L’expédition des livres au Sénégal, le dépotage des conteneurs et la préparation des dotations pour les bibliothèques

samedi 26 février 2022
par  LEA
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Le stockage des livres et leur expédition au Sénégal ont toujours été l’épine du pied de notre activité. Il a fallu dépenser beaucoup d’énergie en prises de contact en tout genre, pour parvenir à expédier nos cartons de collectes.
Par la suite l’accès au transport par conteneur a facilité notre activité en nous permettant d’expédier les volumes de livres nécessaires à l’augmentation rapide du réseau des bibliothèques Lire en Afrique.

Sommaire de l’article

  • Des solutions de fortune pour l’expédition de cartons à l’unité
  • L’accès au transport par conteneur, une solution bienvenue
  • L’arrivée du conteneur et sa sortie du port de Dakar
  • L’acheminement du conteneur au local de Joal situé au collège de la Petite Cote
  • Un premier conteneur traité à Joal, bientôt suivi de 7 autres
  • La question de l’hébergement
  • La distribution des dotations
  • L’installation des collections dans les bibliothèques

Des solutions de fortune pour l’expédition de cartons à l’unité

Sans budget, trouver des livres c’est toujours possible, avec du courage et de la volonté, mais pour les expédier, sans recourir aux transporteurs internationaux commerciaux, cela s’avère assez compliqué.

De 1990 à 2002, avant d’avoir accès au transport par conteneur, nous avons expérimenté plusieurs solutions :

  • • Le transport de cartons de livres en bagages accompagnés, lors de nos voyages. A chaque séjour, nous emportions les livres avec nous, en sélectionnant les compagnies qui accordaient le plus de fret gratuit, comme par exemple, la TAP, compagnie portugaise, et, en sollicitant au besoin, d’autres passagers qui n’avaient que peu de bagages. A l’époque, c’était encore possible. Nous passions ainsi une centaine de kilos, à chaque voyage.
  • • Des accords passés avec des organismes de tourisme populaire dont les clients voyageaient avec sac à dos, donc avec peu de poids, tels « les auberges de jeunesse ». Deux groupes de voyageurs partaient chaque année, l’un en juillet, l’autre en août. L’enregistrement se faisait de façon groupée et nous complétions, avec des cartons, le poids total des bagages autorisés pour le groupe par la compagnie d’aviation. Les bibliothécaires de Yoff allaient récupérer les cartons, à l’aéroport, à l’arrivée des passagers. A chaque voyage une quinzaine de cartons pouvaient ainsi être acheminés gratuitement à destination.
  • • L’avion présidentiel du Sénégal. L’un de nos adhérents était chauffeur à l’ambassade du Sénégal en France. Il nous informait, lorsque l’avion présidentiel devait quitter Paris pour Dakar et qu’il y avait de la place pour des bagages. Nous nous entendions avec le commandant de bord, Monsieur Gueye, de Ouakam. Les cartons étaient récupérés par les bibliothécaires de Yoff ou de Ouakam. Nous avons obtenu quelques expéditions par ce moyen.
  • • La marine nationale française. L’armée française étant installée à Ouakam, nous avons sollicité et obtenu des audiences, avec le colonel de la base militaire BA 160 pour demander à bénéficier de fret gratuit par leur entremise, ce que nous avons obtenu à 2 ou 3 reprises. Arrivés à Ouakam, à la base française, sans passer par les douanes, les cartons étaient récupérés par les yoffois ou les ouakamois.
  • • La marine commerciale. A deux occasions, faute de solution de transport gratuite, nous avons dû recourir à la marine commerciale en expédiant, non plus des cartons unitaires, mais des palettes entières, une première fois 5 énormes palettes et une deuxième fois, 3 ou 4 palettes. Arrivées au Sénégal, elles étaient routées directement vers les projets de bibliothèque. Mais cette solution fort coûteuse grevait le budget de l’association, alimenté des seules cotisations des membres.

Ces solutions étaient relativement simples mais très aléatoires et ne pouvaient concerner que de petites quantités. A cette époque nous mettions en place, en moyenne, une bibliothèque par an, ces volumes suffisaient à assurer note activité.

Nous avons exploré d’autres pistes, émis des demandes à d’autres associations pour des départs groupés, contacté les compagnies aériennes et maritimes pour du fret gratuit, mais nos demandes sont restées vaines. N’appartenant pas au milieu associatif caritatif, ne disposant pas de salariés et ayant nous-mêmes une activité professionnelle qui exigeait notre présence permanente au bureau, nous connaissions assez mal les filières et avions peu de contacts avec le milieu des associations d’aide internationale.

