fatigante pour des personnes vieillissantes.

ADIFLOR avait également accès à des annales des années scolaires antérieures. Les candidats au brevet et au bac en étaient très friands. 5 annales par matière pour chaque type d’examen sont ainsi venues enrichir les dotations de chaque bibliothèque.

Les éditions ESF
Derrière ces 3 lettres se cache de véritables pépites. Par suite d’un déménagement vers d’autres locaux, les Editions ESF avaient donné des milliers d’ouvrages à ADIFLOR. Eliane les avait remarqués dans l’entrepôt et des amies enseignantes les lui avaient chaudement recommandés comme étant « LES » ouvrages de formation pédagogique par excellence. Ils préparent notamment aux examens et concours de l’Éducation Nationale. Nous savions, qu’au Sénégal, par des pédagogues de l’enseignement catholique sénégalais, que ces titres étaient recommandés dans leur cursus de formation de directeur d’établissement du secondaire, mais qu’ils leur étaient inaccessibles pour des raisons de prix (entre 30 et 70 euros l’unité) et absents des librairies de Dakar. C’était donc une denrée rare et précieuse. Comme l’occasion ne se représenterait plus, nous avons décidé de prendre tous les titres en stocks dans l’entrepôt en 100 exemplaires chacun, de quoi doter toutes les bibliothèques en fonctionnement ainsi que les projets futurs. Ces livres tombaient à point nommé. En effet, au Sénégal une réforme de l’Education Nationale, en vue de baisser la masse salariale, avait descendu les niveaux de recrutement et engagé des volontaires qui, pour être titularisés, devaient réussir des concours. Ces ouvrages, disponibles dans les bibliothèques Lire en Afrique, leur permettaient de préparer leurs examens et d’améliorer leur pratique pédagogique. Autre atout, nous pensions que ce fonds pédagogique attirerait les enseignants dans les bibliothèques Lire en Afrique et que, à la vue de la richesse des collections, ils penseraient à en recommander la fréquentation à leurs élèves.

Les commandes choisies de déstockage d’éditeurs
La directrice de ADIFLOR recevait des offres des éditeurs qui, pour des raisons de déstockage, proposaient des quantités importantes d’ouvrages, soldés à 5 ou 10% du prix catalogue. Elle nous en informait et intégrait nos besoins à sa commande, à charge pour Lire en Afrique de lui rembourser sa quote-part à la livraison. C’est ainsi que nous avons pu acheter nombre de livres au prix de quelques centimes d’euros pièce, notamment les livres des Editions clé, Auzou, Bayard, Hatier International….

Lire c’est partir
Une amie, enseignante, nous avait signalé l’association « Lire c’est Partir » qui éditait et vendait, à prix coûtant, des livres jeunesse dans les établissements scolaires. Nous avons rencontré sa directrice qui a accepté de nous vendre ses titres au prix de 0,70 euros pièce. Chaque bibliothèque Lire en Afrique a été dotée de tous leurs titres : livres jeunesse, en édition de poche, bien souvent des œuvres classiques tombées dans le domaine public, et quelques titres écrits par les spécialistes de la littérature jeunesse en soutien à cet éditeur si particulier, dont le réseau de commercialisation, en direction des établissement scolaires, était largement porté par des bénévoles.

ACHETER DES LIVRES EN FRANCE OU AU SENEGAL ?

  • L’achat direct aux éditeurs, la solution la plus économique pour Lire en Afrique

L’objectif premier de notre association a toujours été de rendre la lecture accessible au plus grand nombre. Car c’est par le livre principalement que se fait l’accès à la culture et au monde des idées.

Encore faut-il que les livres soient à la portée des lectrices et lecteurs. Il appartient aux bibliothèques de remplir cet objectif à condition que leur accès soit très modique. Lire en Afrique, en mettant les collections gratuitement à disposition des projets de bibliothèque créait les conditions de cette quasi-gratuité.

Gratuits pour les projets certes, mais pas pour Lire en Afrique qui doit trouver les moyens de se procurer des milliers de livres pour alimenter les bibliothèques au moindre prix : le maximum de livres pour un prix minimum. Comment faire ? L’étude de marché est sans équivoque : pour les titres publiés par les éditeurs français, il est plus avantageux de négocier des conditions favorables directement avec les maisons d’éditions françaises que s’approvisionner auprès des librairies du Sénégal, l’écart peut aller du simple au double. Il est clair que les libraires doivent assumer des charges de commercialisation, les taxes et un coût de transport à partir du pays d’origine assez élevés car réparti sur des quantités relativement faibles. En revanche Lire en Afrique, en expédiant des conteneurs de 30 000 livres (de 25 000 à 45 000, selon les livres) arrive à minimiser le coût des transports avec une moyenne de 0,12 centimes d’euros par ouvrage transporté.

