Les projections video, outil d’incitation à la lecture à la bibliothèque de Keur Madiabel

mardi 2 avril 2019
par  LEA
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Nous publions ici l’intervention de Mouhamadou Abib Kebe, lors du séminaire Lire en Afrique de Kaolack le 17 février 2019. Il y explique les stratégies mises en oeuvre pour attirer lectrices et lecteurs à la bibliothèque de Keur Madiabel.

Mouhamadou Abib Kébé. Il y a autre chose que je voudrais également partager à propos d’animation et que nous avons bien réussi. Il s’agit des projections. Je ne sais pas si c’est possible partout. Mais chez nous ça a vraiment réussi. Comment fait-on ?
Au départ on prend les œuvres au programme.

Stratégie pour rendre Phèdre de Jean Racine accessible

Keur Madiabel.
Mouhamadou Abib Kebe

L’idée m’est venue quand on étudiait Phèdre en seconde. J’avais donné le texte de Phèdre de Jean Racine à lire à mes élèves. Un mois après, personne ne l’avait lu. Je pose quelques questions pour voir si les élèves l’ont lu. Pas de réponse ! J’étais frustré. Je me suis dit : "Est-ce que je vais rester là à faire une interrogation et donner à chacun des notes basses : 3, 2, 1 ou 0. Peut-être ne comprennent-ils pas que c’est bon de lire ? Je vais essayer de susciter leur intérêt avec le film Phèdre de Jean Racine".
Je convoque tous les élèves de seconde à la bibliothèque, qu’ils aient une carte d’adhésion ou non, ça n’est pas un problème. L’essentiel est de passer le message dans toutes les classes de seconde en annonçant la projection sur Phèdre de Jean Racine pour le mercredi à la bibliothèque. La bibliothèque refusait du monde, Tout le monde était venu. Après la projection, j’ai un peu commenté et donné la parole aux élèves. Le lendemain tout le monde avait lu Phèdre. Au départ, ils ne l’avaient pas lu parce qu’ils n’imaginaient pas que c’était un bon livre.

Stratégie pour faire aimer les contes

J’ai abordé le conte de la même manière. J’ai organisé une projection sur Ali Baba et les 40 voleurs. C’est le programme, je suis toujours dans le cadre du programme. Ça a incité les élèves à lire les nouveaux contes d’Amadou Koumba qui est une œuvre au programme. Et aujourd’hui nos œuvres de conte, ce sont presque les œuvres les plus lues.

Stratégie pour faire comprendre que "lire" peut changer la vie

Nous projetons chaque année, pour les inciter à lire, le film « Ecrire pour Exister ». Cette l’histoire de jeunes qui ne veulent pas lire, qui ne veulent même pas étudier. Ils sont organisés sous forme de bande dans leur quartier. Ce sont en réalité des bandits. Mais, grâce à un professeur, ces élèves sont parvenus à écrire des livres à partir de leur propre vie grâce à la lecture, grâce également à l’enseignant qui ne s’est jamais découragé. Il a continué à leur donner des livres, à les aider, malgré tous les problèmes, tout ce que les élèves faisaient comme mauvaises pratiques ainsi de suite. Son objectif était toujours le même : former ces élèves difficiles.
Le résultat fut spectaculaire et a changé la vie des élèves.

De la même manière, que ce professeur a réussi à changer la vie de ses élèves-là, nous bibliothécaires, nous devons nous intéresser, non pas aux élèves qui viennent tout le temps, nous devons aller chercher les autres qui n’aiment pas la lecture pour les intéresser. Et il faut surtout investir sur les enfants, les enfants de primaire car ils ont encore esprit malléable et on peut mieux les orienter. Mais pour les élèves de lycée, c’est terminé. Ils sont perdus pour la lecture car, si à cet âge, ils n’aiment pas lire, ils ne vont jamais aimer. Il faut donc investir sur les enfants, les intéresser. Ainsi, quand ils auront le goût de la lecture, ils ne vont plus jamais arrêter.

Complément de Mame Cheikh, bibliothécaire, responsable du club de lecture et recherche. À propos de la projection : cette année-là lorsqu’on a fait la projection on a eu 276 inscrits. C’était en 2016. Auparavant on avait une centaine d’inscrits, mais après la projection on en a eu 276 de plus.

Stratégie de communication : s’appuyer sur les événements culturels locaux

Keur Madiabel.
Aliou KEBE, maire de Keur Madiabel, lors de l’inauguration de la bibliothèque à l’occasion du FESTACK fin 2016

Autre pratique également par rapport aux initiatives prises : je vais évoquer le festival annuel des arts et de la culture de Keur Madiabel, le FESTACK. Le festival réunit presque toutes les couches de la communauté madiabeloise. Chaque année avec le maire, l’initiateur du festival, nous saisissons cette occasion pour sensibiliser davantage sur l’existence de la bibliothèque et sur la nécessité de lire. La dernière édition du FESTACK, nous avons introduit dans le programme thème de conférence : «  cultiver la culture de la lecture » que le maire a développé.
A la fin de la conférence, tout le monde a visité la bibliothèque et ça nous a permis d’augmenter notre fréquentation. Ce sont des pratiques simples que chacun peut développer chez lui.

Stratégie pour équilibrer les activités au sein de la bibliothèque

Attention, il ne faut pas passer tout le temps en animation. Ce ne serait pas une bonne chose. Il y a des lecteurs qui ne sont pas intéressés par l’animation mais viennent à la bibliothèque pour y lire ou travailler. Donc il faut de la mesure. À chaque fois, il faut choisir le bon moment pour la projection, avertir à temps les lecteurs, préciser la date, l’heure et la durée de la séance de telle sorte que ceux qui ne sont pas intéressés par la projection soient avertis et ne viendront pas à la bibliothèque. Ou bien il faut veiller à ne pas bloquer tout l’après-midi par l’animation, préciser que la projection durera 1 heure, de 17 heures à 18 heures. Il ne faut pas trop en faire de manière à ne pas éliminer définitivement la lecture sur place.

Propos recueillis lors du séminaire Lire en Afrique de Kaolack le 17 février 2019

Keur Madiabel.
Séance de projection video à la bibliothèque
Keur Madiabel.
Affluence lors de séance de projection vidéo à la bibliothèque

Keur Madiabel.

Mouhamadou Abib Kebe