L’accès au transport par conteneur, une solution bienvenue

A partir de 2005, nous avons pu bénéficier d’un conteneur annuel, grâce à un partenariat avec l’association ADIFLOR.

Un conteneur contient 22 palettes, c’est-à-dire de 25 000 à 45 000 livres, selon la taille des livres.

Cette nouvelle solution a transformé notre façon de travailler. En effet jusque-là, nous collections des livres en fonction des projets en cours. Mais avec les conteneurs, nous pouvions aussi anticiper en constituant des réserves de livres pour les projets futurs. La recherche de livres s’est intensifiée et le rythme de création de bibliothèques s’est alors accéléré.

L’arrivée du conteneur et sa sortie du port de Dakar

A l’arrivée du conteneur de Dakar, commencent les démarches délicates pour la sortie du port.

Dans les premières années, les procédures étaient très nombreuses. Nous sollicitions les services d’un transitaire, mais il fallait aussi obtenir des attestations ministérielles pour l’exonération des taxes douanières, déclarer en détail le contenu du chargement, etc. Par la suite, la procédure s’est allégée. Nous avons été dispensées de remettre la liste des titres, la liste de colisage pouvait être moins détaillée, l’exonération des taxes n’a plus nécessité de document dûment tamponné par le ministère. Néanmoins, chaque année les procédures évoluaient et il fallait s’adapter. Lors de la dernière expédition nous avons même dû obtenir une licence d’importateur en préalable au dédouanement ! La sortie du port a toujours été une période de stress intense avec des complications dans la relation aux transporteurs et transitaires, l’incertitude sur la date exacte de mise à disposition des marchandises, la nécessité de nous adapter sans cesse à des circonstances difficilement prévisibles.

Le tout premier conteneur que nous partagions avec la DLL, payé par le projet FSP, est arrivé chez le transitaire « Transene » à Dakar. A son arrivée, les cartons avaient été dé-palettés et dispersés dans tout l’entrepôt du transitaire au milieu des autres objets importés comme l’électroménager, les matériaux de construction, etc. Retrouver nos cartons dans tout ce bric-à-brac fut une épreuve, d’autant qu’au départ, le magasinier avait spécifié le nom du destinataire sur chaque palette, mais pas sur chacun des cartons qui ne portaient qu’un numéro d’identification, en rapport avec la liste de colisage. Il a fallu des heures pour retrouver tous les cartons. Pour cette tâche ingrate et fatigante, l’équipe de la DLL, du projet FSP, destinataire du conteneur, ne s’est pas manifestée bien qu’elle disposa de magasiniers, mais c’est Lire en Afrique qui a dû tout identifier dans cet entrepôt insalubre.

Le second conteneur a été accueilli au Cercle Maurice Gueye de Rufisque et déchargé dans leur cour sous un hangar. Les cartons étant conditionnés par destinataire, il n’était pas nécessaire de les reconditionner à l’arrivée. Nous avions accepté de transporter des livres pour le lycée Abdoulaye Sadji et le lycée moderne de Rufisque pour le compte du jumelage entre le lycée de Sartrouville et les lycées de Rufisque. Pour le reste, il s’agissait de dotations destinées aux bibliothèques de Bargny, Niaga et Sébikotane, situées dans cette zone géographique, ainsi que pour le cercle Maurice Gueye. Les cartons ont été dispatchés et remis aux destinataires le jour même de leur arrivée.

Le troisième conteneur est arrivé au complexe Léopold Sédar Senghor de Pikine. Cette année-là, nous mettions en place la bibliothèque de ce complexe avec plus de 7000 livres qui leur étaient destinés. L’espace mis à notre disposition était très vaste et nous avons pu procéder au tri et à la répartition des cartons et des livres aux destinataires qui sont venus en prendre livraison. Un reliquat, réservé pour des projets futurs, est resté dans les locaux mêmes de la bibliothèque de Pikine. Nous avons soigneusement empilés les cartons en colonne de façon à prendre le moins de place possible au sol.

Ces expériences nous ont fait ressentir, la nécessite de disposer d’un endroit pérenne pour traiter et conserver les livres entre leur arrivée et leur distribution.