Imposer des achats de livres au Sénégal plutôt qu’en France, tel est le mot d’ordre des institutions françaises qui interviennent sur la question de la lecture. Leur objectif est de faire vivre la filière livre locale en orientant les achats de livres, en priorité, vers les éditeurs africains, et pour le reste exclusivement vers les librairies de Dakar. C’est l’une des conditions imposées aux projets subventionnés.

La quasi totalité de notre activité s’est effectuée sans subvention, nous avons pu nous exonérer de cette contrainte, sauf à deux reprises qui se sont révélées peu concluantes.

  • Cependant, par deux fois, nous avons dû nous adresser aux librairies de Dakar

En 2006, à l’occasion de l’opération « Moi, je lis » une vingtaine de bibliothèques du réseau Lire en Afrique a bénéficié d’une dotation spéciale composée des livres préférés des lecteurs. Nous avons tenté de passer commande à une librairie dakaroise. Nous nous sommes adressées à la librairie Clairafrique dont nous connaissions Monsieur Diatta, commercial chargé de la clientèle institutionnelle. Nous l’avions rencontré au Collège de la Petite Côte à Joal, où il venait vendre ses livres pour la rentrée scolaire. Monsieur Diatta avait connaissance de nos activités en faveur de la lecture, y compris, « en brousse », et nous encourageait dans la poursuite de nos objectifs. Il ne nous tenait pas grief de recourir à d’autres fournisseurs que sa librairie. Nous avions dressé soigneusement la liste de titres à commander, allant jusqu’à indiquer l’ISBN dans les rubriques, pour faciliter son travail.

Après plusieurs mois d’attente, alors que la date de remise officielle des livres approchait, Monsieur Diatta nous a fait savoir que notre commande ne serait pas honorée. Commander des titres différents à autant d’éditeurs était trop compliqué à réaliser pour lui, il avait renoncé … et nous aussi !

En 2014, Lire en Afrique a lancé l’opération « Allez les filles », qui a été financée, à hauteur de 10% sur subvention du XV° sommet de la Francophonie. Les fonds alloués par cette subvention devaient impérativement être consacrés à l’achat de livres au Sénégal. Ce projet concernait 80 bibliothèques, il nous fallait donc acheter chaque titre en 80 exemplaires, ce qui était impossible dans une librairie, il fallait donc s’adresser aux éditeurs ou aux grossistes.

La première visite est pour les Editions NEAS à Dakar, chez qui nous avons un compte et qui nous accorde une remise de 35 % sur son prix sénégalais. Chaque année, ou presque, nous venons y acheter les titres au programme notamment une si longue lettre de Mariama Ba, au programme des classes de 3ième. Le commercial, monsieur Touré, nous connaît bien, c’est pourquoi il s’est confié à nous. La maison d’édition est en mauvaise posture financière, nous dit-il. Les salariés ne sont plus payés depuis 6 mois. La maison est en rupture de stock sur les titres les plus demandés, ceux qui sont inscrits au programme des lycées et collèges et ils n’ont pu répondre aux établissements scolaires, lors de la dernière rentrée. Ils n’ont rien publié depuis deux ans. Selon lui, l’état passe commande, mais n’honore pas les factures correspondantes, la dette s’est donc accumulée et atteint 11 millions de FCFA.

Puisque NEAS ne peut pas répondre, nous avons une autre option, s’adresser à ADP. L’Agence de distribution de presse sénégalaise, ancienne filiale de Hachette. Elle diffuse la presse au Sénégal et dans la sous- région mais fait aussi office de grossiste en livres pour les librairies, les établissements scolaires catholiques et publics, le ministère de l’Éducation Nationale et les collectivités territoriale. Elle leur fourni des manuels et les ouvrages de littérature africaine et française au programme des lycées et collèges. Nous connaissons bien le responsable de la librairie Nazaire Biagui, qui nous a ouvert un compte associé à une réduction de 25 % sur tous nos achats. Malheureusement, il nous annonce au téléphone que l’établissement est fermé, momentanément ou définitivement, il ne sait pas encore.

