Kara Abdoulaye Diatta, C’est grâce à la bibliothèque que j’ai eu mon bac S

jeudi 7 février 2019
par  LEA
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KARA ABDOULAYE DIATTA
Bachelier série S en 2018

Kara Abdoulaye a découvert la bibliothèque de Tendouk alors qu’il était en 3°.

Á l’époque, j’étais en 3ième. Depuis l’école primaire, Yancouba me suivait de près, il était mon professeur d’étude coranique. Il a vu mes résultats et mon engagement à l’école coranique et élémentaire. Il m’a parlé de la bibliothèque. Je lui ai dit, "ce que je veux c’est devenir un scientifique". Il m’a répondu "viens à la bibliothèque, tu ne vas pas le regretter parce qu’il y a pas mal de manuels qui parlent de la série S, il y a des annales qui couvrent tes programmes de la série S. La bibliothèque est là pour le besoin des élèves qui ont l’engagement de réussir dans leurs études. C’est la raison pour laquelle ce partenariat a été mis en place avec Lire en Afrique, pour aider les élèves de Tendouk"

Je suis donc venu découvrir la bibliothèque, sur les conseils de Yancouba qui en était le gestionnaire
Lors de ma première visite, il m’a laissé découvrir. J’ai consulté toutes les étagères. J’ai vu des annales, et tant d‘autres livres.

Aujourd’hui, s’il est un heureux bachelier de la série S, il le doit à la bibliothèque

Á l’époque, je me préparais à entamer la seconde S. Nous étions la première promotion du lycée de Tendouk qui venait d’être créé. On n’avait pas de soutien, pas de supports. Beaucoup de professeur avaient du mal à nous encadrer faute de disposer de manuels. Ce que j’avais en tête c’était de vérifier si j’étais capable de faire la seconde S avec les documents de la bibliothèque. Les manuels, tous ces documents, on ne peut pas les avoir ailleurs, c’est seulement avec Lire en Afrique que c’est possible. Faire des études, aller à l’université, ça n’est pas gratuit. Mon père n’aurait jamais pu me payer tout ça.

Et aujourd’hui je peux dire que c’est la bibliothèque qui m’a permis de réussir, c’est grâce à elle que je me suis engagé dans la série S. C’est grâce à elle que j’ai eu mon bac S.

En plus des supports pédagogiques, J’ai lu Balzac, « le père Goriot » et les livres de la littérature africaine et française au programme des lycées. J’ai lu aussi des livres de la littérature jeunesse, histoire de me distraire.

Kara, aujourd’hui bibliothécaire, rend compte de la difficulté à attirer les jeunes à la bibliothèque

Nous n’étions pas nombreux à fréquenter la bibliothèque.
Marietou, qui était alors bibliothécaire, avait fait une campagne de sensibilisation dans les écoles pour informer qu’il y a une bibliothèque à Tendouk. De mon côté, J’ai parlé de la bibliothèque à mes camarades.

Mais c’est très difficile de convaincre les jeunes de venir. C’est une question des réalités de ce village. Par exemple, avant l’arrivée de l’école à Tendouk, les parents pensaient qu’y envoyer les enfants c’était du gaspillage. "Si tu les envoies, tu ne vas rien avoir. Il vaut mieux qu’ils aillent au champ".

Aujourd’hui, avec l’arrivée du lycée, nos parents comprennent. Ils sont en train de se rendre compte que l’école c’est la seule chance que l’enfant peut saisir, que tout le monde doit saisir.

Mais pour la bibliothèque, si tu dis à un élève, "viens, on va aller à la bibliothèque pour apprendre", les parents vont protester. "Au lieu d’aller au champ cultiver, et d’obtenir ainsi un sac de riz, tu vas à la bibliothèque. Non, non, non, va au champ ! » Et ici, un enfant ne peut pas contredire ses parents, il doit obéir à ce que lui ordonne son père sinon on dira que l’enfant est impoli, mal éduqué.

J’essayais de convaincre mes camarades de venir à la bibliothèque en leur disant : "j’ai découvert tout près d’ici une bibliothèque qui peut beaucoup nous aider dans nos études". Mais leur premier souci c’était "est ce que j’aurai le temps ? est ce que mon père va me laisser y aller ?". Ils savaient que la première chose que leur père allait leur demander c’était "est ce qu’il y a des professeurs dans cette bibliothèque ?". On lui répondait, "non ce sont des jeunes du village qui la gèrent". Les parents ne vont pas comprendre que chacun doit y aller pour apprendre par soi-même avec les livres. Ils vont seulement penser que, comme il n’y a pas d’enseignant formé pour gérer la bibliothèque là-bas, il n’y a rien. "S’il n’y a pas de professeur, comment peut-on apprendre ?".
Ils ne savent pas que le savoir, c’est une quête perpétuelle. C’est par la lecture qu’on va être informés, qu’on va y trouver ce qui peut nous être utile dans cette vie et ce qui va nous permettre de réussir.

Car la bibliothèque c’est le professeur le plus cultivé. Chaque livre est un professeur.

Séance d’interview avec Kara Abdoulaye DIATTA et Yancouba THIAM
Avec Kara Abdoulaye DIATTA, Yancouba THIAM et Marie Josèphe DEVILLERS

Malgré ces difficultés, la bibliothèque de Tendouk a enregistré de beaux succès

Yancouba, l’un des premiers bibliothécaires à Tendouk, aujourd’hui policier de proximité, reconnait que si, aujourd’hui, il est devenu ce qu’il est, s’il est respecté dans le village, c’est au travers de la lecture. Il continue à aimer la lecture. Il veut pousser les enfants à aller dans le bon sens car, dit-il, ils ne vont pas le regretter.

Une fillette, Adam Diedhiou, était élève au CE1 et fréquentait la bibliothèque. Elle était toujours la première dans sa classe. Ses parents l’on emmenée dans un autre village à Diatock, ses résultats ont baissé et son père l’a ramenée à Tendouk pour qu’elle puisse continuer à aller à la bibliothèque.

Parmi les élèves ce sont surtout les filles qui viennent à la bibliothèque y faire des recherches pour préparer des exposés.

Matar, un des premiers à avoir fréquenté la bibliothèque, est aujourd’hui à l’université de Bambeye. Il a récemment lui-même payé une carte d’adhésion à sa sœur. Il lui a dit, " il n’y a pas de secret pour réussir, c’est avec ces livres-là". Á chaque fois qu’il rentre à Tendouk, il vient rendre visite à la bibliothèque.

Il y a aussi 2 élèves très ambitieux qui ont commencé à partir de la seconde à fréquenter la bibliothèque. Aujourd’hui ils sont en terminale et font partie de l’équipe qui gère la bibliothèque.

Bibliothèque Lire en Afrique de Tendouk
Bibliothèque de Tendouk, revue du classement des livres
Comment améliorer le classement et faire de la place sur les étagères. Avec Eliane LALLEMENT et Kara Abdoulaye DIATTA

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