Pour prévenir tout problème de dédouanement insoluble à distance depuis Paris, Eliane a toujours été présente à Dakar pour l’arrivée des conteneurs. Il fallait suivre, en direct, et sur place, toutes les démarches, comme par exemple fournir un acompte en liquide au transitaire, produire tel ou tel document complémentaire, se rendre à la convocation des douaniers, etc. D’autres associations ont souvent fait état de problèmes sans nom pour parvenir à sortir leur chargement du port sans perdre une partie de son contenu. Lire en Afrique n’a jamais rien perdu, les palabres et les coups de sang ont été nombreux, mais les chargements sont toujours arrivés intacts à destination.

L’acheminement du conteneur au local de Joal situé au collège de la Petite Cote

Lorsque nous avons pu disposer d’un local au collège de la Petite Côte, nos conditions de travail et notre organisation ont changé radicalement.

Le premier conteneur qui y est arrivé était destiné à l’opération, « Moi je lis » menée conjointement avec ADIFLOR, dans le cadre de l’année de la francophonie et du centième anniversaire de la naissance de Leopold Sédar Senghor. Il s’agissait de livres neufs, achetés chez les éditeurs, à raisons de 600 titres en 20 exemplaires, destinés à 20 bibliothèques du réseau Lire en Afrique. Eliane était venue, à plusieurs reprises, au moins un an à l’avance, pour chercher un local puis pour effectuer les travaux de rénovation et d’équipement du local : carrelage, peinture, électricité, huisseries et équipement en étagères et tables par le menuisier du village, Jérôme Dogue.

Contrairement à nos instructions, les cartons ont été livrés en notre absence, dans la nuit par un petit camion qui a fait trois voyages du port de Dakar à Joal pour épuiser tout le chargement. Les cartons ont été déchargés sans ordre et balancés n’importe comment dans tout l’espace, si bien que lorsque nous sommes arrivées, des tas de cartons couvraient tout le sol et en condamnaient pratiquement l’accès. De plus, le directeur du collège, frère Albert Faye, était fort mécontent pour avoir été dérangé trois fois dans la soirée et la nuit afin de donner accès au local et le déchargement s’est effectué sous une pluie battante qui a endommagé pas mal de cartons.

Alioune Gueye, bibliothécaire à Yoff, est venu aider Eliane pour traiter cet arrivage en vue de la cérémonie de remise aux bibliothèques.

Le travail pour vider les cartons et disposer les livres sur les étagères a été très pénible, parce que tout était mélangé ce qui a nécessité énormément de manipulation pour regrouper les livres titre par titre. Eliane a d’ailleurs contracté une lombalgie qui l’a affectée pendant 3 ans. Interdiction formelle lui a été faite de porter des charges, ce qui est peu compatible avec le travail de logistique qu’elle était la seule à pouvoir conduire, à Joal.

Cette expérience nous a incitées à être systématiquement présentes, par la suite, lors de l’arrivée des conteneurs pour que le déchargement se fasse avec ordre et méthode : une équipe de manutentionnaires locaux était recrutée, les cartons triés par nature dès le déchargement (par type de fournisseur ou par origine par exemple), et chaque charge orientée vers un espace précis du local pour anticiper les étapes ultérieures de traitement des livres.

La première année, ce sont les apprentis du menuisier Jérôme Dogue qui ont fait office de manutentionnaires. Ils étaient une dizaine pour transporter chacun une trentaine de cartons entre le camion et le local. Le déchargement a duré une demi-heure. Ils ont reçu 5000 FCFA chacun, autant que leur salaire mensuel d’apprentis. Par la suite l’atelier de Jérôme ayant déménagé à l’autre bout de la ville, nous avons eu recours à des manutentionnaires du marché avec leur chariot. Chacun touchait entre 5000 F et 10 000 F, selon les effectifs présents pour environ une heure de travail, et le tarif âprement négocié.

Un premier conteneur traité à Joal, bientôt suivi de 7 autres

Peu à peu, le travail est devenu plus agréable, parce que mieux organisé. Un bibliothécaire de Meckhé, Moussa Djitté, a proposé de venir aider Eliane. C’était pour lui, l’occasion de sortir de son village, de découvrir Joal et, sans emploi, de gagner un argent de poche qui lui permettait de faire face à ses dépenses de l’année. Par principe, les bibliothécaires travaillent dans leur bibliothèque de façon bénévole, mais dès qu’ils s’investissent pour le réseau Lire en Afrique, nous jugions normal de leur verser une indemnité d’autant que la plupart d’entre eux ne disposaient d’aucune ressource personnelle. Le montant que nous versions était très correct, bien supérieur à ce qu’ils auraient touché pour un travail similaire, mais toujours cohérent avec le niveau des revenus locaux.