Il ne nous reste que la solution des deux librairies de Dakar Clair-Afrique et Quatre Vents et les points de vente de papeterie disséminés dans la banlieue qui vendent également quelques titres des œuvres au programme. Nous sommes au mois de novembre et la rentrée scolaire vient d’avoir lieu. Les deux plus gros fournisseurs étant en rupture, les librairies n’ont plus grand chose en rayon. C’est très péniblement que nous parvenons à acheter les ouvrages nécessaires en nous rabattant sur les manuels disponibles. La subvention de 4 millions a financé 17 titres seulement en 80 exemplaires sur les 150 titres de la dotation « Allez les filles »

  • La position de Lire en Afrique face à la charte du don de livres et à l’action des Éditeurs Indépendants

A partir de l’an 2000, les autorités françaises ont pris position contre le don de livres aux pays du Sud, et pour nous, les dons à l’Afrique francophone. Toutes les associations impliquées dans l’action en faveur des bibliothèques ont été invitées à signer cette charte qui précisait dans quelles conditions doit s’opérer le don de livre et imposait « que toute initiative de don comporte une proportion significative de livres neufs. Pour cela, le donateur collaborera avec les éditeurs et les libraires de son pays et du destinataire dans le but de se procurer les livres dans des conditions commerciales mutuellement acceptables ». Lire en Afrique a refusé de signer cette charte. En effet, l’objectif de l’association n’est pas de développer la filière livres des pays d’Afrique francophone, mais, de mettre à disposition des lecteurs sénégalais, des livres adaptés à leurs besoins. Faute de financements pour les acheter, le recours au don est une solution acceptable pour peu que les livres soient choisis et en bon état. Nous avons aussi noté que les institutions qui s’opposent au don ne distribuent pas pour autant les subventions qui permettraient de favoriser les achats de livres neufs.

Dans la mesure où nous conditionnons nous-même les cartons de livres, que nous les portons physiquement, nous sommes très sélectives dans le traitement des dons de livres. Marie Josèphe a calculé que nous portons 10 fois chaque carton qui pèse entre 15 et 25 Kg : 1 fois lors de sa fabrication, deux fois lors de son chargement et déchargement vers le point de stockage intermédiaire, deux fois pour le chargement et déchargement sur palette vers l’entrepôt ADIFLOR et à l’arrivée du conteneur au Sénégal, une fois lors du déchargement à Joal , une fois lors du déballage des livres, une fois avec la confection des carton de dotation à distribuer, une fois lors de la mise en réserve à Joal en attente de distribution et une dernière fois au départ vers la destination finale. Tout ce portage est à multiplier par les milliers de cartons qui nous sont passés entre les mains.

L’attaque des Éditeurs Indépendants contre la collecte de livres gratuits et leur expédition vers l’étranger a été assez virulente. Mais nous avons considéré que cette bagarre ne nous concernait pas. Lorsque, grâce à des subventions externes, nous avons pu acheter des livres, nous avons recherché les livres les plus adaptés aux besoins et ces livres ne sont pas édités par les Éditeurs Indépendants. Pour satisfaire les besoins scolaires, le parascolaire et la lecture jeunesse, ce sont les grosses maisons d’édition qui présentent les catalogues les plus variés et les livres les mieux adaptés aux besoins, sans même parler des conditions d’achat en nombre, beaucoup plus avantageuses. En ce qui concerne les éditeurs africains, nous avons été en mesure d’acheter tout ce qu’ils publient et qui correspond à notre lectorat mais, tous ces livres réunis ne forment pas plus de 5 à 10 % du fonds d’une bibliothèque, leur offre de titres étant très limitée.

  • La composition des collections des bibliothèques Lire en Afrique

Au fil des années, notre connaissance du lectorat s’est affinée.

Les discussions avec les bibliothécaires, lors de nos visites annuelles, les stages et les séminaires, organisés chaque année, l’analyse des registres de prêt, le degré d’usure des livres constaté en bibliothèque, tout cela nous a permis de bien appréhender les choix des lecteurs ainsi que leur évolution dans le temps. Cette connaissance fine est indispensable pour améliorer la constitution des collections, sujet auquel nous avons toujours été très attentives.

Comprenant que le premier besoin est scolaire, nous avons orienté une partie du fonds documentaire vers ce que nous appelons « la panoplie de l’élève de l’enseignement moyen » comportant des manuels, dictionnaires variés, grammaires, bled, annales, œuvres au programme et autres ouvrages parascolaires.

Cette panoplie est complétée par un fonds documentaire, composé d’ouvrages documentaires scientifiques de différents niveaux de lecture, du préscolaire à l’université, dans les domaines du programme de SVT.