Le travail durait environ un mois pour exploiter les 500 cartons reçus à chaque arrivée de conteneur

  • • Première étape, sortir les livres des cartons en procédant par origine, et par éditeurs. Les étagères ne permettent d’accueillir que 12 000 livres, 3 ou 4 rotations sont nécessaires pour venir à bout de l’ensemble de la livraison. Les cartons, vidés sont conservés en colonnes pour libérer l’espace au sol.
  • • Deuxième étape, rassembler les livres par titres pour faciliter le pointage des factures et liste de colisage afin de s’assurer qu’aucun livre ne manque.
  • • Troisième étape : tamponnage. Eliane procède au tamponnage des livres pour marquer que les livres ont été fournis par Lire en Afrique. Elle pointe en même temps le bordereau de livraison et la liste de colisage.
  • • Quatrième étape : constituer les futures dotations. Moussa prend les piles de livres, préalablement organisées par titre pour en déposer un exemplaire dans une série de 20 (ou plus) cartons à la composition rigoureusement identique. Moussa aimait beaucoup ce travail qu’il accomplissait très méticuleusement.
  • • Cinquième étape : enregistrement du contenu de la série de carton achevée. La base de données des stocks est mise à jour et permet d’identifier, l’origine des livres traités, leur prix public, leurs caractéristiques (nature, public destinataires etc.)
  • • Sixième étape, mise en réserve. Les cartons sont numérotés, étiquetés, rangés sur palette pour les isoler du sol et de l’attaque des termites.

En moyenne, il faut compter environ deux à trois jours pour traiter une série de 20 cartons.

La question de l’hébergement

Le traitement d’un conteneur prend un mois au bas mot, la question de l’hébergement se pose.

Pour la première année, Eliane et Alioune, venu lui prêter main forte, avaient trouvé à se loger chez un couple franco-sénégalais qui disposait d’une villa au bord de la mer à Joal. Puis l’équipe a pris pension dans une auberge proche du collège. Ensuite, ce fut Ngasobil, chez les sœurs du sacré cœur qui proposaient un hébergement touristique, accessible. En dernier lieu, retour à Joal avec une location chez les sœurs franciscaines, idéalement situées, non loin du collège, à l’entrée de Fadiouth. C’était un lieu pratique, au calme, au bord du bolon, face au parc à huîtres, dans un espace arboré ; quatre religieuses y résidaient, dont une seule sénégalaise, professeur d’espagnol du collège de la petite côte, les 3 autres étaient française, congolaise et burkinabé. Là, nous disposions au premier étage de chambres individuelles dans un appartement qui comprenait une cuisine et un salon collectifs. En général, étant seules occupantes, nous disposions de l’intégralité de l’appartement. La machine à laver du rez-de-chaussée était à notre disposition. Cet hébergement chez les sœurs étant réservé aux femmes, Moussa était logé en pension complète dans une famille, proche du collège. C’était une famille catholique, ce qui a beaucoup fasciné Moussa, musulman mouride, mandingue, mais vivant en milieu wolof. Il s’entendait bien avec le chef de famille, un surveillant du collège public de Joal, le père de Moussa était aussi dans l’enseignement. Il a été frappé par les différences de modes de vie entre sa famille musulmane mouride et celle de ses hôtes catholiques, en particulier, par l’attention apportée à l’éducation des enfants aux antipodes des pratiques de sa famille. Il trouvait les façons de faire des catholiques bien meilleures que celles des musulmans.

Chaque midi, nous allions prendre notre repas au restaurant situé à l’entrée de Fadiouth, le Finio. Il fallait arriver assez tôt, avant l’affluence des cars de touristes, pour être les premiers à passer commande. Au menu, un poisson grillé, daurade ou barracuda, accompagné de riz blanc et de sauce à l’ail. Pour Moussa, le choix portait toujours sur les daurades qui étaient servies par deux pour une seule personne. Chez lui, à Meckhé, à la table familiale, c’était, au mieux, une daurade pour toute la famille avec le thiéboudienne, un plat collectif, au milieu duquel trônait un seul poisson, partagé entre tous les convives.

La distribution des dotations

Le local de Joal nous a permis de ne plus lier l’arrivée des livres et leur distribution. Les livres arrivés pouvaient être stockés dans un lieu sûr en prévision des projets futurs arrivés à maturité.