Les plus jeunes, ceux qui abordent le français, constituent la catégorie cible des bibliothèques Lire en Afrique. En effet, le contact précoce avec les livres produit de vrais lecteurs qui intègrent la lecture comme activité et loisir. Une grosse partie du fonds se compose de livres jeunesse, de toutes les catégories : albums, premières lectures, fictions, contes, BD, documentaires. Dans la population qui fréquente les bibliothèques Lire en Afrique, les bons lecteurs, ceux qui empruntent beaucoup de livres autres que scolaires, sont les enfants de 10 à 15 ans des classes du cours moyen et du collège. Par la suite, à partir de la classe de 4ième, les lecteurs se concentrent sur leur scolarité et délaissent la lecture. Lors de nos visites aux bibliothèques, nous sommes surprises de voir des lecteurs adolescents feuilleter des albums jeunesse. Leur niveau de lecture en français n’étant pas très élevé, ces documents, composés de peu de pages et très illustrés, leur permettent de se familiariser, petit à petit, avec le français écrit. De même, quel n’a pas été notre étonnement, à Ouakam, de rencontrer des étudiants en géographie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, nous remercier pour des documentaires Gallimard de la collection « les yeux de la découverte », destinés aux jeunes pré-adolescents de niveau primaire ou collège. Ces livres, disaient-ils, n’étaient pas disponibles à la Bibliothèque universitaire mais couvraient largement leur domaine, ce que nous n’aurions jamais pu supposer.

Les romans adultes sont très peu demandés aussi leur présence, dans les dotations, se limite-elle à la littérature africaine en 200 titres et à la seule littérature classique française dont les auteurs sont connus des élèves. Enfin, viennent les romans sentimentaux avec la série des Adoras et les éditions Harlequin qui ont leur public toujours avide de nouveaux titres. Lorsque ces livres ont rejoint les rayonnages des bibliothèques en 2006 ce fut l’enthousiasme parmi les lecteurs. La bibliothèque de Meckhé a enregistré 140 nouvelles lectrices qui venaient spécialement pour les romans de la série Adoras. Les lectrices se faisaient fort de lire toute la série et demandaient ensuite d’autres ouvrages du même type.
Ajoutons enfin les romans policiers qui ont partout leurs lecteurs.
A l’origine, les collections destinées aux premières bibliothèques Lire en Afrique se composaient, pour la moitié, de romans/littérature. Depuis cette catégorie n’en représente plus que 20%,

CONCLUSION

Par sa connaissance de terrain, Lire en Afrique s’est forgé une connaissance unique des pratiques de lecture au Sénégal. Cette spécificité a été reconnue puisque à plusieurs reprises c’est Lire en Afrique qui a été sollicitée pour réaliser les études de besoins en matière de lecture dans la région de Dakar.

Synthèse des livres expédiés de France par Lire en Afrique vers le Sénégal
Antérieurement à 2003 : multiples envois par lots de cartons en complément de bagages, dans avion présidentiel, la marine nationale française : 65 000

de 2003 à 2005 : 2 conteneurs expédiés soit 41 000 livres
2003 un conteneur de 20 000 livres réceptionné au Cercle Maurice Gueye de Rufisque
2005 un conteneur de 21000 livres réceptionné au Complexe Léopold Sédar Senghor de Pikine

de 2006 à 2012 : 7 conteneurs expédiés à Joal soit 205 000 livres
2006 conteneur de 22 000 livrés à Joal
2007 conteneur de 25 000 livres plus 6000 achetés au salon du livre de Dakar
2008 conteneur de 38 000 livres à Joal
2009 conteneur de 36 000 livres à Joal
2010 conteneur de 13 000 livres à Joal
2011 conteneur de 25 000 livres à Joal
2012 conteneur de 36 000 livres

De 2013 à 2014 expédition de 2 conteneurs à Dakar soit 46 000 livres
2013 expédition d’un conteneur de 28 000 livres au Conseil Régional de Dakar
2014 expédition d’un conteneur de 16 000 livres au centre culturel Blaise Senghor, cartons prêts à être distribués aux 80 bibliothèques du projet Allez les filles, complétés d’un don de Présence Africaine, destinés à la direction du livre.

2017 : 2 palettes Biblionef de 2000 livres.

A ces expéditions venues de France, il convient d’ajouter :
tous les livres acquis chez les éditeurs et distributeurs à Dakar parmi lesquels les Éditions NEAS et le distributeur AFD en des quantités importantes.
Tous les livres achetés aux éditeurs ivoiriens (NEI/CEDA) et béninois (Ruisseaux d’Afrique) et livrés, sur leur stand, au salon du livre de Dakar FILDAK


Aucune photo n’est encore insérée dans cet album