Lorsque le projet était prêt à recevoir les livres, c’est à dire lorsque tous les prérequis étaient respectés, nous donnions rendez-vous aux destinataires à Joal pour l’enlèvement des livres. Nous voulions que certaines tâches restent à la charge des demandeurs, afin qu’ils s’approprient le projet. Dans beaucoup de projet, heureusement, le maire de la localité, qui dispose d’un véhicule utilitaire procuré par l’État et de bons d’essence, mettait le véhicule et le chauffeur à disposition. Dans d’autres projets, c’était à la population de se mobiliser, notamment en Casamance. La diaspora dakaroise ou mbouroise était désignée par le village pour prendre en charge le transport des livres de Joal à destination. Souvent, nous leur proposions de se regrouper à deux villages proches, pour partager les frais de transport.

L’installation des collections dans les bibliothèques

Dans la période 1990 2004, nous nous rendions sur place, pour travailler, avec les équipes locales, à la mise en place des livres dans les rayonnages. C’était aussi l’occasion d’assurer une formation sur le tas aux futurs bibliothécaires par la pratique : tenir le registre d’inventaire, distinguer les catégories de livres, identifier les publics, réfléchir à l’usage des livres, organiser des zones de la bibliothèque, procéder au classement rigoureux des livres. Les séances de mises en place étaient ponctuées de moments de réflexion collective sur tous les aspects importants de la gestion comme élaborer le règlement intérieur, établir les statistiques annuelles, gérer les adhésions, les prêts et les retours, faire connaître la bibliothèque, lancer des campagnes de promotion de la lecture, gérer la nécessaire relation entre la bibliothèque et les établissements scolaires… Faire comprendre le mode de classement par ordre alphabétique d’auteurs pour les fictions et par numéro de cotation Dewey pour les documentaires était l’étape la plus compliquée. Finalement, par souci d’efficacité, nous avons introduit un système de classement pas couleur à l’aide de pastilles à coller au dos des livres : mauve pour les contes, vert pour les romans africains, rouges pour les œuvres au programme, jaune pour les premières lectures, etc.

Par la suite, nous avons organisé des formations d’une semaine en résidentiel pour les nouveaux bibliothécaires par groupe d’une quinzaine, et nous avons cessé de nous déplacer pour accompagner la mise en place. Le stage se déroulait pour partie en bibliothèque. Au programme un thème très important intitulé « Du carton à l’étagère » qui illustrait chaque étape de la mise en place afin que les futurs bibliothécaires puissent organiser leur bibliothèque au mieux et sans nous. Nous savons qu’il s’agit d’une étape cruciale qui, si elle n’est pas abordée avec méthode, peut les conduire au découragement face à un monceau de livres déballés sans ordre, ni méthode. Chaque année, en visitant les bibliothèques, nous prêtions une attention particulière au classement en rappelant les notions de base et en l’améliorant avec eux si besoin, car un livre mal classé est un livre perdu. Le plus difficile est de connaître les livres et d’en reconnaître les catégories. En effet, rares sont les bibliothécaires bénévoles à avoir fréquenté une bibliothèque, ni vu un aussi grand nombre de livres et si variés. Pour eux, existent les manuels, un point, un trait (selon l’expression locale). Au Sénégal, on nous parle rarement de livres, mais de manuels, quant à notre tour, nous parlons de livres, il est alors nécessaire de préciser ce que nous entendons par là : albums, BD, fictions, romans avant que les malentendus s’installent. En avril 2018, lors de l’inauguration de la bibliothèque de centre multifonctionnel de Sébikotane, le maire, accompagné du conseil municipal de Sébikotane, a visité la bibliothèque avant de procéder à la cérémonie. Marie Josèphe a pris en mains l’accompagnement de la visite en présentant rayon par rayon, les romans jeunesse, les premières lectures, les séries de BD jeunesse, les documentaires scientifiques, y compris pour les très jeunes avec la collection premières découvertes de Gallimard, etc. Dans les discours qui ont suivi, nous avons pu constater que le maire et son conseil municipal venaient de faire la découverte des livres jeunesse. Le maire avait certes fréquenté des bibliothèques lors de ses études supérieures en France. Mais comment aurait-il pu connaître la littérature jeunesse ? Il n’y en avait nulle part au Sénégal, lorsqu’il y était enfant.

En règle générale, il faut bien sûr demander aux porteurs de projet, les livres qu’ils veulent, mais ne jamais se limiter à leur demande. Ils ne peuvent souhaiter que ce qu’ils connaissent et leur requête ne peut qu’être limitée aux usages strictement scolaires.


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